
Il aimait les fous et les mendiants
Elie Wiesel les chantait, les louait, était leur porte-parole
De ces parias, de ces exclus, de ceux-là qui sont regardés avec mépris
Qui s’expriment si peu ou dans un langage à eux
Langage de la solitude, de la misère de l’homme face à un monde sans pitié pour ceux qui n’ont pas eu la chance, qui ont dégringolé,
Langage peut être de la vérité de la condition de l’HOMME sur terre
Langage peut être de ceux qui ont refusé d’être les dupes, conformes,
Seulement des errants sans foi ni loi, et parfois ni toit
Mais Elie, qui est passé par la souffrance la plus indescriptible, a compris ces hommes, il a partagé la détresse de l’homme qui voit la mort, le mal, Et en a déduit que la seule force de l’homme est de se servir de son langage et du meilleur de lui-même Pour témoigner, pour aller vers l’autre, lui laisser une place. Car cette place lui avait été refusée, parce qu’il avait commis la faute d’être né Juif.
Alors, il a voulu, dans ses livres, introduire les exclus, la lie de la terre.
Un mendiant.
D’ailleurs la tradition juive fait une part belle à l’autre, L’invité inconnu, qui peut venir s attabler.
Il aimait les fous et les mendiants. Il l’a dit dans un entretien : J’aime les fous
Moi qui suis psychanalyste, qui ai pu observer ceux qui sont classés comme tels, les psychotiques, les délirants, les hallucinés, Je partage avec Elie Wiesel ce désir de faire comprendre que la folie est aussi une réaction individuelle d’êtres trop sensibles à la folie du monde.
Si le fou avait et est toujours rejeté parce qu’on refusait de voir en lui le symptôme de notre incapacité à vivre avec les autres, en bonne entente, c’est parce que nous voulons dominer, imposer, plutôt qu’aimer l’autre
Alors le langage du fou dévie, délire, refuse la compromission, la castration. Il construit son monde autre, échappe à la norme, s en exclut, Et il invente, il crée, tel un Joyce ou un Artaud.
Le fou se crée un sens nouveau, à l’ordre des choses.
Désordre, chaos de l’âme, Ou poésie, création…
Elie Wiesel a vu dans ces êtres soudain envahis par un dibbouk des poètes, des frères exclus, qu’il a compris et aimés.
Car il a aimé profondément l’homme, dans ses faiblesses, dans son désarroi. Rien de l’humain ne lui était étranger. L’étranger, le différent, Il avait compris que c’était une peur, un réflexe mauvais, en chacun de nous. Le racisme, l’antisémitisme…
Alors, toute sa vie, il a tenté de faire entendre la raison. Il a combattu, aussi, pour Israël, pour montrer le combat de son peuple face aux ennemis toujours plus nombreux, pour arriver à une paix dans cette région enflammée. Dans cette terre d’amour et de feu, comme disait l’ami Kessel.
Oui, ELIE, vous avez beaucoup donné à l’humain.
Sam, votre frère de cœur, votre ami de toujours, mon mari, et moi-même, nous vous aimions.
Pour info, Sam Itzkovitch, mon mari, fut, comme Elie Wiesel, un très jeune combattant pour la Palestine en butte aux Anglais. De là, une amitié sans failles. Elie voulut que son ami, Sam Itzkovitch, grand réalisateur, qui signa de nombreux films pour les major compagnies américaines, comme Grand Prix, The eye or the devil avec Kim Novak, la co réalisation avec John Frankenheimer de The horse men d’après le livre de Kessel… adapte un de ses films. L’Oublié… Magnifique histoire. Qui est un peu l’histoire de mon mari… à savoir celle d’un vieil homme, qui sent que sa mémoire s’en va, et voit son fils, qui pourrait être mon mari, cet homme qui a réussi, et il craint qu’il s’éloigne de ses racines, de sa tradition.
Sam Itzkoviotch, très sensible à cette histoire, à son père, qui lui parlait de cette crainte… quand il l’a vu quitter Israël pour l’Europe, les USA, essaya de faire l’adaptation de ce projet, mais n’y parvint pas.
Psychanalyste, Politologue, Dominique Itzkovitch a créé le THINK TANK DEVENIR, qui se veut un centre de réflexions interdisciplinaires sur les grands problèmes de société et de démocratie face à un monde en perte de valeurs démocratiques et en butte à des questions majeures de société.