J’en ai assez de ces Français irresponsables, de ces gens qui veulent la fin du déconfinement sans savoir ce qui les attend. J’en ai marre de lire inepties sur inepties parce que le Covid et moi on se connait bien. Cela fait quatre semaines que je suis malade. Je n’ai vu personne depuis le 14 mars.
Je traverse cette horreur parce que c’en est une que je ne souhaite à personne même pas à mon pire ennemi (je n’ai pas d’ennemi) de vivre ce que je ressens.
Même au pire de mes chimios, je n’ai jamais éprouvé de telles douleurs physiques et un tel épuisement. J’ai eu beaucoup de chance, et je croise les doigts pour que cela dure, d’avoir eu le bon traitement à J1 et cependant cela ne m’a pas empêchée de vivre un enfer : une température montée à près de 41, la sensation que l’on broyait mes poumons, que l’on m’arrachait les membres.
Journal de bord…
Je vous laisse lire un des bouts du journal de bord que je tiens depuis les premiers jours de la maladie et que j’envoie depuis le début de celle-ci à mes proches affolés : « Journée atroce, seuil de douleur 40. Et, difficultés à manger en raison de l’agueusie et de l’anosmie. Et, eu très peur de faire une fausse route avec un bout de craquotte ! Mangé un couscous préparé par La Belle Vie, couscous légumes sur lequel j’avais déversé un pot d’harissa, je crois que je ne pourrais plus manger de couscous de ma vie. La semoule quand on des problèmes de sécheresse et de déglutition, pas recommandée du tout. Journée à ne rien faire, ou plutôt passer dans la salle de bains qui devient mon nouveau lieu de vie. Hématuries (sang dans les urines) ce soir mais plus de douleur. Merci mon Esther ! qui fait des gâteaux pour que j’en ai toute la semaine prochaine. Malheureusement, je ne peux pas dire s’ils sont bons mais l’apparence est sublime. Confirmation que le CBD marche sur les douleurs, après une heure d’ingestion du space cake, plus de douleurs (ce qui me permet de vous écrire sans hurler, car même taper sur le clavier est une épreuve, comme lever son petit doigt). Coronaconnée à mort, et avec la crainte du 20e jour, mais je suis sous haute surveillance et protection et philosophe. Encore quelques douleurs résiduelles mais je ne bouge plus. Jj peux-tu penser à dire à tes amis malades qu’ils portent des chaussettes de contention ou des bas en raison du risque de phlébite, thrombose etc. ? Merci et tu as eu raison de donner mon tel à tes amis pour que j’explique comment prendre le CBD. Je précise qu’il a aussi un effet ressemblant à un anxio, favorisant le sommeil et calmant les angoisses. Pas de sautes d’humour aujourd’hui. Ouf ! Sentiment d’avoir un peu plus le contrôle ou de m’adapter ? Les deux, sans doute. Belle nuit à tous. Love. F. P.S. : Bessou a eu ses deux tranches de jambon, mais reste dans son coin, déprimée. Elle semble perdue et cela me fait beaucoup de peine. Elle ne dort plus avec moi, ce qui est très dur et accentue mon sentiment d’être une pestiférée. »
Le visage de la mort
Ce qui est le plus dur, c’est qu’on se sent le visage de la mort. On ne peut approcher ni voir personne, on est comme un pestiféré ce qui est très dur pour le moral.
Depuis que j’ai appris qu’il n’y a pas d’immunité parce qu’on l’a eu, j’ai peur parce que cette fois j’ai échappé à la réa mais si ça recommence ? Mon corps déjà mis à mal tiendra-t-il le coup et je précise que je fais partie des personnes à risques non pas à cause de mon âge ni de mon poids mais en raison de mon cancer du sein (je suis toujours en hormonothérapie et de mon asthme).
Je ne comptais pas en parler, ce qui est privé, reste privé mais ce que je lis sur certains murs m’a fait sortir de mes gonds.
P.S : j’ai effectivement rechuté à J20 et crains le 29e qui est vendredi. Je tiens à remercier mes amis qui le savaient et ont tenu le secret. Je tiens aussi à préciser que je suis seule et je vous laisse imaginer les exploits que cela peut représenter de monter et descendre un escalier, de devoir se faire la cuisine, se laver etc. Un cauchemar. Aucune description de photo disponible.
Félicia-France Doumayrenc est écrivaine et psychanalyste spécialisée en troubles du comportement.
« Ne l’appelez plus Liz« , roman sur la passion de Taylor et Burton, est son prochain livre, à paraître aux Editions Télémaque