Dans une poignée de jours 2 ans. Nous finirions par oublier l’horreur. La façon dont fut lynchée, défenestrée vivante, Sarah Halimi, en plein Paris, en live, devant mult voisins que les cris de la victime éveillèrent et face à 28 policiers demeurés en attente d’un ordre d’agir qui jamais n’arriva, la nuit du 4 avril 2017 précisément.

Nous finirions par oublier aussi le silence médiatique glaçant, assourdissant, qui entoura L’Affaire.
Nous finirions par oublier la colère des avocats. Lesquels ne cessèrent de changer. L’un d’eux s’indignant publiquement de l’absence de respect-même que la Juge Anne Ihuellou avait, dit-il, pour la Robe.
Refus d’une reconstitution !
Dans ce dossier qui parut limpide, la juge d‘instruction procéda par ordonnances.
Onze longs mois s’écoulèrent avant que ne fût consentie la circonstance aggravante constituée par le caractère antisémite de l’acte de l’assassin.
Les avocats répondirent, lassés qu’ils semblaient tous, par demande d’actes.
Lesquelles furent rejetées systématiquement par Anne Ihuellou et Virginie Van Geyte : elles étaient 2 à présent.
Une Commission de 3 Experts psychiatriques agréés près de la Cour de cassation fut appelée au chevet de Kobili Traoré, remettant en question l’expertise psychiatrique du grand Daniel Zaguri, qui disait qu’il y avait altération et non abolition du discernement.
La tenue d’une reconstitution fut discutée, les 2 juges d’instruction craignant que cette séance fûtdommageable à l’esprit fragile du mis en examen.
La requalification de l’homicide volontaire en assassinat accompagné de barbarie et de séquestration de Sarah Halimi aussi, sans être obtenue.
La Chambre de l’Instruction, juridiction d’appel, donc au-dessus de la Juge d’instruction, se réunit le 30 mai 2018 et rendit le 5 juillet sa décision, suivant la Juge Anne Ihuellou surla non-opportunité d’une reconstitution. Le mis en examen ne sortirait pas de cette UMD ou Unité pour Malades Difficiles.
Décision qui plongea tous les avocats concernés dans une stupeur indicible et une colère noire.
Nous voilà au 10 juillet.
Les conclusions de la deuxième expertise sont notifiées dans le bureau de la juge : le jugement de Traoré était aboli au moment de l’acte.
Stupeurs et tremblements seront de courte durée, car notre juge a déjà décidé de convoquer un troisième collège d’experts.
Pendant ce temps, certains, comme Fiamma Nirenstein, allèrent jusqu’à interpeller le Parlement italien au sujet de l’Affaire Sarah Halimi. Paul Leslie, Docteur londonien, ne lâcha rien, et le 24 septembre Maître Loïc Henri, Attorney at Law, envoya de New York un courrier au CSM, dans lequel il demanda à son tour des comptes sur le traitement judiciaire du dossier par les Juges Ihuellou et Van Geyte. S’interrogeant lui aussi sur la place du Juif dans la société française, Maître Loïc Henri voulait en effet savoir ce qu’il en était de la présence de ces 28 policiers qui assistèrent sans réagir au lynchage et à la défenestration de Sarah Halimi qui eurent lieu sous leurs yeux, en live. Il demanda, via le CSM, des comptes aux magistrats en charge du dossier, au Parquet, à la Chambre de l’Instruction, rappelant qu’un magistrat avait obligation de restituer aux faits leur exacte qualification juridique, et donc demandant la tenue de la reconstitution du drame. Pour info, la manifestation de la vérité est l’objectif des magistrats, en principe, et est prévu par l’article 81 du code de procédure pénale.
18 mars. Midi. Le Collège d’experts number 3 vient seulement de rendre des conclusions attendues dès octobre :
Notre Traoré est déclaré en état d’abolition du discernement.
Et là l’affaire touche à une étape cruciale : Si Traoré est jugé par la Commission d’experts pénalement irresponsable, il ne sera pas jugé. Il n’y aura pas Circonstance aggravante en raison de la religion de Sarah Halimi. Il n’y aura pas préméditation. Il n’y aura pas de procès. L’inqualifiable dysfonctionnement de notre police ne sera jamais interrogé. Et dormira tranquille celui qui aura choisi de ne pas donner aux forces de police ordre d’agir.
Mais il semble que ce 18 mars marque une étape.
Nous n’en avons pas fini.
Nous voilà arrivés à un stade auquel, loin de rendre les armes, il nous faut bien admettre que de la patience, il en faudra encore un peu.
En effet, la Juge, qui nous dit qu’elle va acter cela comme un seul homme.
Qui nous dit si elle ne demandera pas que soit prononcé la nullité du dit rapport, comme l’y autorise l’article 173 du CPP, le juge d’instruction pouvant demander l’annulation d’un acte ou d’une pièce de la procédure après avoir saisi la chambre de l’instruction aux fins d’annulation, et ce pour des motifs affectant la qualité du rapport[1].
Qui dit qu’elle ne conclura pas à un non-lieu. Le ferait-elle, pas un instant il n’est envisageable de croire qu’un Maître Szpiner obtempèrera. Ses confrères non plus.
Demandera-t-elle le renvoi de la chose devant Les Assises ? Alors c’est à Maître Bidnic de passer à l’attaque.
En cause ici, la qualification de la notion de bouffées délirantes. Qui ne sont pas toujours et partout traitées de la même manière et causes d’exonération pénale. Desquelles est-il ici question ? De bouffées exogènes ? De bouffées délirantes nées de la prise de substances ?
Le Parquet devra prendre ses réquisitions.
Affaire éminemment sensible.
A suivre.
De près.
Ensemble.
Sarah Cattan
[1] Les causes de nullité sont prévues par l’article 171 du CPP : méconnaissance d’une formalité substantielle prévue par une disposition du présent code ou toute autre disposition de procédure pénale a porté atteinte aux intérêts de la partie qu’elle concerne.