Tribune Juive

Gilets jaunes. Acte II. RIC Par Sarah Cattan

Votre serviteur n’est pas une TV addict. Votre serviteur ne manie pas davantage la télécommande avec frénésie.

Et pourtant.

Dans ce qu’ils nomment tous depuis une semaine l’Acte V, comment ne pas tout au long de la journée garder un œil sur les images des chaînes en continu.

Tu l’as fait ? T’as allumé BFM ? C’est moooort dirait Leonarda

Ça y est j’t’ai vu t’as passé la journée à zapper

LCI CNews C’est quoi, déjà dès l’aube présents en plateau, comme ils disent, tout ce beau monde, déjà prêt à dégainer avant même que les barbares n’arrivent – Quelle aubaine pour ces chaînes télé quand même

Tu les entends s’exprimer doctement. Le doute ne les habite pas. On croirait, à les entendre, que tout ça, c’est du Tout-venant. Du déjà-vu. Ils se répètent. Ils affirment

Que le mouvement périclite

Que bon ben ça va Faut savoir rentrer au bercail

Que bientôt les fêtes auront raison d’eux

Que Flute alors : Y a eu Avant et Après le Discours. Que veulent-ils donc encore.

Que c’est quoi cette France du bas qui veut se mêler de politique (sic)

Qui se mêle d’exiger !

Ils avaient qu’à voteeeer Ces irresponsables d’abstentionnistes

Alors à présent ben qu’ils attendent leur touuuuur

D’ailleurs, sont tout désorganisés

Zont personne pour les représenter

Disent tout et n’importe quoi

Et d’ailleurs Que disent-ils là encore ? Disent RIC RIC RIC RIC RIC

Tu t’étonnes. Tu ânonnes devant l’acronyme

Y en a bien quelques-uns qui l’avaient notée, cette exigence d’un Référendum d’Initiative Citoyenne, même qu’ils disent : C’est quoi encore cette obsession de longue date.

Pourtant à la Conf de ce jeudi à Versailles, cette allocution prononcée dans la salle-même du Jeu de Paume.

L’inscription du Référendum d’Initiative Citoyenne dans la Constitution n’avait-elle pas été longuement précisée et ne disait-elle pas le malaise démocratique prégnant.

Donner au peuple la possibilité de se faire entendre, n’était-ce pas ce qui revint en boucle ce jour-là mais dont peu se firent écho.

Peu s’en firent écho : What ? Leur colère ne reposait donc pas que sur leur porte-monnaie ?

Que sur les injustices et autres humiliations ?

Que sur la personne du Président ?

Viens que je t’explique : Accroche-toi. Car ils plaisantent pas. Ils se disent dépossédés du contrôle sur la marche du pays, et eux, ils le disent. Haut et fort. Ils veulent donner leur avis. Et pas tous les 5 ans. Et puis tous les 7 ans. Et pas à défaut. Comme on fait. Tous. Lâchement.

Ils veulent davantage. La démocratie représentative, qui les réduit au silence pendant les cinq ou six ans qui séparent deux scrutins, ils en veulent plus.

Ils le disent désormais clair et net : ils veulent plus de démocratie. Ils exigent le R.I.C 

Toi qui dis qu’ils vont se lasser ? Souviens-toi de la place du Jeu de Paume. Où des députés firent le serment de ne pas se séparer tant qu’une nouvelle Constitution donnant plus de pouvoir au peuple n’était pas adoptée.

Les commentateurs, là, ont-ils zappé que le RIC, déjà le 25 novembre ils en parlaient. En faisant le point le plus important de leur colère. Née de cet insupportable sentiment de n’avoir pas avoir été entendus.

Alors même que le PR finissait son allocution.

Des miettes, ils n’en voulaient pas

De l’aumône, guère davantage

Et surtout, le PR avait bien dit l’avoir entendu, le malaise démocratique. Mais de réponse concrète il ne fit point. Marquant, nous disent même Les Gilets, la rupture. Entre les élites et les Français.

De mauvais esprits jaunes allèrent même jusqu’à dire que si le PR leur accorda tant et tant, c’était pour préserver précieusement ce à quoi Il ne voulait surtout pas toucher : plus de droit donné au peuple, c’était niet. Et eux, cette démocratie qu’ils jugeaient obsolète, ils voulaient en changer.

