Tribune Juive

Ya hasra, nous étions tous chez Nous. René Seror

Il m’est souvent arrivé de me demander ce qui pouvait rattacher les Juifs de Tunisie à leur pays de naissance.

Cette attache quasi fusionnelle, qui fait qu’une odeur, une couleur, une saveur, mais aussi un détail tellement insignifiant nous replongent des décennies en arrière, nous font revivre des souvenirs enfouis en notre mémoire.

Font ressurgir des épisodes entiers que l’on croyait à jamais oubliés, au plus profond de nous.

Imaginer que cela affecte les seuls Juifs serait une erreur grossière.

Tout individu, quelle que soit sa race, sa religion ou sa couleur de peau, porte son enfance comme un étendard et sa séparation, telle une blessure profonde, qu’aucune cicatrisation n’effacera jamais.

Les réseaux sociaux, en particulier FB, m’ont permis de nouer avec de nouveaux amis, d’en retrouver certains, oubliés, mais qui, à la seule évocation de leur nom, m’ont renvoyé vers des images jaunies, des films en noir et blanc et des scénarios dignes des plus grands metteurs en scène.

Ma plus grande surprise fut de constater que ce ressenti n’était pas l’apanage des seuls Juifs.

TOUS, je précise TOUS, sont touchés par le virus.

Qui a oublié le pain chaud, qui sortait du four, KOUCHA, pompeusement baptisé « italien »?

Qui a oublié l’odeur des pois chiches grillés ?

Celle des beignets à l’huile ?

Le lait tiède, trait aux pis des chèvres traversant la Médina ?

L’huile d’olive,

Le goût du sorbet citron, qu’on appelait « granit »

Celui de l’orgeat, du sandwich fait des restes du Shabbat, qu’on agrémentait de thon à l’huile.

Qui est l’ancêtre du  Sandwich Tunisien, père de notre inégalable Fricassé.

Qui ne saurait survivre sans sa jumelle : La BRICK.

Aux pommes de terre et au thon, à l’œuf, à la viande hachée.

Le plongeoir à la plage

Le Concert des auditeurs et l’annonce des noms connus, lors des dédicaces.

Nous passerons furtivement sur les diverses façons d’accommoder les haricots et les pois chiches.

La Pkaïla qui rebute la première fois, mais qui fait la fortune de certains restaurateurs.

Passons une langue gourmande sur une spécialité, dont la vache folle nous a privés : l’AKOUD.

Je revois Monsieur Chiarelli, face au tableau noir, le 5 janvier 1961 nous expliquait, qu’en écrivant l’année à l’envers, on obtenait le même résultat.

J’ignorais que 6 mois plus tard, je quitterais à jamais le seul paradis que je connaissais.

Pourquoi ce lien vivace ?

Pourquoi le conflit avec Israël n’a pas empêché cette amitié deux fois millénaire ?

60 ans plus tard, je crois avoir compris.

Chacun d’entre nous, quelle que soit son origine, attendait patiemment cet instant magnifique des retrouvailles.

Cette accolade incomparable qui est nôtre et ne connaît pas d’équivalence.

60 années durant, nous avons pensé

qu’un Jour tu verras, on se retrouvera

Quelque part, n’importe où…

Dans un, de nos faubourgs.

Certains l’ont concrétisé,

D’autres l’ont vécu, année après année.

La grande majorité en a rêvé, se jurant en secret que tôt ou tard…

Une autre question : pourquoi nos enfants, nés en France, au Canada, où en Amérique et nos petits-enfants, même nés en Israël, ont le réflexe TUNE?

Ils aiment les hanchons, la boutargue (ADAM HOUT) et la Boukha. A quoi est dû ce mimétisme.

Et soudain, comme dans un comics, la bulle éclate.

Le rêve prend fin.

Un homme est élu, qui fait fi de l’époque protectorale,

Qui oublie les efforts de progrès d’un certain Président Bourguiba

Bourguiba

Élu en majorité par des tunisiens de l’étranger, ceux-là, qui ont oublié qu’ils venaient d’un pays dont la qualité première était la douceur de vivre.

Kaïs Saïed

Qui se sont laissé influencés par un archaïsme qui ne leur ressemble pas,

Qui ne leur appartient guère. 

Il n’a échappé à personne, que c’est de là, Que débuta le Printemps Arabe.

Mais aussi, qu’il y a tout à revoir afin d’assurer une vie décente aux citoyens.

Qu’en dehors de quelques ressources naturelles limitées, c’est le tourisme qui aurait gagné à être développé.

L’espoir de retour, même difficile, s’est éteint le jour du résultat des élections présidentielles.

A nos amis qui attendent aussi, je dis qu’un jour tu verras, on se retrouvera,

Quelque part, n’importe où,

Mais hélas, pas dans ce qui fut,

CHEZ NOUS.

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