Tribune Juive

Sarah Cattan. Lorsque les barbares arrivent en Ville

©PHOTOPQR/LE PARISIEN/Philippe de Poulpiquet ; Paris ; 24/08/2020 ; Paris (75), le 24 août 2020. PSG-Bayern. Des centaines supporters se sont rassemblé et des heurts ont éclaté sur les Champs-Elysées après la défaite du PSG lors de la finale de la Ligue des champions. (MaxPPP TagID: maxnewsspecial470389.jpg) [Photo via MaxPPP]

Quand celui-là, devinant le premier la menace qu’Ils portaient sous leurs capuches, les qualifia de sauvageons[1] et que cet autre voulut nettoyer ça au karcher[2], Ah que n’entendit-on pas. Mais quand cette autre persista à les appeler, quoi qu’ils fissent ou disent, Chances pour la France, Oh combien nous fûmes perplexes.

Et silencieux

Lorsque Les Inrocks, Le Bondy Blog, Télérama ou une Pascale Clark tentèrent de nous vendre ces nouveaux artistes ô combien incompris, nous ticquâmes.

Et restâmes silencieux

Lorsque tant d’autres nous chantèrent les beautés et attraits méconnus de banlieues contées comme autant de terres françaises exotiques, si exotiques, alors que de plus lucides, plus honnêtes, plus courageux décrivaient autant de Territoires perdus de la République, nous regardâmes … ailleurs…

Lorsqu’Ils cassèrent, tabassèrent, massacrèrent pour un regard qui n’avait pas l’heur de leur plaire, nous tournâmes encore le regard.

Lorsque nos media relayaient la parole présidentielle et évoquaient des incivilités, nous leur fûmes presque gré : Ô ces audacieux. Qui brisaient enfin le déni. Qui contaient l’horreur quotidienne. Fût-ce au prix d’un petit sujet sur le conducteur de bus laissé pour mort ou l’aide-soignante qu’Ils écrabouillèrent.

Lorsqu’un nouveau Ministre de l’Intérieur eut le front d’évoquer un ensauvagement contre lequel il promettait, lui, d’agir, et que le Palais critiqua le lexique duquel il usa, nous ne dîmes rien.

Nous restâmes silencieux.

Ou parlâmes à voix basse.

Entre nous.

C’est que … ni vous ni moi n’entendions nous faire taxer de raciste, facho et autres gracieusetés.

Lorsque fleurit sur la toile le hashtag #OnVeutDesNoms, nombre d’entre nous s’émurent encore. Le débat s’ouvrit. Ils ne se prénommaient jamais Louis ou Pierre. 

Nous continuâmes à laisser parler d’autant d’incidents commis par des délinquants : d’Orange mécanique à Starmania, ça avait toujours existé, disaient certains. Ô la fable : jamais une telle barbarie. Ceux-là ne ressemblaient décidément pas à quelque Prince des Villes ou autre James Dean.

Ceux-là, il y avait dans leur manière de faire du sordide. Du bestial. De la bêtise crasse. Cette insupportable ignorance. Et puis, le pire qui fût : Ce sentiment d’impunité.

Et ces soutiens qui n’en finissaient décidément pas :  nos  malfrats et autres caïds de cités  avaient depuis des années leurs codes à eux : Quel prof osa-t-il dire « Si tu continues je convoque ta mère » sans risquer de se prendre un surréaliste et presque comique « Vous traitez pas ma mère ! »

Ils avaient leurs plaideurs. Culpabilisants à souhait. Celui-là[3] osant dire à ses habitants qui n’en pouvaient mais et décidaient donc de se mobiliser qu’il fallait bien que jeunesse se passât, à quoi cet autre[4], déjà taxé de l’infâmie – je veux dire estampillé mec de droite, rétorquait, comme de guerre lasse, que la France était devenue, dans les faits, un terrain vague. Une maison de passe. Un open bar. Un permis de tuer. Un stand de tir. Une feuille morte scotchée à la poubelle Justice. C’est qu’il avait noté que la mort d’Axelle suscitait moins d’empathie que celle … d’un Adama Traoré.

