« On appelle ces 197 pays des états comme la France, l’Allemagne ou l’Algérie (sic). Il en existe quelques uns de plus mais tous les autres pays du monde ne sont pas d’accord pour dire que ce sont de vrais pays (sic). Par exemple l’Etat d’Israël ou la Corée du Nord (sic) »

C’est le texte de la page Youpi écrit par Bertrand Fichou qui a soulevé un tollé de protestations.
La réponse de Bayard-Jeunesse sur sa page FB n’explique pas pourquoi l’éditeur voit Israël et la Corée du Nord comme des entités juridiques comparables et s’attribue une « autorité » juridique assez importante puisque l’ONU semble être sa seule inspiration.
On ajoutera que des enfants de 5 ans ont éventuellement d’autres questions à traiter que celles-ci, et que chercher à influer, orienter ou « animer » la conscience politique de leurs parents via de jolis petits gribouillis thématiques n’est pas d’un grand courage pédagogique.
Des méthodes assez proches de celles du « ministère de l’Education » palestinien où Mickey se transforme en expert en lancer de pierres et de couteaux et où de gentils personnages pelucheux expliquent par comptines interposées comment répondre de manière fracassante à l’ « occupation sioniste » en Palestine.
Mais au-delà de ce fait, il y a, avec le recyclage puant de détritus céliniens par Gallimard et la sortie publique par Fayard de Mein Kampf devenu oeuvre libre de droits, une réelle crise morale, intellectuelle et financière dans l’édition française en particulier, qui reposait jusqu’à présent sur la noblesse et la popularité du papier et sur la vivacité du débat intellectuel et qui est retournée se coucher depuis l’avènement de la standardisation numérique imposant à tous les mêmes icônes-images censées refléter une pure et simple vérité universelle.
Cet objet numérique pseudo éducatif émis par le département jeunesse d’un éditeur catholique de renom montre à quel point l’âpreté des intérêts économiques et actionnariaux sous-jacents, la peur d’un islam jihadiste qui peut venir sonner brutalement à votre porte voire à celle des églises et la volonté délibérée de ne pas connaître la réalité israéliennes d’aujourd’hui, qui ne se résume pas à une vision « guerre froide » de l’Europe d’hier ni encore moins à celle d’une Algérie départementalisée par le colonialisme français, sont puissants.
Ainsi on ne voit pas bien à quoi mène la confusion entre « pays » et « état ». L’auteur, M. Bertrand Fichou, semble ne pas avoir bien réfléchi à sa propre pensée ou au moins ne pas avoir connaissance des mots et de leur contexte.
Et surtout, les mots, leur sémantique, leur syntaxe et leur phraséologie sont avérés aujourd’hui, et contre toute attente, d’une efficacité redoutable lorsqu’il s’agit de témoigner de ce que l’on pense quand on est un leader d’opinion, un medium ou un chef de guerre.
Et ceci d’autant plus lorsqu’ils servent à légender des images animées censées adoucir le propos ou au contraire l’illustrer plus crûment.
De même que M. Dieudonné a contribué à la mort du théâtre de cabaret en pervertissant l’humour irrévérencieux, une certaine forme de journalisme estimant devoir porter un « message » et « éclairer » les consciences dès le plus jeune âge en accélérant leur mûrissement artificiellement a tué l’âme du journalisme qui est non de juger mais de témoigner de la vérité des faits qu’ils soient ou qu’ils ne soient pas conformes à la conception personnelle du monde et aux éventuelles révoltes et contradictions intimes.
Je retirerai cette désobligeante comparaison lorsque Bayard Jeunesse, leader français de la presse pour tout petits, petits et moins petits, aura pris conscience de l’incongruité et de l’incohérence de sa ligne éditoriale et exigé de ses chefs de produits davantage de professionnalisme et un stage intensif de culture générale.
Jean Taranto