On croirait la tournée des yéyé. Là c’est le fan club de Tariq Ramadan qui partirait en tournée de promotion, nous assure notre confrère Marianne dans ce titre plein d’humour choisi par Jack Dion.

C’est que Mediapart vient de monter au créneau pour sauver ce qu’il resterait à sauver du soldat Ramadan. Et ça a l’air de l’amuser autant que moi, Jack : Mediapart. Le roi des Tribunes avec signataires.
En principe t’as zéro surprise. Allons y voir : toute la bande assurément est là. Nabil Ennasri, qui s’est fendu d’un clip, il est peut-être là quand même.
Alors… T’as plein de professeurs et professeures émérites. L’Université de Princeton est représentée : ouf. Des sociologues et philosophes. Pléthore de militantes féministes. Voire féministes antiracistes. Des journalistes Gresh l’antisioniste compulsif Des profs Des metteures en scène. La directrice des éditions Don Quichotte. Ah ! Ou plutôt ouf : il est là, François Burgat, notre politologue. Un professeur en théorie politique. Un autre d’Oxford LOL
Tiens ! Y a Marwan Muhammad. Une militante altermondialiste. Encore Oxford. Une auteure et chercheuse en religion comparative. Ah le voilà Nabil Ennasri, Docteur s’il vous plaît. Spécialiste en Qaradawi. Houria Bouteldja of course. Après t’as un diplomate Des footballeurs professionnels Une liste à la Prévert quoi. La mamma d’Aznavour Ils sont venus Ils sont tous là Tous les grands professionnels de la propagande
Et ils veulent quoi? Ils veulent une justice impartiale et égalitaire. Et pour ce faire, ils dénoncent au passage les instrumentalisations dans la lutte contre les violences faites aux femmes et entendent intervenir sur le fond éthique et politique.
Quoi tu comprends pas ? Relis. La faute à ce tribunal qui a tout refusé, caution et remise du passeport et même promesse d’aller pointer au commissariat chaque matin La honte quoi. Et qui va nous le renvoyer en cellule. La faute à cette sévérité exceptionnelle de traitement. Ces irrégularités manifestes dans la procédure. Bref le caractère particulier que revêt désormais cette affaire.
Et de nous répéter que de toutes façons ils te l’avaient condamné avant même le démarrage de l’enquête judiciaire. Qu’ils l’avaient bafoué, son droit à la présomption d’innocence. Et son traitement de misère, t’as vu ça un peu ? Placé à l’isolement qu’il est. Sans aucune visite ni coup de téléphone.
Et que je te sorte les grands mots. Et que je te parle de justice à géométrie variable. De traitement judiciaire d’exception à son endroit. Tout ça à des fins politiques sans rapport avec la cause des femmes.
Avec une petite allusion sur les origines, la religion et les opinions politiques de l’inculpé. Que tu croirais qu’elles auraient interféré.
En conséquence de quoi, les signataires demandent la libération immédiate au regard de son état de santé alarmant du mis en examen.
Z’auront tout essayé. Ont même sorti deux fois son épouse. Même qu’elle appelle, Iman, à ne pas s’en prendre aux femmes plaignantes et qu’elle menace de se désolidariser de ceux qui le feraient.
En même temps, c’est la fête à la théorie du complot. Avec la vidéo Ce qu’il faut savoir sur le cas Tariq Ramadan, que partage tout azimut Frère Hani. T’as Free Ramadan Campaign. Qui te discrédite dans un même élan les deux plaignantes et les magistrats chargés de l’affaire. FreeTariqRamadanCampain Et aussi une pétition sur Change.org
En même temps, t’as des twittos devenus culte à force d’exploits. Même que toi, tu vas vérifier s’il ne s’agirait pas de faux comptes. Mais non. Ils sont abonnés à Hadith of the Day. IIFE. Journaldumusulman.fr Saphirnews.com Al Kanz. Oumma.com C’est du lourd. Moh M. t’écrit sans rire qu’il pense que tout ça c’est la faute aux sionistes qu’auraient fabriqué des milliards de robots qui se feraient passer pour des musulmans sur internet afin de les faire passer pour des cons et salir l’image de l’islam. Tu comprends pas ? Relis. Tu vas voir : on s’y fait, à ce style-là. Aussi. Un vrai roman de science-fiction pour nier l’évidence, commente cet ami, qui propose un point pour l’originalité, alors que cet autre reconnaît là l’idée d’un hologramme violeur, que cet autre supplie qu’on le lui donne, le nom du dealer du twittos, et que ce dernier reconnaît un sketch pour le Djamel Comedy Club.
En face, t’en as bien un qui répond que ce serait le fait de relâcher kiki qui serait faire une justice d’exception : ils aiment l’inversion accusatoire et la victimisation, ces obscurantistes.
A quoi cet autre renchérit que si quelqu’un se décidait à faire un montage de toutes les conneries qu’il avait dites et de tous les outrages qu’il avait écrits et qui le menèrent à déshonorer la Femme et la sienne en particulier, ce serait pas trop tard.