Vinrent alors les deux soirées mémorables de la Ligue des Champions où était en lice le PSG. Ils montèrent en ville. Et là, en dignes brutes épaisses, témoignèrent d’un même comportement, que leur club gagnât, ou perdît : Liesse, titrèrent au soir de la victoire nos media, taisant le Paris estropié que les dits supporters nous laissèrent, avec une violence et une haine encore rarement vues, avant que de titrer Paris est passé du rire aux larmes et de se taire pudiquement et lâchement, huit jours plus tard, lorsque les mêmes, face à la défaite, cassèrent et fracassèrent exactement comme ils l’avaient fait le jour où leur club gagna, sauf qu’au soir de la défaite, ils hurlaient à qui mieux mieux Bayern On te hait, avec, comme en écho, ce surréaliste Paris On t’encule: Ils sont … français.

Nul ne put dire qu’il ne savait pas. La faute aux réseaux sociaux. Lesquels diffusèrent à foison les video relayant les scènes accablantes. On allait sévir ! Il suffisait ! entendit-on du Palais, alors même que le plus triste en l’affaire était de voir ces escadrons de police laissant faire, obéissant d’évidence à la consigne donnée : On ne charge pas. On ne provoque pas la banlieue. On en prend quelques-uns au collet. On les traduira en comparution immédiate.

Et on attendra. Le temps que ça tiendra. Fallait pas nous les énerver. Illustrant dans les faits les mots d’ Antoine-Auguste Preault: Il y a dans le monde quelque chose de plus bas que le bourreau : c’est son valet.  

Ceux qui ont connus Paris d`avant, pourront reconnaître que les politiques de ces dernières années ont massacré notre capitale, tweeta, écoeuré, Waleed Al-Husseini. Jusqu’à un Michel Onfray fustigeant ce silence médiatique et cette impunité extravagante, et dénonçant … un deux poids, deux mesures : c’est que le philosophe avait encore en mémoire les Gilets jaunes tabassés cet hiver et peut-être plus que de raison et accusait le gouvernement d’avoir laissé faire les casseurs dimanche soir à Paris pour acheter la paix sociale : Il sait très bien que, s’il est répressif, la violence va augmenter. C’est une façon de dire : on n’a pas vu, on ne touche à rien, on ne fait rien du tout. Pourquoi il y a autant de territoires perdus dans la République et on ne fait rien du tout alors qu’on est capable de tabasser des gens simples et les gens modestes ? Simplement parce qu’on achète la paix sociale. On achète la paix sociale au profit d’une guerre civile, conclut le philosophe, tant elle se faisait flagrante, cette sorte d’alliance de l’élite politico-administrative française avec… « l’ennemi », les fils de cette immigration musulmane caressée dans le sens du poil : 2022, c’est si proche…

Voilà où nous en étions en vérité.  PSG il y a 40 ans, racontait celui-là, photos à l’appui : Il y a 44 ans les Verts perdaient contre le Bayern la finale de la Coupe d’Europe des Clubs champions et défilaient sur les Champs-Élysées dans la liesse populaire !

Images d’un temps révolu

Le même lieu cette nuit.

Mais que diable a-t-il pu se passer entre-temps ? interrogeait cet autre.

Dimanche soir, malgré les 3 000 membres des forces de l’ordre mobilisées, la chose se répéta : des débordements inadmissibles, s’égosilla le Ministre qui se paye de mots, alors que la presse, elle, évoquait des heurts, et que chacun de nous put se faire une idée desdits incivilités, dégradations et autres incidents : Autant de scènes d’une violence inouïe. Autant de pillages. Dans des lieux choisis. Le luxe, Ils aiment. Et il y en avait toujours pour les comprendre : « Ils cassent ce qu’Ils n’auront jamais », pleurnicha l’hypocrite Jean-Pierre Mignard.

