Depuis le 1er janvier, Netflix diffuse une série intitulée « Messiah ». Dans un Moyen Orient très abstrait ou rien n’apparait des conflits multiples entre sunnites et chiites, entre perses et arabes, entre sunnites radicalisé et d’autres qui le sont un peu moins, entre arabes et juifs, entre musulmans et chrétiens…, la chaîne américaine Netflix a néanmoins imaginé le surgissement d’un Messie, un homme-solutions doté de superpouvoirs.
Ce projet Messiah n’est pas né dans la cervelle d’un scénariste musulman. Les musulmans sont incapables d’imaginer un autre prophète que celui qu’ils vénèrent depuis 1400 ans et, ils mettraient leur vie en péril s’ils s’y risquaient. Les plus lucides essaient juste de se tirer des griffes de la religion islamique plutôt que de la réinventer.
Messiah n’est pas non plus un projet juif. Le judaïsme est certes un messianisme, mais depuis qu’ils se sont réinstallés en masse au Proche Orient, les juifs sont devenus prudents et surtout ils rêvent moins. Après 2000 ans d’exil à murmurer « l’an prochain à Jérusalem », cette Jérusalem en dur dont ils ont fait leur capitale, ils ne la lâcheraient pas pour une ombre fut-elle céleste.
Il ne restait que des cervelles de scénaristes chrétiens pour imaginer un Christ-Superman capable de rebattre les cartes. Et conformément à la mythologie chrétienne, d’aujourd’hui, ce Jésus a été fait Palestinien. Le choix de Mehdi Dehbi est excellent. Il a du charisme, sa tignasse évoque celle de Jésus mais il incarne un arabe, vraisemblablement musulman, inévitablement palestinien.
Pourquoi le Jésus de Messiah est-il « inévitablement » palestinien ? Parce que « le palestinisme » est une idéologie qui a été montée de toutes pièces depuis plus de trente ans, par les organisations palestiniennes et les églises chrétiennes d’Orient. Yasser Arafat en son temps et Mahmoud Abbas aujourd’hui ont fait de Jésus un « prophète palestinien » et même le premier « résistant » palestinien. Quant aux Eglises catholiques et protestantes, elles ont conféré une valeur théologique aux Palestiniens en les « christifiant », selon le terme utilisé par Pierre-André Taguieff » (Prêcheurs de haine, p360). Cette victimologie palestinienne « très en vogue dans les Eglises protestantes et catholiques de Jérusalem » écrit l’historienne Bat Ye’Or, « voit dans la cause palestinienne la crucifixion de Jésus par un Israël satanique » (Eurabia, p233).
Certes le « Messiah » de la télévision n’a pas cette violence dénonciatrice, mais sa mission – et ses miracles – ont néanmoins pour fonction d’abolir les frontières (d’Israël principalement) et de redessiner un nouveau territoire – et une nouvelle histoire – ou les Juifs passent au second-plan et cèdent le premier rôle à des personnages musulmans et chrétiens.
Les foules que ce Messiah rassemble sont en tous cas des foules arabes en Syrie et dans les Territoires et des foules chrétiennes aux Etats Unis. Et les miracles qu’il réalise au Moyen Orient et aux Etats Unis sont ceux d’un Jésus chrétien : il anéantit l’Etat islamique avec un tempête de sable, il marche sur l’eau et il sauve une jeune fille américaine d’une tornade au milieu des Etats unis. Il demande à 2 000 Palestiniens d’enterrer leurs armes quand ils approchent de la frontière d’Israël et, chose étonnante, ils le font. Et lorsqu’un jeune arabe se dénudera (signe d’innocence et de pureté) pour franchir les barbelés qui séparent Israël de la Syrie, aucun soldat hébreu n’osera tirer sur lui. Miracle vous dit-on !
Dans Messiah, les Israéliens n’ont pas la représentation belle. Ils sont incarnés par un agent des services secrets à la dérive, divorcé, mauvais père et sans doute un peu alcoolique. Les quelques soldats hébreux qui gardent la frontière sont fébriles jusqu’au ridicule et frôlent le carnage tant leur doigt sur la détente tremble de peur. Ce sont des personnages sans encrage, sans profondeur réelle, des pantins de passage.
La série Messiah ne pouvait pas les dessiner autrement puisqu’elle ne s’inscrit pas du tout dans l’histoire biblique. Elle s’inscrit dans la théologie de la libération christiano-palestinienne, parce que pour les chrétiens propalestiniens d’aujourd’hui, la survie de leur religion passe par une union avec l’islam. Une union qui libérera enfin le christianisme de ses racines juives.