Alors qu’au vu des dysfonctionnements, les avocats du théologien plaident pour un dépaysement de la procédure et que les recteurs de la Grande mosquée de Lyon et de Villeurbanne réclament la libération immédiate de cet intellectuel de renom, reconnu et respecté au sein des musulmans de France, alors que Samia Ghali vient s’en mêler et demander Qui on jugeait, l’homme qui avait violé ou le musulman, il ne nous manquait plus que la voix de Tahar Ben Jelloun : le voilà, qui s’alarme qu’il n’est décidément pas facile d’être musulman en ce moment en France et en Europe : Stigmatisés, condamnés d’avance, les musulmans dans leur écrasante majorité souffrent en silence de ce regard torve et puant que pose sur eux le reste du monde. Et l’écrivain de parler non plus d’islamophobie mais de rejet et de haine. N’hésitant pas à s’emparer de L’Affaire Mennel, il pointe ce climat détestable qui caractérise la France du soupçon. Et de te citer une justice qui parfois fait son travail, car elle est indépendante et vient de le prouver avec la relaxe de Bendaoud, et en même temps le … tribunal médiatique qui osa expulser … Mennel.
Heureusement pour ton moral et ta raison, t’as en même temps Abdennour Bidar qui nous demande combien de temps encore nous allons rester tragiquement aveugles aux racines du mal de l’islamisme. Qui se demande comment il se fait qu’il ait fallu attendre le scandale d’accusations de violences sexuelles pour qu’enfin nos élites s’interrogent sérieusement sur le personnage. Qui nous reproche avec justesse notre paresse Notre inculture. Que nous, au lieu d’aller voir du côté de Mohammed Iqbal, Darius Shayegan, Yadh Ben Achour, Hamadi Redissi, ou ici en France de Mohammed Arkoun, nous avons choisi avec une infaillibilité remarquable les mauvais interlocuteurs, et ouvert nos micros, écrans, tribunes, aux traditionalistes patentés du CFCM, ou bien à des prestidigitateurs comme Ramadan qui rient à gorges chaudes de l’aubaine incroyable de notre naïveté.
Et Abdennour qui continue et nous accuse d’être passés à côté de la supercherie. Comment on a pu y croire, à leur tour de passe-passe des plus grossiers : réformer l’islam, l’adapter à la modernité, le libérer des traditions obscurantistes, blablabla. Alors que la seule lecture de leurs livres aurait permis de débusquer l’incohérence entre cet affichage publicitaire et l’indécrottable dogmatisme comme l’agressivité larvée qui ressurgissent à chaque page ou presque.
Et de conclure qu’on l’a bien cherché. Nous l’avons laissé se développer en France, cet islamisme décomplexé, qui revendique maintenant haut et fort la suprématie de la loi de Dieu face à la loi démocratique, qui affiche sans vergogne intolérance et antisémitisme, etc etc. Nous avons organisé la starisation de ce joueur de flûte qui a entraîné une partie de la jeunesse musulmane vers l’abîme d’un néo-rigorisme déguisé en islam soft.
Quand tu lis ça, t’as plus envie de rire. Ça fait mal ? Ben oui. Mais ça fait réfléchir. Ça te rappelle combien ils furent nombreux, d’Abdelwahhab Meddeb à Mohammed Arkoun ou Malek Chebel, à nous avoir alertés. Et ne me dis plus, Lecteur : où sont-ils, les musulmans ? Parce que c’est un peu tard : Meddeb est mort, Arkoun est mort, Chebel est mort, après avoir tous crié dans le même désert. C’est indigne de la France. Combien restons-nous désormais à produire une philosophie critique de l’islam ? On pourrait nous compter sur les doigts d’une main à laquelle il manquerait des doigts ! Je lance donc aujourd’hui à mon tour un cri d’indignation et d’alarme. Nous allons droit à la catastrophe si toutes celles et tous ceux qui sont en position de responsabilité dans notre pays, qui ont entre leurs mains le levier de tel ou tel pouvoir, se contentent de s’offusquer de cette sinistre affaire Ramadan sans qu’elle soit l’objet d’une prise de conscience.
Voilà. Une ultime fois. Regarde-les, les politiques de complicité avec l’islam politique. Sur le plan international avec l’Arabie saoudite, le Qatar ou le Maroc. Sur le plan local en laissant proliférer le salafisme ordinaire pour des calculs clientélistes et électoraux. Et en même temps, regarde-le, ce recul constant sur la laïcité.
Et puis t’as Brigitte Stora. Qui regrette l’impossible procès : celui pour complicité, voire collaboration avec l’idéologie, la genèse, l’histoire des Frères musulmans, cette organisation politico-religieuse fasciste qui fut fondée en 1928 par Hassan El Banna et dont le petit fils Tariq ramadan a toujours fièrement revendiqué la filiation politique, leur alliance avec le fascisme et le nazisme, la diffusion par leur soins dans le monde arabe de mein Kampf et des Protocole des sages de Sion, leur haine des Juifs, des femmes, des démocrates, inscrite au cœur de leur programme. Qui s’en prend à ces chevaliers de la presse libre qui l’ont adoubé, propulsé, encensé sur tous les plateaux télés et medias où la haine fait vendre. Avec l’argent du Qatar et la bénédiction ou le silence d’élus de tous horizons politiques qui ont cru pouvoir troquer la paix sociale contre un peu de religion. Qui ont laissé Ramadan et ses acolytes labourer nos banlieues en parlant à des jeunes à qui plus personne ne s’adressait.
Allez ! Responsabilité collective. Pas seulement Frédéric Taddei…
Sarah Cattan