
לאורה מלכה
Il y a deux ans j’étais en réanimation à Bichat. J’étais arrivé très faible, perdant déjà du poids de façon spectaculaire en peu de jours. Chez mon médecin, j’avais fait un arrêt cardiaque, médecin des pompiers, tout ça, j’avais deux de tension et je suis demeuré quatre jours sans atteindre quatre de tension, infarctus la première nuit, patient déjà cardiaque, hypertendu, diabétique, insuffisant respiratoire, atteint d’une maladie dégénérative, reins fragiles, 71 ans: quel tableau.
Cause inconnue: une infection rare, difficile à identifier, presque toujours mortelle chez l’homme en bonne santé. On m’a dit plus tard, on me dit encore que je suis un miraculé et que mes chances de survie étaient de 1/30000, ce qui paraît incroyable.
Des professeurs de médecine m’ont dit: Ailleurs on aurait sans doute baissé les bras.
À Bichat ils se sont battus, battus, moi aussi, le respirateur artificiel j’ai connu, je ne souhaite pas cela à mon pire ennemi.
J’ai eu affaire à un médecin-chef musulman très pratiquant à barbe de salafiste qui ne m’a quasi pas quitté. Et qui a, de son propre chef, appelé un rabbin dans la nuit, c’était la nuit de Lag Baomer, comme cette nuit ce soir.
Pourquoi je dis cela? Pas pour me raconter. Et je déteste me remémorer cette longue, très longue, douloureuse, insupportable, réanimation.
C’est que ce n’est pas à l’homme de choisir la vie ou la mort pour un autre homme. J’en suis persuadé. Cette pensée , cette certitude même, est une de mes raisons de vivre alors qu’après tout, dans l’état qui est le mien, tous les jours ne sont pas folichons même si j’affecte de plaisanter sur Facebook.
Je suis intimement persuadé que si les deux premiers médecins à me prendre en charge à Bichat, celui que je viens d’évoquer et un autre, une femme extraordinaire, n’avaient pas été des musulmans croyants, je ne serais sans doute pas vivant en ce moment précis, m’exprimant là à l’instant, écrivant sur mon smartphone. Ils ont même tout mis en œuvre pour que à certains moments j’aie accès à ce smartphone, puisse communiquer un peu avec le monde extérieur, les amis de Facebook dont les messages m’encourageaient à tenir et qu’une infirmière me résumait, répondant souvent pour moi.
L’homme n’a pas à décider de la vie et de la mort d’un autre homme. Sauf, à la très extrême rigueur, et on pourrait même en discuter, pour le bourreau d’Auschwitz.
J’ajouterais: le mot euthanasie me fait hurler: il n’y a pas de bonne mort et c’est le sens du mot.
Je ne suis pas chrétien pour idéaliser la mort. Je suis Juif et je lève mon verre en disant: Lehaïm. Et je ne pense pas qu’il soit supportable de défendre l’idée que, et peu importe la raison, on ne se battrait pas jusqu’à l’extrême, et même contre toute logique, pour la vie d’un être humain.
En tout cas pas si on se veut un tant soit peu juif – même du bout des lèvres…