Femmes et judaïsme, une révolution silencieuse

Le judaïsme orthodoxe institutionnel réserve aux femmes un rôle périphérique dans la transmission des textes et des rites. Ces dernières années, de petites révolutions bousculent les traditions patriarcales. Série « Les femmes, l’avenir de Dieu ? » (6/15).

Les femmes juives sont, dans un couple, celles qui transmettent la judéité aux enfants. Et pourtant, elles n’ont pas l’opportunité de communiquer beaucoup plus que cette primordiale identité. Photos : Ariel Schalit/AP, Peter Steffen/DPA/AP, Sebastian Scheiner/AP, Amir Cohen/Reuters, Sebastian Scheiner/AP, Baz Ratner/Reuters, Sebastian Scheiner/AP, Joseph Kaczmarek/AP, Oded Balilty/AP.

Le paradoxe interroge plus d’une pratiquante. Les femmes juives sont, dans un couple, celles qui transmettent la judéité aux enfants. Et pourtant, elles n’ont pas l’opportunité de communiquer beaucoup plus que cette primordiale identité. Elles y sont même essentiellement confinées. Les choses évoluent à grande vitesse depuis les années 1980, aux États-Unis et en Israël.

Reste que, dans le courant orthodoxe, les femmes se voient encore découragées de l’accès à l’étude approfondie des textes saints. Si la loi juive prévoit qu’elles soient dispensées – et non interdites – d’enseignement, cette exemption a conduit à ce qu’elles reçoivent dans les écoles confessionnelles des cours allégés du Talmud. L’analyse des textes, le débat, la réflexion restent l’apanage des hommes.

Cette différenciation se retrouve dans les synagogues orthodoxes où, sous prétexte de non-mixité, elles sont souvent reléguées dans des espaces où il leur est difficile de voir et d’entendre correctement l’office. Elles ne sont pas non plus autorisées, selon la plupart des rabbins orthodoxes, à lire les rouleaux de la Torah dans les synagogues, ni à enseigner à des garçons ayant atteint leur majorité religieuse, 13 ans.

« La loi juive est égalitaire, à quelques exceptions près »

« En France, nous sommes à l’ère préhistorique, avec parfois des attitudes très rétrogrades, qui ne sont pas en phase avec la loi juive », tranche Joëlle Bernheim, fondatrice d’une maison d’étude pour les femmes, à la synagogue de la Victoire à Paris. « Mais pour transmettre, il faut se donner les moyens. Si les femmes ne montent pas davantage au front sur ces questions, personne ne le fera pour elles. »

Faire valoir ses droits, en tant que pratiquante, serait-il contraire à la Halakha, la loi juive, comme l’invoquent nombre de rabbins ? « Absolument pas, la loi juive est égalitaire, à quelques exceptions près, mais la pratique sociologique ne l’est pas et a conduit à l’exclusion des femmes au cours des siècles », explique la talmudiste Liliane Vana, spécialiste en droit hébraïque appartenant au courant orthodoxe (lire La Croix du 18 novembre). « Pour justifier le fait que les femmes n’aient pas le droit de faire ci ou ça, les rabbins invoquent peu d’arguments juridiques, mais surtout la force de l’habitude et des convenances. »

De fait quand cette talmudiste a organisé une lecture de la Torah par des femmes en 2017 à Marseille, le président du consistoire de la ville s’en est offusqué, justifiant que cette pratique n’était « pas interdite, mais pas non plus recommandée », au motif que « ce genre de manifestation dans le passé n’a engendré que malheur et détresse ».

Trente siècles d’habitudes

« Il existe un décalage entre les possibilités qu’offre la loi juive et ce qui est accepté par les communautés, observe Nissim Sultan. Nous sortons de plus de trente siècles d’habitudes, et sur le terrain nous devons veiller à ne braquer personne. »

Pour ce rabbin orthodoxe, la première urgence est l’accès égal à l’enseignement des textes. « On ne peut pas attendre, car la relégation a des conséquences », estime-t-il. Concrètement les femmes fréquentent moins la synagogue que les hommes et se détournent parfois d’une pratique qui les place trop en décalage avec leur statut dans la société civile. « Elles ont des vies actives, ce sont des chefs d’entreprise, des avocates, et quand elles viennent à la synagogue, ce serait au balcon comme spectatrices ? Cela devient de plus en plus compliqué », fait valoir le rabbin grenoblois.

D’autant que le savoir et la transmission sont au cœur de la culture et de l’identité juives. « C’est même, depuis toujours, la condition de notre survie », explique la femme rabbin Pauline Bebe. Dans le courant libéral qu’elle incarne, hommes et femmes jouissent des mêmes droits et peuvent accéder aux mêmes fonctions, jusqu’au rabbinat.

La révolution est en marche

Mais ce courant et ses rites ajustés constituent un contre-exemple pour les orthodoxes. Les plus rigoureux d’entre eux tiennent les libéraux pour des hérétiques, promoteurs d’un judaïsme de déconstruction. « Les libéraux constituent pour nous le repoussoir absolu. On s’interdit d’avancer sur plein de choses par peur de leur ressembler », explique un rabbin orthodoxe, qui préfère conserver l’anonymat.