Mais c’était quoi, au juste, ce RIC, se demandèrent les plus sérieux. Et en quoi se distinguait-il de ce qui existait déjà dans le droit français.

Les Gilets, résolus à passer les fêtes ensemble, répondirent qu’ils exigeaient :

D’être écoutés.

De pouvoir prendre part aux décisions politiques.

D’avoir voix au chapitre

De pouvoir choisir. Qu’il s’agît de thèmes concernant la vie politique générale du pays. De problématiques locales. Nationales.

Ils voulaient que fût permis à un groupe de citoyens et de citoyennes de créer une pétition sur un sujet sur lequel ils souhaitaient faire voter l’ensemble de la population nationale. Selon un seuil de signatures défini par les textes, l’exécutif serait obligé de convoquer un referendum. Il serait tenu par l’issu du vote. Ne disposerait pas de pouvoir discrétionnaire pour passer outre le résultat.

Le RIC ? Il pourrait renforcer la démocratie, notamment en obligeant les élus à tenir leurs engagements, en permettant de lutter contre la corruption, en prolongeant le débat démocratique, en sanctionnant une promesse non tenue.

Le RIC ? Il a déjà été élargi au RICACLR. Entends Referendum d’Initiative Populaire Abrogatoire, Constituant, Législatif et Révocatoire : l’idée étant d’étendre au maximum le pouvoir d’intervention citoyen, offrant l’opportunité de réclamer une nouvelle loi ou d’exiger la suppression d’un texte, de modifier la constitution ainsi que de contraindre un élue au départ.

Il serait même possible d’aller plus loin. De donner la possibilité de s’exprimer sur les traités internationaux. Oui Oui Un Mélenchon ou une Le Pen avaient vaguement abordé ce point en 2017. Mais as-tu remarqué ? Ils sont à ce jour, l’un et l’autre, hors sujet.

Oui encore, il existe bien aujourd’hui en Suisse un droit d’initiative populaire au niveau fédéral. Lequel permet de demander une modification de la Constitution du pays.

Les contempteurs leur chantent que ça existe déjà en France. Mais les Gilets, eux, savent qu’aujourd’hui, en France, les raisons d’invoquer un referendum sont limitées par la Constitution et restent à l’initiative des pouvoirs élus. Que les institutions françaises actuelles bloquent toute mise en application du RIC. D’où la nécessité d’un changement structurel profond vers davantage de démocratie participative. D’où leur volonté de se ressaisir de la politique.

Qui pour blâmer ceux que nous conspuâmes, leur reprochant leur désintérêt au moment des élections.

Certes les limites de l’outil doivent être pensées avec sagesse. Proposer une loi à la population ne se ferait jamais dans la précipitation et hors débat. Faisons confiance en l’éducation du citoyen capable  dès lors de se forger un avis éclairé sur les sujets concernés. Placé face à ses propres responsabilités et responsable des conséquences de ses décisions, gageons qu’il sera à la hauteur. Et fera mieux que ceux dont il ne veut plus.

Qu’il saura utiliser :

Le RIC révocatoire. Qui permettra au peuple de révoquer n’importe quel responsable politique, aussi bien le président, qu’un ministre, un député ou n’importe quel élu.

Le RIC législatif. Qui permettra au peuple de proposer un texte de loi.

Le RIC constituant. Qui permettra d’amender la Constitution.

Pour justifier sa mise en place, les militants du RIC s’appuient sur l’article 3 de la Constitution, qui définit que la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum.

Ah si nos dirigeants avaient mieux lu le rapport de du Nobel Joseph Stiglitz[1] qui appela avec d’autres économistes de renom les gouvernements à mieux prendre en compte l’insécurité économique et ses conséquences sur les inégalités. Qui plaidèrent notamment pour une approche qui irait bien au-delà de la mesure du PIB et insisterait sur la notion de bien-être.

Ah s’ils avaient écouté le professeur d’économie Marc Ferracci[2] lorsqu’il expliquait que pour réconcilier les citoyens avec l’État, il fallait produire de l’information claire, fiable, transparente et indépendante.

 Gageons qu’il est encore temps et que créer un référendum d’initiative citoyenne sera faire le pari de l’intelligence collective.

Sarah Cattan

[1] Rapport sur les indicateurs économiques présenté à l’Elysée le 6 janvier 2011. Paris.

[2] Université Paris 2 Assas.

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