
Jacques Chirac est mort
Sa famille vient de l’annoncer à l’AFP, par la voix de Frédéric Salat-Baroux, son gendre : Le président Jacques Chirac s’est éteint ce matin au milieu des siens. Paisiblement.
Réputé pendant des décennies pour sa santé de fer et son naturel bon vivant, le Président avait connu en 2005, durant son second mandat de président de la République, un accident vasculaire cérébral survenu.
Il avait, depuis, connu plusieurs alertes : son épouse avait évoqué des troubles de la mémoire. La dernière apparition de l’ancien chef d’Etat à une cérémonie officielle remonte au 21 novembre 2014.
Pour rappel, c’est à gauche que Jacques Chirac, devenu ensuite une figure emblématique de la droite, fit ses débuts en politique. Fasciné par Michel Rocard, il s’engagea ensuite au PCF, où, épouvanté par le sectarisme de ses camarades, il les quitta, comme il le raconte dans sa biographie, Chaque pas doit être un but[1].
C’est aux côtés de Georges Pompidou que Jacques Chirac s’engage en politique et rejoint les jeunes loups du Président, envoyés à la conquête des bastions de la gauche.
En 1967, le voilà élu député en Corrèze.
En 1974, il refuse de soutenir à la présidentielle Jacques Chaban-Delmas, candidat de l’UDR. Il s’engage auprès de Valéry Giscard d’Estaing qui en fera son Premier ministre après sa victoire à la présidentielle.
Chirac démissionne en 1976, déclarant n’avoir pas les moyens nécessaires pour assumer efficacement ses fonctions, et fonde le RPR.
1981 : il se présente à la Présidence de la République. Ecarté au premier tour, il poussera ses soutiens, aux dires de Valéry Giscard d’Estaing, à voter pour François Mitterrand, estime.
1986 : il remporte avec le RPR les législatives de 1986 et devient Premier Ministre. C’est la première cohabitation de l’histoire de la Vème République.
Il appliquera une politique très libérale.
1988 : il se présente une nouvelle fois et est encore battu. Michel Rocard prend sa place à Matignon.
1989 : Voilà Jacques Chirac réélu triomphalement Maire de Paris.
A noter la polémique nationale créée par ses propos sur le travailleur français qui habite à la Goutte d’Or, et est gêné par … le bruit et l’odeur de ses voisins africains.
1995 : Lui et Balladur se présentent à la Présidentielle. Jacques Chirac bat Edouard Balladur au premier tour, et l’emporte sur Jospin au second tour.
Pour rappel encore, son discours historique sur la déportation des Juifs : Chirac entreprend un travail de mémoire et reconnaît la responsabilité de l’Etat français dans la déportation des Juifs pendant l’Occupation. Son discours du 16 juillet 1996 à l’occasion de la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv parle des heures noires qui souillent à jamais notre histoire et sont une injure à notre passé et à nos traditions : Oui, la folie criminelle de l’occupant a été, chacun le sait, secondée par des Français, secondée par l’Etat français.
Il avait été élu sur la promesse de réduire la fracture sociale, mais son PM, Alain Juppé, entreprend de réformer en profondeur sécurité sociale et retraites.
Le pays est paralysé par des grèves mémorables et le Président recule.
Deux ans plus tard, l’inoubliable dissolution de l’Assemblée nationale, supposée relégitimer son pouvoir, aboutit à la victoire de la gauche aux législatives. Voilà Chirac et Jospin condamnés à cohabiter 5 longues années durant.
Chirac aura réformé le mandat présidentiel, qui passa du septennat au quinquennat, et fut à l’origine de l’abandon du service militaire, via une professionnalisation de l’Armée.
Contesté, Jacques Chirac parvient pourtant à se faire réélire en 2002, dans un contexte très particulier, puisque Jean-Marie Le Pen se qualifia au second tour. Elu avec plus de 82% des suffrages, le Président ne saura pas mettre en place un gouvernement d’union nationale et son second mandat sera marqué par l’immobilisme.
Il reste pourtant de ce second mandat le refus d’engager la France dans la guerre en Irak, décision rendue inoubliable par le discours de Dominique de Villepin à l’ONU le 14 février 2003.
La France retrouve à l’international une visibilité perdue.
Encore à l’actif du Président : il devient, aux côtés de Nicolas Hulot, le chantre de l’écologie. Qui ne se souvient de ses mots enseptembre 2002, lors du Sommet mondial sur le développement durable à Johannesburg:
Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refusons de l’admettre. L’humanité souffre. La Terre et l’humanité sont en péril et nous en sommes tous responsables. […] Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. Prenons garde que le XXIe siècle ne devienne pas, pour les générations futures, celui d’un crime de l’humanité contre la vie.
2005 : le Président organise un référendum sur la Constitution européenne. La campagne, cristallisée par le plombier polonais, aboutit à un rejet éclatant.
2006 : le Gouvernement Chirac face à la rue avec le CPE ou Contrat première embauche.
2007 : Nicolas Sarkozy devient Président.
2011 : Chirac apporte son soutien à François Hollande, alors en campagne face à Nicolas Sarkozy.
Interrogé ce soir, Robert Badinter insiste sur l’Homme qui vota, comme peu de ses partisans, l’abolition de la peine de mort, mais surtout Celui qui fut à l’origine de la Constitutionnalisation de la Loi, le 19 février 2007. ( Article 66-1 de la Constitution )
Ce Président qui hérissa la France a su faire oublier ses échecs : nombre de français parlent ce soir de Lui comme du dernier Grand Président de la France et ont aussi gardé de lui l’image d’un homme jovial, accessible, celle d’un bon vivant, aux côtés d’une Bernadette plus austère. Les caricaturistes se sont bien amusés de cela, et chacun garde en mémoire la cape du … Super Menteur ou encore son conseil: Mangez des pommes !!!
Enfin, cet homme décidément étonnant recevait presque quotidiennement qui? Haïm Korsia. Qui venait lui donner des cours de Torah. Il se dit que cela agaçait Bernadette, qui l’imaginait déjà se convertissant … au judaïsme.
[1] Nil. 2009.