
Hier, tard, l’Imam Hassen Chalgoumi m’a appelée pour me dire chana tova. C’est moi qui ai abordé le sujet Eric Zemmour. C’est grave, ce qu’il a dit, m’a répondu sobrement l’imam.
C’est grave ce qu’il a dit ?
Ça pue. Sous prétexte de ne pas céder au déni ambiant que chacun fustige et donc d’énoncer une réalité, notre homme tint tribune à La Convention de la Droite, lui qui s’était acoquiné avec le pire. Avec la haine. Avec la prétendue retraitée de la politique. La jolie blonde au visage d’ange. La Maréchal.
Est-ce parce que je venais de finir un papier prétendant clore ce qui restera comme L’Affaire Bensoussan ? Toujours est-il que je m’alarmais de cette différence extrême pour parler des musulmans de France: Quand Georges Bensoussan dénonça, sans jamais l’assimiler à tout l’islam, l’idéologie islamiste et ses conséquences dans des quartiers, des écoles, voire des hôpitaux, et vit ce mal comme une situation qui exigeait d’être redressée selon les principes de la République, Eric Zemmour, lui, évoqua dimanche une invasion, et ses mots résonnent comme un appel à une guerre à porter contre tous les musulmans.
Jamais Georges Bensoussan n’adhéra à ladite théorie du grand remplacement, jamais il ne divorça un tantinet avec les principes républicains et éclairés d’un France des Lumières. Ainsi, là où l’un usait de témoignages, de réflexion, d’analyses et, faisant appel à la raison, posait l’important problème islamiste, l’autre dégainait à tout va et entrait en guerre contre tous les musulmans d’un pays. Mieux : de la planète. Exhortant à la haine. Donnant libre cours à une parole débarrassée de tout filtre. Développant les thèmes classiques de l’extrême-droite : immigration et islamisation de la société, et le faisant en Conquérant. En Téméraire. Il serait le premier à le franchir, le cap. Il fut le premier à assumer des propos politiques … fascistes.
Il est, dès lors, grave qu’on accueillît, comme si de rien n’était, lui offrant micros et Unes en lieu et place de débat, celui qui généralise et fait de tous les immigrés des colonisateurs. Celui qui parle de l’islamisation de la rue en France, et qui le fait, enhardi par l’émulation collective de cette assemblée réactionnaire dont l’objet était, je cite les organisateurs, de rompre le cordon sanitaire et faire sauter les digues entre une partie de LR et le courant radical du marionisme.
Aucun de ceux-là ne proposant l’ombre-même d’une solution. Mais tous se déchaînant : ils étaient en famille, isn’it.
Ce que fit et dit l’invité vedette de la Convention de la droite ne peut être présenté tel un non-événement. Ou alors il convient d’offrir désormais Tribune à un Soral ou un Dieudonné, et à tous ceux condamnés en Cassation pour incitation à la haine raciale.
Les propos de Zemmour, de quelque sujet qu’il s’emparât, ont toujours dépassé les limites attendues et s’énorgueillissent même de franchir toutes les digues. Ils suent la haine et le racisme débridé. Je déteste pour ma part cette France que Zemmour prétend vouloir nettoyer. Cette France de laquelle il fustigeait hier ces nouveaux pères qui poussaient les landaus de leur enfant et allaient jusqu’à en changer les couches, imaginez un peu, cette France où il faudra tous demain s’appeler Pierre et Marie, cette France où l’homme blanc hétérosexuel et qui plus est, catho, serait, nous chante-t-il, la cible de tous : Le seul à qui on ferait porter le poids du péché mortel de la colonisation, de l’esclavage, de la pédophilie, du saccage de la planète.
Zemmour a un problème.
Zemmour ne nous parle que de lui lorsqu’il évoque l’homme blanc hétérosexuel ou ces hommes qui changent les couches de leur enfant.
Mais l’homme rétrograde, tout auteur à succès fût-il, est désormais entré en politique et c’est hélas son droit de le faire auprès de la sulfureuse Marion Maréchal.
Zemmour, me rétorque-t-on, pose le vrai diagnostic.
Mais alors ? N’a-t-on décidément que ça en magasin pour évoquer la maladie française et doit-on ouvrir le micro et les plateaux à cette fange haineuse.
Zemmour, me répète-t-on, pose des constats lucides et justes, qui rendraient bien compte du paysage sociopolitique et des réalités de terrain.
Mais alors ? Une fois que l’on a posé cette assertion, que fait-on ? Donne-t-on les clés du pays à son conservatisme rance, xénophobe, fermé, sclérosé, à cet homme d’un autre temps. Cet histrion et ses diatribes contre productives, ne proposant rien, si ce n’est un retour à une idée de la nation totalement révolue. Une Nation qui flirte de plus en plus près avec la droite la plus extrême.
Ainsi, en acceptant de monter sur l’estrade de cette convention des droites réactionnaires, qui veulent nous faire accroire que l’alliance entre droite et extrême droite serait devenue bien envisageable, Zemmour rentre chez les siens et participe à la grand-messe anti-islam. Sonne le clairon: ils font un sinistre bruit de bottes trop connu, leurs mots, à Lui et à Marion Maréchal.
Qu’il y reste.
Aux côtés d’un Louis Aliot, affirmant pour le servir que Les colonisés, c’est nous. Soit on capitule, soit on lutte pour notre décolonisation. La délinquance et le djihad, c’est la même chose, une guerre que nous fait une armée d’occupation.
Qu’il y reste.
Aux côtés d’un Gilbert Collard, député Bleu Marine du Gard. Répétant en écho qu’en France, comme dans toute l’Europe, tous nos problèmes sont aggravés par l’immigration.
Qu’il y reste.
Qu’il y reste et soutienne à volonté un Robert Ménard, maire de Béziers soutenu par le RN, qui prétend arriver à l’Elysée dans 3 ans.
Imaginez seulement l’affiche au pouvoir. Envisagez demain dans le grand défouloir des haines racistes et réactionnaires. Loin de vous dire pourquoi ils s’opposent au voile, eux répèteront que la djellabah est le nouvel uniforme d’une armée d’occupation.
Qui eût cru qu’un jour je citerais cet ex-Ministre de l’intérieur, qui se cassa en prévenant : En France, il y a une séparation. Il y a des quartiers qui sont sous les lois des narco-trafiquants et des islamistes. Aujourd’hui, les français vivent côte à côte, demain, ils pourraient vivre face à face.
Quand Zemmour déclara, en 2016, que la France vivait depuis longtemps une invasion, peut-être n’aurait-il pas été condamné en Cassation s’il avait cessé d’assimiler les islamistes à tous les musulmans. Peut-être même aurait-il joui d’une relaxe s’il avait appelé à la nécessaire réforme religieuse de l’islam, s’il avait exhorté l’Etat à corriger ses peurs, ses lâchetés, qui l’emmenèrent à des compromissions qui devinrent … collaboration.
Ou bien Zemmour, dimanche, a perdu ses nerfs, ou bien cet homme se gausse du devenir du pays : je n’en sais pas un qui osera dire que ses propos rendirent, ce jour-là, un quelconque service à la France. Pire: l’étendue des dégâts dus à ses mots est effroyable.