Tribune Juive

Vincent Lambert, ou le bal du diable. Rémi Richelet

C’est l’affaire emblématique sur la fin de vie qui pollue jusqu’à la politique. En 2008, un accident de voiture plonge Vincent dans un coma végétatif. Une demie-mort qui va conduire à une bataille idéologique et à une hallucinante série de décision qui va rendre fou le système juridique, défoncer les lignes de la loi Léonetti, et mettre en péril les condition de fin de vie de l’ensemble des citoyens français.

François Hollande avait dans son projet présidentiel promis de statuer par la loi sur la fin de vie, mais la famille Lambert en a décidé autrement. Multipliant les actions d’empêchement du protocole, qui codifiait l’arrêt des soins, une partie de la famille sur la base d’une conception religieuse, a poussé le système républicain et juridique dans des retranchements incroyables.

Depuis dix années, une guerre sainte menée « crucifix battant », enlève la dignité à un homme, que la Vie a quittée depuis 2008. Rattaché à l’au-delà par le code civil! Sous le joug, d’une mère en pietà, attachée au pied du lit du supplicié, en prière, protégée par la culture judéo-chrétienne. Imaginons un peu, une témointe de Jéhovah, ou une musulmane en niqab dans cette situation médiatico-judiciaire…

La justice dans le viseur d’une secte, sous contrainte de dieu, rend des avis successifs validant l’arrêt des soins de cette tête sans vie, sur un corps nourrit de force. Tribunaux, conseil d’État, conseil de l’Europe, et voilà que l’ONU s’en mêle. Le « machin » rend un avis de contrainte contre l’État français, qui est sommé sous 6 mois de répondre sur le fond de l’arrêt des soins. A l’heure où le Yémen est vitrifié, où la Syrie est javelisé, où on esclavagise en Lybie, où le Venezuela sombre dans une crise humanitaire, l’ONU demande qu’on statut sur l’arrêt des soins d’un homme mort en 2008.

Le diable est dans les détails. Et Vincent est au centre d’un bal diabolique qui n’en finit pas de tourner. Une spirale qui aspire les consciences de tous au profit de dieu, du roi et de l’enfant. C’est la Fraternité Pie X qui dirige une partie de ce bal morbide, où l’éthique est mise à mal par des préceptes rigoristes dignes des salafistes.

Le dieu de la rigueur est le même partout, et le but identique: la mort est affaire religieuse, en dépit de la science! Ne rien laisser aux hommes !

Tout ce cirque a un but. Celui de ne pas discuter de la mort, de la fin de vie, de la dignité dans la mort. Sa mère nous rejoue le Christ en souffrance, pour la rénovation d’un dogme. C’est tous contre la volonté même d’un seul. La masse morale et moralisatrice du livre, contre les consciences libres. Chacun de nous a une conception de ce que devra être sa mort. Du choix au moment de passer l’arme a gauche, de quand on voudrait en finir et dans quelles conditions. Mais ces décisions successives tordent l’espoir de ne pas mourir en souffrance, ou sous les néons éternels de salle d’attente de mouroirs médicalisés.

C’est le choix ultime qui est l’enjeu de cette guerre sainte. C’est un bal du diable et la bigoterie idéologique vend des billets limités. C’est notre choix possible et à venir qui est jeté dans les flammes du bûcher de la croyance radicale. En empêchant chacun d’aller au bout de nos propres réflexions, en laissant la justice régler froidement la question de la mort, en empêchant une approche philosophique et raisonnable, nous allons devenir les condamnés à mourir contre notre choix. Une mort administrative et « moralisée » par des juges.

Nous ne faisons pas le choix de naître, mais nous pouvons choisir de mourir. La question de la dignité que nous soupesons au fil de notre vie, de notre propre morale acquise au fil des évènements, de la dignité de refuser la décrépitude des corps et de l’âme comme un dernier choix est soumis ici à la volonté d’une poignée, dirigée par dieu et contre les consciences. Ce choix volontaire écarté de la notion de suicide, en plein conscience a été a notre portée, mais nous avons refusé de rejeter le tabou de la mort , dans les mains séculaires des fous de Dieu. Cette faute de la société pétrifiée par la culture dogmatique de la souffrance dans la mort, nous enlève petit à petit le dernier sursaut d’humanité , la dernière flamme de notre exigence avant de disparaitre.

La mort doit devenir un choix, être préparée hors des limites du Livre, et en fonction de chacun. Un choix souverain qui ne devrait pas regarder la société, mais chacun d’entre nous, individuellement et en conscience.

Rémi Richelet

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