
Beaucoup d’enfants des classes protégées et éduquées ont reçu l’amour conditionnel d’une mère qui les a gâtés et qui les a manipulés en leur faisant comprendre qu’ils n’en faisaient jamais assez pour elle. Leur violence qui fait écho à cette violence douce de culpabilisation les amène à se créer des images d’ennemis tout-puissants contre lesquels ils se rebellent.
Ils ne veulent surtout pas être des esclaves parce qu’en quelque sorte ils l’ont été, dans leur enfance choyée. Ils se rebellent contre toutes les puissances qui peuvent les rendre esclaves: la nation, l’armée, les colonisateurs, les églises installées.
Ils prennent systématiquement et aveuglément le parti des opprimés ou de ceux qu’ils imaginent parfois être des opprimés Ils s’enthousiasment pour toutes les rebellions et haïssent les oppresseurs qui empêchent la réalisation de leur idéal. Leur recherche d’une bonne mère leur donne une nostalgie de l’amour universel et ils rêvent d’une utopie de réconciliation générale, qui effacerait les différences et les conflits, gommerait les appartenances.
Nous avons là en Europe toute une génération qui se sent coupable de ne pas aimer, qui se sent coupable de toute cette haine refoulée qu’elle projette sur des figures parentales détestées, qui ne veut pas reconnaître la violence et la haine qu’elle retourne contre des figures du Mal, une génération qui profite d’un système de privilèges et qui, en même temps, trouve des justifications à la violence de ceux qu’elle considère comme des victimes.
Cette génération ne veut plus du racisme et de la haine. Elle ne veut pas de la guerre. Elle veut la réalisation de cet amour universel qui devrait lier tous les êtres humains, quitte à avaler au passage quelques couleuvres ou plutôt quelques serpents, sans avoir repéré leurs venins.