Tribune Juive

Affaire Merah, suites, par Sarah Cattan

Depuis hier, on ne parle que de ça : l’affaire de la chapelle ardente. Affaire tragique que j’avais évoquée dans un précédent papier et qui concerne la farce honteuse à laquelle un pays, le nôtre, se prêta lors des obsèques des trois militaires assassinés en deux temps par celui qu’on ne veut plus nommer : l’autre, celui qui, après en avoir laissé un quatrième sur le pavé, comme mort, poursuivit son funeste projet en s’en prenant, vous le savez, à des Juifs qu’il assassina alors qu’ils entraient à l’école.
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L’affaire dans l’affaire, l’affaire de la chapelle ardente, c’est, je vous le redis, le refus par la mère d’un des militaires que le cercueil d’Abel, un collègue, peut-être un ami, victime lui aussi du terroriste islamiste, soit durant la cérémonie officielle aux côtés des deux autres : Abel avait le grand tort de n’être point musulman et sa dépouille fut donc considérée comme indigne de jouxter les cercueils des deux autres.

Je ne sais ce qu’en dit la religion et ne veux point le savoir, tant il est vrai que ce moment de cérémonie, hommage officiel, n’avait à l’évidence rien à voir avec un dieu quel qu’il fût et des rites qu’aurait dictés ce dieu.

Latifa Ibn Ziaten, la mère donc, demanda à ce que l’on écarte le corps de l’impur. Le drame, l’indigne, la honte insigne fut que sa demande ait été reçue par les autorités concernées, faisant que les parents et la compagne d’Abel trouvèrent en arrivant le cercueil du jeune homme à l’écart. Loin du chapiteau officiel: des religieux musulmans avaient intercédé auprès du Colonel Poutou, chef de corps du XVIIème RGP de Montauban qui en référa au Ministre de la défense de l’époque[1], et voilà que ce dernier valida la demande très discutable,  au lieu d’expliquer à cette mère endeuillée que le moment était à la seule commémoration solennelle qui précédait l’enterrement des trois soldats assassinés et que cet instant d’hommage ne relevait en rien d’une quelconque religion.

Des soldats mutés dans d’autres régiments, ou qui avaient entre temps démissionné de l’armée, devaient plus tard, libres alors de leur parole, confirmer tout cela à la famille d’Abel, et le Colonel Poutou dut acter.

Voyez-vous, de cette affaire de la plus haute indignité qui fût, il se trouve que les parents d’Abel, désormais, se mettent à vous en parler, et ça, ça en émeut plus d’un, abasourdi devant la chose. Je vous épargnerai l’incrédulité suivie d’une folle colère de ceux de mes amis appartenant à l’armée.

On ne parle plus que de ça. Et c’est bien ainsi. Car in fine, cette acceptation, c’est quoi, sinon une capitulation, une de plus, lâche, coupable, vous savez ne surtout jamais blesser nos concitoyens musulmans.

Moi je me suis souvent demandé ce qu’en auraient dit les deux collègues d’Abel. Bref. L’entrisme, il est là aussi. Et de tout ça hélas gageons que nous aurons à reparler.

Aujourd’hui, il en est qui demandent des comptes et qui interrogent : la chose relève-t-elle de la justice ?

Nous laisserons aux juristes le soin de répondre mais d’évidence il en va ici d’une histoire de morale. D’une histoire de valeurs. Et je gage que la loi n’a rien à voir là.

Vous avez, nombreux, saisi l’occasion pour interroger sur la définition d’une Cour d’assises spéciale.

Créée en 1982, en remplacement de la Cour de sûreté de l’Etat, la Cour d’assises spéciale[2], exception du droit français, illustre bien qu’à circonstances exceptionnelles, juridiction exceptionnelle : ces juridictions saisies lors d’affaires spécifiques ont en effet un fonctionnement tout particulier, et cette cour d’assises spéciale est tout d’abord composée de magistrats professionnels uniquement.

Compétente selon le code pénal pour statuer sur les crime commis en matière de terrorisme, de trafic de stupéfiants en bande organisée, d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation[3]  et d’atteinte à la défense nationale, ainsi qu’en matière de crimes liés à la prolifération d’armes de destruction massive et de leur vecteur, la cour d’assises spéciale qui se tint en 1986 lors du procès des terroristes du groupe Action Directe fut entachée de menaces des dits terroristes à l’encontre des neuf jurés citoyens tirés au sort. Les rigueurs de la justice prolétarienne leur étant promises, dès le lendemain, cinq jurés refusèrent de siéger, obligeant de fait au renvoi du procès.

C’est à la suite de cette affaire que fut votée, le 9 septembre 1986, une loi étendant les compétences de la cour d’assises spéciale au jugement des crimes et délits connexes commis en matière de terrorisme.

A la différence d’une cour d’assises habituelle, ce ne seront plus des jurés citoyens tirés au sort, comme c’est l’usage dans les affaires classiques jugés aux assises, qui siègeront ici. En l’absence donc de jury populaire, la cour d’assises spéciale est composée de quatre assesseurs[4], magistrats professionnels qui œuvreront aux côtés du président de la cour.

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Un rapport du sénat stipule que ces assesseurs seront désignés soit parmi les conseillers de la cour d’appel, soit parmi les présidents, vice-présidents ou juges du tribunal de grande instance du lieu de tenue des assises. Lorsqu’elle aura à juger des mineurs âgés de seize ans au moins, deux des assesseurs seront désignés parmi les juges des enfants du ressort de la cour d’appel.

Pour info, sachez que jusqu’en février 2017, six assesseurs siégeaient en première instance et huit en appel mais la multiplication des actes terroristes sur notre sol a amené le Sénat à en redéfinir le nombre et à le réduire, pour audiencer un plus grand nombre d’affaires relevant de la cour d’assises spéciale. Pour info, la Cour d’assises spéciale juge un peu moins d’une dizaine d’affaires par an, chaque audience dure entre 5 jours et six semaines en fonction de la complexité de l’affaire et du nombre d’accusés jugés, mais ce chiffre devrait fortement évoluer au vu de l’augmentation sensible du nombre d’affaires criminelles terroristes, par exemple celles relevant des départs ou retours de groupes terroristes.

Sachez encore que dans un souci de centralisation des affaires, tous les jugements de ces cours d’assises spéciales se tiennent au TGI[5] de Paris. Tous les crimes terroristes commis sur le territoire national en relèvent désormais.

On l’aura compris : cette Cour d’assises spéciale, exception du droit français, est désormais compétente pour statuer sur les crimes commis en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants en bande organisée.

On l’a vérifié récemment : l’appel existe également contre un arrêt rendu en première instance par une cour d’appel spécialement composée. Une Cour d’assises composée de neuf magistrats, différents de ceux qui ont siégé en première instance jugera cette affaire en appel. Le ministère public, c’est-à-dire l’Avocat Général qui requiert, pourra  être le même qu’en première instance : cela relève du principe de l’unité et de l’indivisibilité du ministère public.

Salah Abdeslam et Medhi Nemmouche  nous donneront la triste occasion de revenir sur tout cela. L’appel du procès qui vient de se terminer également. Enfin, l’Etat, notre Etat : aura-t-il des comptes à rendre concernant les failles dans la surveillance de l’un et dans le dysfonctionnement indiscutable qui concerna les forces de police présentes mais inefficientes pour sauver Sarah Halimi…
[1] Gérard Longuet.
[2] Parce que spécialement composée.
[3] Trahison, espionnage.
[4] Chiffre porté à 6 en appel.
[5] Tribunal de grande instance.

Sarah Cattan

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