« Les femmes dans le monde ultra-orthodoxe renoncent au leadership institutionnel, mais l’émergence de figures importantes et populaires contredit ce retrait théorique. Leur discours n’est pas féministe, mais de fait leur existence l’est », nuance Noémie Issan, diplômée en philosophie et études hébraïques de l’École normale supérieure. « La révolution est en marche, des choses se créent sans attente de validation institutionnelle : à New York ou en ­Israël, des femmes rabbins sont ordonnées même si elles ne sont pas reconnues par le rabbinat officiel israélien. »

Il existe également des statuts informels qui témoignent d’un rôle central des femmes dans les communautés, comme celui de la « rabbanite », épouse du rabbin. Si elle ne bénéficie d’aucune rémunération ni de formation, celle-ci donne des cours et reçoit les fidèles, à l’instar de son mari. « La communauté nous embauche à deux, c’est vraiment la norme », insiste le rabbin Philippe Haddad.

Preuve que cette question travaille les différentes communautés jusqu’au consistoire, l’antenne bordelaise de l’institution orthodoxe a organisé, les 10 et 11 novembre, des assises où ces questions ont été franchement posées. Pour l’occasion, une des femmes rabbins orthodoxes, ordonnée et exerçant en Israël, a même été invitée.

► Le mot

Le « sidour »

Chaque matin, parmi les bénédictions affectées au début de la journée des juifs pratiquants, la plupart des livres de prière orthodoxes – le « sidour » – contiennent cette bénédiction déroutante : « Loué sois-Tu, Éternel, qui ne m’as pas fait femme. »

Cette prière suscite aujourd’hui la controverse pour son caractère supposément sexiste. Les plus orthodoxes considèrent qu’elle est un moyen pour l’homme de remercier Dieu d’être moins spirituel que la femme, dotée naturellement d’une sur-éminence de piété. Explication qui viendrait justifier pourquoi les hommes, selon la loi juive, sont soumis à une pratique rituelle plus importante que les femmes, exemptées de la plupart des commandements quotidiens.

Dans une perspective plus contemporaine, cette bénédiction viendrait au contraire, paradoxalement, « consacrer la fin du patriarcat », explique le rabbin Nissim Sultan. « Puisque Dieu ne l’a pas fait femme, l’homme peut donc reconnaître l’altérité féminine et laisser aux femmes la place qui leur revient. »

► Ce qu’une femme m’a apporté

« Elle m’a enseigné comment mettre ma foi dans l’étude »

Philippe Haddad
Rabbin de la synagogue Copernic (Paris)

« J’ai rencontré Éliane Amado Levy-Valensi, philosophe et psychanalyste française, lors d’un voyage à Jérusalem dans les années 1980. J’étais à l’époque élève rabbin au séminaire israélite. Je me souviens d’un mois d’août où j’ai assisté à l’un des séminaires d’étude qu’elle donnait à l’institut Mayanot de Jérusalem. Elle avait pris pour thème le couple Adam et Ève et les deux premiers chapitres de la Genèse. La manière dont elle étudiait la Torah m’a considérablement influencé. Pour elle, on ne pouvait travailler le texte qu’en hébreu, pour saisir la polyphonie et la sonorité des mots. Elle avait aussi le don de tirer la permanence du message des récits bibliques et de voir en quoi ils avaient une conscience moderne. Elle m’a enseigné comment mettre ma foi dans l’étude et c’est ce que j’essaie de faire aujourd’hui : voir comment chaque texte peut résonner dans la vie des personnes que je rencontre. »

Source : la-croix

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3 Comments

  1. Vous dites : “Les femmes juives sont, dans un couple, celles qui transmettent la judéité aux enfants.”
    Ce que je me permets de corriger ainsi : “Les femmes juives sont, dans un couple, celles qui transmettent la judéité RABBINIQUE, et non pas DIVINE, aux enfants.”
    Ce qui signifie que l’enseignement de base est totalement erroné. En effet, le judaïsme “MOSAÏQUE” du Sinaï, dont la transmission se faisait non par la mère MAIS PAR LE PERE, et ce conformément
    à la LOI DIVINE, n’existe plus car il reposait sur le sacerdoce lévitique lié quant à lui au temple de Jérusalem. Or la disparition du Temple de Jérusalem en 70 a entraîné automatiquement la disparition du sacerdoce lévitique. Par conséquent, OFFICIELLEMENT, Le seul Judaïsme valable aux yeux de DIEU : le Judaïsme MESSIANIQUE de Jésus, déclaré Souverain Sacrificateur selon l’ordre de Melkisédeq, sur lequel repose désormais la LOI divine, sacerdoce lié quant à lui au Temple de Dieu dans le Ciel…

    • Il suffit de lire les Ecritures : Dieu n’a pas plusieurs contrats d’alliance en cours mais UN SEUL, LE SEUL étant l’alliance messianique que Dieu a scellée avec Israël par le sang expiateur de Jésus, son Messie, et Fils. Les Juifs à l’époque de Jésus, apôtres et disciples, tous Juifs au départ, ont reçu l’ordre d’aller vers les nations pour faire connaître cette alliance nouvelle que Dieu a scellée avec Israël par le sacrifice expiatoire de Jésus et dans laquelle quiconque (donc des nations) recevait ce message de salut par la foi pouvait entrer et devenir un racheté, et faire partie du peuple saint, l’Israël de Dieu. En dehors de cette alliance nouvelle, alliance messianique, point d’alliance divine. C’est le message biblique. C’est pourquoi il est important d’aller vers les Ecritures, d’en prendre connaissance, d’y réfléchir, de demander à Dieu la REVELATION, et de se positionner une fois pour toutes par rapport à Jésus, Agneau de Dieu immolé pour le pardon de nos péchés, conformément à la prophétie d’Isaïe 53…

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