Pour les 50 ans de son entrée à l’Elysée, on nous vend la nostalgie de Pompidou… Je peux, à la rigueur, songer avec un peu de nostalgie à 69, année érotique, écouter Gainsbourg, me souvenir des femmes de ma jeunesse et des soirs d’été au festival d’Avignon. Mais Pompidou !
La modernité incarnée nous serine-t-on ! Je me souviens de son duo avec Tino Rossi, au port d’Ajaccio, pour le bicentenaire de Napoléon, le 15 août 1969.
Bonapartiste parce que gaulliste ? Professeur au lycée Henri IV sous l’Occupation, il fut indifférent à la Résistance. Il se rallia au général De Gaulle en 1945.
Un littéraire, passionné de poésie, citant Eluard ? Ce qui ne l’empêcha pas de détruire le Paris du Surréalisme, en commençant par la gare Montparnasse et le quartier environnant, quand il était Premier ministre. Puis tout le Paris populaire, sous sa présidence. Les Halles, Belleville… Avec l’objectif affiché d’adapter les villes à l’automobile, Paris servant d’exemple, Pompidou avait rendu les Français dépendants de l’automobile à la veille du choc pétrolier.
Visionnaire, paraît-il ! Il répondit à ce choc par une accélération de la construction des centrales nucléaires, si bien que nous dépendons à la fois de l’automobile et de l’énergie nucléaire.
En politique, il saborda la « nouvelle société » lancée par son Premier ministre, Jacques Chaban-Delmas. Sa garde prétorienne rapprochée, Pierre Juillet, Marie-France Garaud, Edouard Balladur, se chargea de former le nouveau personnel politique, abandonnant le gaullisme pour le libéralisme et le sens de l’Etat pour celui des affaires. Le pourrissement de la vie politique a commencé sous Pompidou.
Un homme de culture. Certes, l’art contemporain, Beaubourg. Il faut bien reconnaître la qualité de ses ministres de la Culture, Edmond Michelet et Jacques Duhamel. Et celle de son épouse, Claude Pompidou, cible d’immondes campagnes totalement dénuées de fondement. Mais il y avait alors une poussée culturelle, une fièvre intellectuelle, un foisonnement artistique qui ne devaient rien au pouvoir. En cas d’excès, la censure veillait toujours, comme en atteste l’interdiction d’ Hara Kiri Hebdo pour le bal tragique de Colombey.
Raymond Marcellin était ministre de l’Intérieur. Le patronat n’avait pas digéré les avancées sociales arrachées en mai-juin 68, au terme de la plus grande grève de l’histoire. L’Etat et les patrons répliquaient aux conflits sociaux par la fermeté et la répression. Quand la crise a commencé, par le choc de 1973, les travailleurs ont payé la casse.
Et il y aurait beaucoup à dire sur la politique étrangère, sur le soutien aux dictatures, sur la corruption en Afrique, sur la course au pétrole et aux ventes d’armes dans le monde arabe, sur les relations avec Franco, sur le maintien des relations diplomatiques avec le Chili de Pinochet, sur le mépris des dissidents de l’Est, sacrifiés sur l’autel des relations commerciales…
Non décidément, je ne suis pas nostalgique de Pompidou, seulement des manifs, où les prolos faisaient rimer son nom avec « des sous », sur l’air du petit navire, nostalgique d’un temps de débats, de projets et d’espérance à gauche. Mais Pompidou, non, vraiment !
Guy Konopnicki