Tribune Juive

Humeur du jour. Tout ça pour ça. Par Khaled Sloughi

C’est décidé, je reviens avec mes HUMEURS. Beaucoup d’amis et contacts anonymes seront contents de ce retour; en revanche, ce sera une triste nouvelle pour ceux que je dérangeais. Dans une ancienne HUMEUR, je m’interrogeais : peut-on plaire à tout le monde ? C’est dit !

Par ailleurs, et faute de mieux, cela va me permettre de continuer à instiller le contenu de mon livre, d’HUMEUR EN HUMEUR. C’est ce que je fais aujourd’hui.

PRIMO : Sans conteste, le sujet qui fait l’actualité, c’est le fameux rapport El Karoui, du nom de son auteur, qui s’attaque à l’épineux problème de l’organisation de l’islam de France. Hier, dans un post, j’ai affirmé que c’est un rapport  » hors sujet « , il préconise exactement le contraire de ce qu’il faut faire. Sauf que, contrairement à certains qui y voient là un aveuglement des responsables, je précise qu’il s’agit d’une politique concertée et intentionnelle. L’État va exploiter à fond le filon de l’islamisme, comme l’ont fait et continuent à le faire les dirigeants musulmans, avant lui. Jamais, une autre mesure n’a mieux illustré la fameuse règle macronienne du  » en même temps « . Le discours véhiculé dans ce rapport est un modèle d’ambiguïté et de confusion; il en devient inintelligible en tentant de concilier une chose et son contraire. Et pour cause ? Il veut plaire à tout le monde, en réaffirmant la nécessité de diffuser la norme républicaine et ce qui la fonde d’un côté, et en s’échinant à organiser une communauté qui n’a jamais existé et qui existe moins encore aujourd’hui, au sein d’une instance représentative pour un islam multiple, de l’autre.

SECUNDO : Cela est incompatible, et il y a une transgression manifeste du principe de neutralité; le président qui s’érige comme moralisateur et défenseur des Religions serait bien inspiré de laisser cette  » communauté  » s’organiser en tant que sphère privée, le cadre des lois de 1901 et 1905 étant amplement suffisant, au lieu de se complaire dans une perpétuelle intrusion dans des domaines qui ne sont pas censés concerner l’Etat. La création de cette organisation  » l’AMIF  » n’est rien d’autre qu’une nouvelle manœuvre politicienne dont il n’est pas évident que le promoteur lui-même en tire les bénéfices.

TERTIO : En interpellant les musulmans modérés, trop silencieux, le rapport enfourche le cheval du communautarisme, et conforte, ce faisant les islamistes qui jouent sur l’appartenance communautaire. Du coup, la communauté devient le creuset d’une effervescence des  particularismes et de valeurs prétendument spécifiques. De là à substituer une socialisation communautaire à la socialisation institutionnelle, il n’y a qu’un pas, et ce pas est vite franchi… Ce n’est pas la république !
Au risque de me répéter, le problème n’est pas théologique et il ne sert à rien de s’engluer dans cette perspective. L’Etat gagnerait à traiter les sources du mal qui elles, sont politiques et idéologiques. Il n’a pas à se défausser sur les musulmans pour combattre l’islamisme. Non ! je refuse d’être interpellé à chaque fois qu’un opportuniste, un obsédé, un malade, un cinglé fait des siennes. Le problème doit être résolu dans le cadre de la loi, sans avoir besoin de légiférer davantage.
La solution, ai-je suggéré quelque part, c’est de tarir les sources du mal en défaisant le communautarisme et en neutralisant les acteurs; or le contexte actuel y est très favorable.

QUATRO : Ce qui est proprement hallucinant, c’est que d’un coup, on découvre le fil à couper le beurre : l’islamisme comme danger public et l’islamisation à visage découvert. On a laissé faire les islamistes pendant plus de trente ans, et les médias ont une grande part de responsabilité là-dedans. Et aujourd’hui, on vient nous alerter sur le retour des populismes, dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils sont déterminés, pour une grande part, par les provocations à répétition des islamistes, comme stratégie soutenue et entretenue. l’UOIF et d’autres structures islamistes existent depuis des décennies, et l’affaire du foulard à Creil date de 1989 (30 ans). Soyons sérieux! Qui ignore que les extrêmes s’entretiennent et s’alimentent ?

Le pire, c’est le recours aux cours d’arabe pour lutter contre ceux dispensés par les islamistes dans les mosquées. Encore une fois, ils dictent l’agenda. Si demain, les islamistes se mettaient à dispenser une formation sur le Hallal et le Haram   ( licite/ illicite) à la mosquée, l’Etat répondrait en dispensant la même formation dans l’éducation nationale.

L’arabisation en Algérie et la collaboration avec les pays arabes a donné l’islamisation de la société, et l’effet ne sera pas différent en France. Le monde à l’envers, au lieu que ce soit le monde arabe qui s’inspire du modèle républicain et de la laïcité française, c’est la France qui va singer des pays de misère et de sous-développement.

Quand la bigoterie crasseuse contamine la tête de l’Etat !

CONCLUSION : Au lieu d’affronter les islamistes sur le plan politique, au nom de la loi, d’être ferme sur les principes, des responsables ont souvent opté pour la solution du pire :  » je n’ai pas envie de me prendre la tête « ,  » je ne veux pas de complication « ; autant dire que l’on assiste à une démission générale due à la stratégie de victimisation à outrance, qui cause des dégâts terribles.

Pourtant, les islamistes ne sont ni forts, ni intelligents; c’est l’Etat qui est déficient, aussi, là où il cède du terrain, ils l’occupent. Du reste, c’est bien connu : la nature a horreur a horreur du vide.

Khaled Sloughi

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