Les media font le service minimum. Les Français s’accoutument. Feue la gauche et nos neo-féministes regardent ailleurs lorsque les mêmes, ( oui, les mêmes ) , après avoir assassiné un Mamoudou  Barry, un Philippe Monguillot ou une Axelle Dorier, parce que l’un comme l’autre avaient décidé de ne plus s’en laisser conter et avaient eu la folie ou le courage  de réagir, de dire NON, s’en prirent encore, à 5 contre 1, – c’est leur modus operandi- à ce jeune lyonnais qui eut, lui, le front de s’interposer entre la meute et deux toutes jeunes filles qui attendaient un bus, le fracassant donc, et le frère de la victime appelant à dénoncer ces nouvelles populations, ces personnes violentes et sans intelligence détestant notre culture nationale , ces barbares franco-maghrébins, maghrébins et subsahariens qui sévissaient en France, en Belgique et alentour, et desquels on ne voulait plus s’acharner à comprendre et analyser les raisons du désastre, quelles qu’elles fussent : Etait-ce bien à ceux-là que j’avais enseigné Les Lumières, le droit au blasphème, Etaient-ce eux que j’avais emmenés à la Comédie française, à l’Opéra et à Orsay, et qui, aujourd’hui, étaient les acteurs de ce … chaos, créatures de ces gouvernants qui, de reculs en reculs, de compromissions en accommodements, de lâchetés en lâchetés, semblaient d’évidence dépassés par leur … oeuvre.

Autant de pain béni pour certains, qui tweetèrent à tout va qu’il fallait refuser cette soumission[5], qui rappelèrent l’affaire Marin, du nom de l’étudiant laissé pour mort à Lyon en 2016 par un groupe de jeunes, alors qu’il s’était interposé dans l’agression d’un couple.

Tout le reste passa à l’as, Covid, chômage, rentrée scolaire sur fond de Gilets jaunes, de Gang Traoré and C° : comme une odeur de guerre civile s’annonçant. Une sorte de guerre des races lourde de mille ressentiments et rancœurs identitaires. Nous laissant ce matin défaits. Usés à force de dresser l’état des lieux : Une forme d’alliance explosive, écrivit Charles Rojzman[1], entre frustrés et déshérités, menés par autant d’activistes, et, in fine, en lieu et place  du monde de demain dont nous parlâmes tant, la mise en place de nouvelles dictatures, de nouvelles prisons.

Qu’on cesse de s’excuser. Qu’on arrête de se payer de mots face aux agissements d’autant de barbares venus faire leurs courses. Jusqu’à quand et jusqu’à où accepter ce procès incessant fait au pays qui les avait vus grandir en son sein, leur avait ouvert crèches, écoles et musées. Jusqu’à quand et jusqu’à où répondre à ces exigences en termes de « droit » alors que la notion même de « devoir » leur était étrangère. Qu’il cesse, ce climat d’impunité au nom duquel tout leur semblait définitivement autorisé.

La France en est à un stade de coma et de mort avancé, a déclaré Michel Onfray dans une interview[6]. […] Nous sommes dans une civilisation épuisée. Nous n’aimons que ce qui nous déteste, tout ce qui nous détruit est perçu comme formidable. Il faut détruire la vérité, l’histoire … Nous n’enseignons plus l’histoire de France et nous ne disons plus ce que notre civilisation a accompli. Nous parlons seulement de notre civilisation pour la dénigrer.  […] Il faut se lever, résister, a-t-il conclu, précisant … qu’il ne croyait pas à un réveil, mais qu’il se battrait … jusqu’au bout.


[1] Le terme fut employé en 1999 par le ministre de l’Intérieur, Jean-Pierre Chevènement, pour qualifier les mineurs délinquants multirécidivistes.

Sauvageon : n.m. Jeune arbre poussé sans avoir été cultivé.

[2] « Dès demain, on va nettoyer au Karcher la cité. On y mettra les effectifs nécessaires et le temps qu’il faudra, mais ça sera nettoyé« . Cette phrase a été prononcée par Nicolas Sarkozy le 19 juin 2005, dans la cité des 4.000 à la Courneuve, après la mort de Sid-Ahmed Hammache, un enfant de 11 ans tué d’une balle au bas de son immeuble, victime d’une rixe entre deux bandes.

[3] Christian Jeanjean, maire LR de Palavas-les-Flots

[4] André Bercoff. 26 juillet 2020.

[5] Laurent Wauquiez

[6] lesalonbeige.fr  30 juillet 2020.

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