Le revoilà parti, Benyamin Netanyahou, vers un nouveau mandat de Premier ministre. 97% des bulletins de vote ont été dépouillés et le Likoud est désormais en tête.
Ils auront été 71,40% à s’être rendus aux urnes hier.
A 21 heures précises, la liste de Benny Gantz et Yair Lapid a été donnée victorieuse : c’était sans compter sur l’étrangeté, ô doux euphémisme, des instituts de sondage dans la Start Up Nation, ce pays de hightech.
Alors qu’en France, un jour d’élections, les résultats s’affinent au fil des heures, en Israël s’affichent en une poignée de secondes des résultats pour le moins disparates concernant les deux premiers leaders. C’est ainsi que tout au long de la soirée, les chefs du Likoud et de la liste Bleu-Blanc ont pu tous deux revendiquer la victoire.
Ce matin, d’évidence, le bloc de droite est donné majoritaire, et Benyamin Netanyahou, au pouvoir depuis plus d’une décennie, se dirige vers un nouveau et cinquième mandat.
Incontestablement, hier, la laïcité a perdu : les partis ultra-orthodoxes Shass et Yahadout HaTora sont crédités de 8 sièges chacun. Les voilà à égalité, juste en 3ème position derrière les formations Bleu-Blanc et Likoud, toujours données au coude à coude, chacune remportant 35 sièges.
De mémoire de citoyenne, jamais je n’aurai assisté à une campagne aussi indigne. Aussi délétère. A ce qui s’apparenta d’abord à un referendum. Puis à un match de seconde classe où tous les coups étaient permis. Des débats de fond ? Point ! Pour quoi faire ???? Des invectives, que dis-je, des uppercuts d’une violence extrême, des punchline attristantes pour ceux qui aiment la politique lorsqu’elle est noble : oui. Nous n’eûmes droit qu’à cela. Foin des analyses de fond. Des discussions étayées sur l’économie. La sécurité. La laïcité. L’écologie. La … paix…
Jamais je n’ai vu une campagne aussi axée sur une personnalité. Et il suffit d’entendre les électeurs, les supporters du PM sortant pour le vérifier : osez-vous afficher un questionnement ? Avez-vous l’audace, l’outrecuidance de regarder du côté de Gantz : vous serez qualifié de dangereux gauchiste. D’ennemi de l’Etat hébreu.
C’est ainsi.
Ne jamais porter la critique envers les méthodes en cours. Celles d’un PM sortant, véritable animal politique certes, comptable de succès concrets à son actif, mais animé par une soif de pouvoir inextinguible, excellant en dramatisation de l’enjeu, n’hésitant pas à convoquer une réunion imprévue de crise à Jérusalem l’après-midi même du scrutin. Hurlant au danger s’il n’était pas reconduit.
Et ça marche.
Des promesses, il en fit à foison : elles m’ont alarmée car elles sonnaient le glas d’une paix possible.
Pour info, avec une participation a été de 67,9%, en baisse de 4% par rapport aux élections précédentes, les résultats, sur 97% des suffrages, donnent :
Likoud 35 sièges
Bleu-Blanc 35 sièges
Shass 8 sièges
Judaïsme unifié Torah 8 sièges
Hadash-Taal 6 sièges
Travaillistes 6 sièges
Israël Beitenou 5 sièges
Union droites 5 sièges
Balad 4 sièges
Koulanou 4 sièges
Meretz 4 sièges
Les 8 sièges non encore attribués représentent les partis qui n’ont pas atteint le seuil électoral de 3,25%.
Enfin, est attendu le vote de l’armée.
Il apparaît clairement que si la liste Likoud peut compter sur 60 sièges, voire 65, Benny Gantz, lui, n’a pas de réserve pour constituer un gouvernement : en Israël comme en France, lui auront manqué les voix d’une gauche moribonde. Cherchez l’erreur.
Ainsi, Israël devra compter avec les intégristes religieux. Encore pour longtemps. Et ça, ça n’est une victoire pour personne
Nous ne reviendrons pas sur le prix payé à raison par la désinvolture et les excès d’une Ayelet Shaked qui a oublié la dignité requise par la fonction. Mais nous dirons l’étonnement face au score d’un Moshé Feiglin que certains commençaient déjà à courtiser.
Nous pointerons les scores des deux partis arabes.
Nous pleurerons, oui je le redis, la quasi mort de la laïcité : 20% de la population, et pas n’importe lesquels, arbitreront le tout. Exerceront un odieux chantage. Imposeront des idées discutables et des mœurs d’un autre temps.
La vie chère
Les logements
La pauvreté, actée en janvier par le rapport annuel publié…
La corruption
La fracture d’un pays, dont le PM sortant n’a pas cru utile de faire l’économie…
J’aurai la décence de ne point évoquer … les affaires, elles qui ont si peu joué in fine : aurons-nous donc un Premier Ministre à la Knesset au matin et au Tribunal l’après-midi.
Mais la tristesse d’évoquer une Paix qui assurément a perdu hier : a gagné celui qui a annoncé dans un dernier élan qu’il annexerait les territoires des implantations palestiniennes au-delà de la ligne du cessez le feu -certes dans le cadre d’un échange de territoires aurait-il précisé- Et qui 4 ans durant gouvernera sous le joug d’une extrême droite et de partis religieux refusant toute négociation sur la question palestinienne. A perdu celui qui se disait prêt à négocier sans un instant mettre en péril la sécurité d’Israël, vous savez, l’autre, ce dangereux gauchiste…
Enfin, s’il m’arrive encore de penser à un gouvernement d’union nationale, tant les programmes des 2 leaders étaient proches, l’humanisme de l’un et le seul arrivisme de l’autre nous disent combien cela est impossible.
Je vais encore vous livrer une réflexion qui me fut faite, en off, à 2 reprises : cherchant à équilibrer un plateau de commentateurs pour la soirée électorale, et les brillant Boaz Bismuth ou Emmanuel Navon étant d’évidence déjà pris, j’ai demandé humblement à des politiques du Likoud de m’aider à recruter de bons et solides intervenants pro Netanyahu. Ces deux critères sont malheureusement devenus incompatibles, me fut-il dans une sobre tristesse répondu.
Voilà de quoi réfléchir, vous qui appelez à un scrutin à la proportionnelle intégrale en France : un système qui in fine conduit les grands partis à être les otages de petites formations parfois extrémistes…
Aviv Bushinsky, conseiller en communication de Benyamin Netanyahou, disait au micro d’Elie Chouraqui que les gens, en Israël, votaient pour des raisons… sentimentales… Ils aiment Bibi. Ils auront Bibi et Sarah. Et les frasques de cette dernière. Et ils auront les orthodoxes. 4 ans durant.
Sarah Cattan