Charles Baccouche. SHOAH


                 

       

« Jamais je n’oublierai cette nuit, la première nuit au camp qui a fait de ma vie une nuit longue et sept fois verrouillée.

Jamais je n’oublierai cette fumée.

Jamais je n’oublierai les petits visages des enfants dont j’avais vu les corps se transformer en volutes sous un azur muet.

Jamais je n’oublierai ces flammes qui consumèrent pour toujours ma Foi.

Jamais je n’oublierai ce silence nocturne qui ma privé pour l’éternité du désir de vivre.

Jamais je n’oublierai ces instants qui assassinèrent mon Dieu et mon âme, et mes rêves qui prirent le visage du désert.

Jamais je n’oublierai cela, même si j’étais condamné à vivre aussi longtemps que Dieu lui même.

JAMAIS

Elie Wiesel »

Ils étaient des millions qui animaient l’Europe de leur humour, de la gaité de leurs musiques klezmers, des shabats des cours de Rabbins hassidiques et de la ferveur de leurs talmidé yéshiva se balançant face à face pour s’enseigner mutuellement les règles de la vie juive, ce qui est permis et ce qui le ne l’est pas, ou pour approfondir la pensée de tel Sage opposée à celle de tel autre Hakham (Sage), dans un tourbillon qui monte à l’infini, car tous deux ont raison devant les Instances du ciel (Chamaïm) et on écoute leurs débats là haut pour que les Anges s’en inspirent, tellement la sagesse humaine est supérieure à la leur, les Anges du service (Malakhé hacharet)

Ils étaient si nombreux dans leurs shétteles, que les synagogues devaient miraculeusement élargir leurs murs pour contenir les hommes aux offices du matin, de l’après midi et du soir, elles s’ouvraient de plus en plus avec l’affluence des femmes et des enfants les Shabats et pour les fêtes qui scandent depuis des millénaires la vie des juifs, se souvenant, commémorant les « Exploits d’Achem » les miracles de la sortie d’Egypte qui signent la découverte de la liberté par un peuple opprimé depuis 210 ans, Peuple qui reçut la LOI et la Responsabilité qui en procède, Peuple des cabanes du désert (Souccot) qui rappelle la précarité de l’existence et la main du Tout Puissant qui bénit son peuple.

Que dire des nappes blanches tendues pour les repas de Shabbat!

Que dire du taleth couvrant les épaules lors de l’office du matin  jusqu’au repas du Shabat

Que dire du juif, roi en son village un jour par semaine et gueux le reste du temps!

Que dire de ces Princes découvrant les rouleaux de la Loi !

Que dire, sinon qu’ils étaient pauvres parmi les pauvres, mais surs que la Présence d’Hachem  par sa Shékhina (la Providence), protégeait la communauté de tout mal et que la bénédiction des Cohen leur apporterait l’abondance, la santé, et la paix, surtout la paix.

Leurs métiers n’assuraient que la survie, mais l’étude de la Thora et les enseignements des Maitres siégeaient dans le cœur de chaque homme et de chaque femme, les uns pour apprendre et  transmettre, les autres pour entretenir la maison, préparer les halot et le repas de la famille, familles serrées dans de tout petits logements, battus par les vents et les froidures des plaines orientales

Chaque Shabat (une fois tous les sept jours) c’était fête au shtettel, les hassidim dansaient, les violonistes enchantaient leurs violons pour réjouir le cœur du peuple fidèle, les enfants courraient insouciants mais déjà imprégnés de la joie du Shabat,

Les hazzanims psalmodiaient les psaumes et décollaient en les déroulant, les Paroles de la Thora de leurs rouleaux au moment de la lecture de la Sidra,

Les villages juifs de la Mittle-Europa, de la Pologne à la Bessarabie, de la Germanie à l’immense Russie, ruisselaient de la joie et de la foi des juifs qui n’oubliaient pas de redouter les monstres les environnant, qui sans cesse, les menaçaient et souvent s’abreuvaient de leurs sangs dans d’ignobles massacres.

Mais eux de l’espérance, comme dit Edmond Fleg, reprenaient le cours de l’existence juive, remontaient leur masures, retournaient dans leurs Synagogues et Maisons d’étude avec l’innocence de ne pas imaginer le prochain massacre (Pogrom)

Ainsi allait la vie des juifs en Europe centrale et Orientale, communautés pressurées de taxes, rejetées et ou accueillies selon l’humeur des princes et des rois, leurs maitres en somme.

Ils étaient si nombreux les juifs d’Europe, mais ils résistaient aux vicissitudes de la faim, de la menace permanente des populations chrétiennes et paysannes de leurs environs.

Ils n’avaient pas les droits élémentaires : Pas le droit de travailler la terre, pas le droit d’occuper des fonctions administratives, pas le droit de porter l’épée, pas le droit d’exercer des professions nobles, pas le droit pas le droit… Mais  le droit de prêter sur gage et même d’usure (Le prêt à intérêt est de l’usure pour un bon chrétien), leur était ouvert, le droit de servir les Puissants, d’exercer de petits métiers, de colporteur, de porteur d’eau, de ferblantier, de matelassier…. Enfin des métiers qui permettaient de ne pas mourir de faim.

Mais ils étaient si nombreux que même les pogroms les plus efficaces ne parvenaient pas à réduire leur nombre, tandis qu’ils disaient : (Lo yanoum vé lo Ychan shomer Israël)

« Il ne dort ni ne sommeille le Gardien d’Israël » que la Providence veillait.

Ils se mettaient sous la protection du Très Haut qui devait les protéger de tout mal.

Mais qui peut savoir comment le Maitre du Monde protège son peuple ?

Ils se savaient être un peuple «à la nuque raide » qui renâcle à obéir à la Grande Voix du Sinaï, qui se révolte contre Moïse, humble Serviteur de l’Eternel.

Mais la « Nuque raide » (Qché oref) a aussi une autre acception, car oref signifie aussi horizon en hébreu, cette langue exceptionnelle,

Les Sages d’Israël ont compris qu’à l’horizon de l’Histoire, ce peuple têtu est un peuple fidèle à l’alliance avec son Père qui est aux cieux, fidèle à son Roi qui le gouverne en silence, fidèle aux commandements divins, fidèle à la parole dure de Moshé et à la voix douce d’Aaron, un peuple qui ne renonce pas à la révélation du Sinaï, un peuple qui reste lui-même dans les pires tribulations que les Nations lui ont infligé, d’exils en massacres tout aux long de deux mille ans de calvaire.

C’est ce peuple à la nuque raide que le Maitre du monde bénit et protège, mais nous n’avons probablement pas compris en quoi consiste cette protection.

Les Nations non plus d’ailleurs, qui ont usé de cette ignorance pour ne jamais cesser leurs persécutions. En effet, dans un affolant renversement du chant de Pessah « cela ne leur a pas suffit » aux Nations. La Nuit ténébreuse est descendue et a enseveli par millions, ces gens simples et pacifiques, emportant leurs familles leurs ainés, leurs enfants, leurs bébés dans une horreur sans nom.

Ils attendaient la guéoula-la rédemption, le Mashiah, le retour à Sion, transportés sur

« Les ailes de l’aigle ». Tout le temps, ils chantaient et priaient « l’an prochain à Jérusalem »

Ce n’est pas ce que la réalité du monde profane, le monde réel, leur réservait.

Un vent diabolique, monstrueux s’est levé sur l’Europe pour souffler les juifs de leurs provinces, pour qu’ils disparaissent de la Communauté des hommes, pour qu’un jour, leurs tortionnaires créent un Musée qui «  Rappelle un peuple disparu »

Ils devaient disparaitre par tous les moyens modernes entre les mains de l’Etat de barbares assis au centre de l’Europe.

Mais les massacreurs n’étaient pas des anges mauvais ou des extraterrestres démoniaques ou des créatures sorties des entrailles de la terre ou des robots sans âme créés pour terroriser les humains. C’était des Hommes et des femmes, des habitants de la Terre qui se sont livrés aux délices de leurs plus bas et sales instincts, en avilissant leurs semblables dans des océans d’humiliations, pour se faire croire qu’ils étaient supérieurs.

Supérieurs à ces torturés par les poux, par la faim, par le froid, par le travail forcé et inutile, par les ruses imbéciles ou on demande aux mères de désigner celui de ses enfants qui sera envoyé aux flammes, ou de vénérables vieillards sont forcés sous le fouet à danser devant des brutes avinées, ou de vieilles femmes obligées de relever la tête, le knout sous le menton,

Les enfants brutalisés, sans soins et abandonnés sans nourriture et promis aux flammes des crématoires.

Les Lagers infestés par la vermine et le typhus, les appels dégradants sous le regard mort des pendus du jour, la course infâme des corps nus dans la neige jusqu’aux chambres de la mort, et la déshumanisation par tous les moyens disponibles,

C’est ce qui attendait les juifs au milieu du siècle de la science et du progrès: La mort massive et programmée de tout ce peuple qui croyait au Ciel, alors qu’il était abandonné du Monde, car personne n’est venu les secourir, ni les guerriers d’Occident ni la Puissance d’outre atlantique ne leur ont porté aide ou assistance, au contraire ils ont fermé leurs ports et rejeté les réprouvés dans les griffes des barbares.

Même ceux qui tentaient de rejoindre leurs frères en lutte entre le Jourdain et la mer orientale, ont été empêchés de débarquer par un grand pays.

Leur ciel était de plomb et leur terre était de fer.

C’est cet immense malheur que l’Humanité toute entière devrait pleurer, parce que c’est elle qui a été tuée dans chaque juif massacré et brulé.

Cette ignominie, contre toute prévision, sous des noms nouveaux, renait de son sommeil (Le ventre de la bête immonde….) le cauchemar recommenceau nom d’un humanitarisme dévoyé, qui par un renversement inouï des valeurs, transforme les victimes en bourreaux et les bourreaux en victimes.

Voici que de nouveau, comme en ces temps maudits, les juifs sont vilipendés, accusés de turpitudes inventées par leurs ennemis qui sont leurs propres ennemis, mais qui se risquerait à le dire ou les en accuser, tant il est confortable de se tenir à l’écart, indifférent et coi devant l’âtre de la douce demeure.

Voilà que même le nom hébreu de cette catastrophe est désormais galvaudé, utilisé par des voyous qui le retournent contre les juifs.

Ce qui a emporté l’Europe naguère, la menace de nouveau, car elle n’a rien appris et rien transmis des malheurs du temps.

Quant aux juifs, Ils inscrivent le nom des millions de victimes dans leur mémoire et, chaque année rappellent les noms de ceux qui avaient même été dépossédés de leur identité.

Les Juifs à la fidélité infinie, se relèvent et renaissent aux pays de leurs pères.

Le Pays que le Tout puissant a juré de leur donner tant que le Ciel sera tiré au dessus de la Terre.

                                                                       Charles BACCOUCHE

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3 Comments

  1. Texte magnifique et très émouvant ,cela donne des frissons. Cela apporte aussi de l’espérance, les juifs qui ont connu tant d’horreurs ont eu le courage de toujours se relever et d’être forts. C’est une sacré revanche sur la vie et une défaite pour tous les nazis qui voulaient les anéantir. Ils ont construit un beau pays Israël. C’est votre victoire sur l’idéologie, c’est votre force.

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