Tribune Juive

Sarah Cattan : la relaxe de Georges Bensoussan

Georges Bensoussan vient d’être relaxé. Le Directeur du Mémorial de la Shoah, l’historien que vous connaissez tous s’était pris, vous vous en souvenez, un procès pour avoir cité, maladroitement peut-être, le sociologue Smaïn Laacher, et répété que les musulmans tétaient l’antisémitisme au lait du sein maternel : un procès pour incitation à la haine raciale, qu’il s’était pris.

Que n’avait-il dit là, l’auteur de La France insoumise, qui suivit Les territoires perdus de la République. Ce que Smaïn Laacher proféra impunément, Bensoussan, lui, le paya de dix-huit mois de procédure, douze heures d’audience et près de deux mois à attendre le jour du délibéré, deux mois au cours desquels, on s’en doute, tout doit être comme suspendu. Suspendu à la décision qui parlera de vous. Qui vous définira. Comme un raciste. Ou pas. Quand on dirige le Mémorial de la Shoah, le chef d’accusation n’est pas anodin. Pour qui d’ailleurs le serait-il.

Nous avons déjà, écrivant à propos de ce procès, déploré que de tels débats de mots pussent être l’objet de procès. Nous ne pouvions ne pas les relier, ces procès à répétition, intentés par le chantage islamiste, qui accusèrent Pascal Bruckner, Alain Finkielkraut, journalistes, essayistes, arabo-musulmans, laïcs, bref tous des esprits libres en somme, accusés de racisme dès lors qu’ils osèrent refuser de céder au chantage antiraciste, dès lors qu’ils refusèrent d’être victimes de ce nouveau pêché d’islamophobie dont on voyait tous qu’il instillait le séparatisme partout où il était cité.

Il est bien là, le chantage islamiste dont je vous parle depuis longtemps, ce chantage à la trahison exercé tout d’abord sur les citoyens d’origine arabo-musulmane, sommés de choisir de quel camp ils sont donc, et exercé in fine contre tous les esprits libres.

L’indignation à géométrie variable des pseudo antiracistes, titrait une de mes consœurs. Oui, lorsque dans le même temps, une Houria Bouteldja publiait impunément Les blancs, les Juifs et nous, invitée de surcroît par tous les media complaisants. Acheteurs de paix sociale. Complices, accoutumés qu’ils étaient devenus, sous nos yeux non vigilants, de ces petits arrangements dénués de courage et d’honneur. Collaborateurs. Partisans.

Bensoussan ? Il apparaît évident que le CCIF a saisi, avec l’affaire du lait maternel, l’occasion qui lui était donnée d’enfin pouvoir se venger de toute son œuvre. Ce qu’il a écrit et aussi ce qu’il représente, en sa qualité de Directeur du Mémorial. Ce qui est tragique, c’est que ce procès qui aura

déshonoré ceux qui le lui firent ait pu se tenir : traîner en justice un historien de la Shoah, le faire asseoir sur ce banc qui vit comparaitre Dieudonné ou Soral. Chez nous, au pays de Voltaire.

 Certes, me direz-vous, mais Georges Bensoussan est relaxé. Relaxé, il l’est, avec les attendus suivants : le tribunal n’a pu retenir d’élément intentionnel, il ne saurait être fait grief au prévenu, qui rejeta toute idée de fatalité ou d’essentialisation, d’avoir suscité ou voulu faire susciter un sentiment d’hostilité ou de rejet à l’encontre d’un groupe de personnes, etc., etc.

 Relaxé, il l’est. Mais à quel prix. Notre silence à tous. Ce silence coupable, après tous ces procès, après les affaires Mehdi Meklat et celles de ses potes, celle concernant Olivier Sauton. Ça, nos chers media en parlèrent. La faute au scandale que firent les réseaux sociaux et des lanceurs d’alerte, ici-même.

Mais avez-vous vu, vous, Georges Bensoussan à ONPC ou ailleurs ? Non. C’est que des sollicitations d’interviews, il n’en a pas eu pléthore. Certes L’arche. Actualité juive. Tribune juive. Certes le bel article de Barbara Lefèvre pour Causeur et celui de Martine Ghozlan pour Marianne. Certes Radio J a consacré dix minutes bienveillantes à l’affaire ? Certes, Le Figaro se sera, lui, démarqué des media complices de l’ultragauche, le quotidien annonçant la relaxe aussitôt alors que Le Monde titrait honteusement : Deux poids, deux mesures : Georges Bensoussan relaxé.

Mediapart, rien. Mediapart qui au départ abrita la pétition qui initia le procès. Rien ? Non, pire que rien. Car pire que rien, ça existe, et Mediapart, il y a deux jours, publia un texte en ligne, vous savez, ce type de texte abrité lâchement sur un blog qu’on héberge et auquel on donne la parole, méthode perverse propre à Mediapart, un texte qui pose la question de savoir comment le Directeur éditorial du Mémorial, cette machine à étouffer la souffrance des arabes et des palestiniens, pouvait-il encore travailler au Mémorial. Un texte qui reproche à l’historien de diaboliser l’histoire du monde musulman, comme certains lui avaient reproché de le fantasmer. Un texte qui remet en cause la validité de la Mémoire de la Shoah, demandant si on lui donnerait une telle ampleur sans le conflit israélo-palestinien. Un texte antisémite qui compare l’historien au directeur de Radio-Courtoisie. A Drumont.

Comment peut-elle ne pas interroger, cette violence exacerbée à l’encontre d’un seul homme. Et comment ne pas penser qu’elle est le fait de cette ultra gauche française, qui, alliée à d’autres aux prix d’accommodements fort discutables, s’en prend aujourd’hui à l’œuvre entière d’un Georges Bensoussan. Non, pas à ses seuls ouvrages récents. Mais à l’ensemble de son œuvre. De Juifs en pays arabes: Le grand déracinement 1850-1975, ce livre d’archives par essence irréfutable, aux ouvrages consacrés au sionisme, notamment Un nom impérissable. Israël, le sionisme et la destruction des juifs d’Europe, paru en 2008. Comment ne pas parler de l’antisémitisme dont cette ultra-gauche veut faire l’héritage de la colonisation française alors que si la colonisation française l’a exacerbé, cet antisémitisme-là, elle n’en est pas la matrice.

N’aurait-elle été qu’un prétexte, la métaphore qui fut reprochée à l’historien ? Aurait-elle été l’alibi pour mettre à terre et faire enfin se taire celui qui osa écrire que si 99 % des juifs du monde arabe avaient quitté le monde arabo musulman dès qu’ils le purent, c’est qu’ils n’y étaient pas si heureux ?

Comment ne pas se dire que ces propos, de seule nature culturelle, sont à l’origine de la haine déversée sur cet homme.

A l’origine aussi d’un procès improbable où un attelage pour le moins hétéroclite se livra au Tribunal à des contorsions intellectuelles à n’en plus finir, Mohamed Sifaoui, revenant sur la fameuse métaphore de l’antisémitisme tété au sein, évoquant, lui, un biberon empli d’un lait fabriqué en Israël, et Nacira Guénif amusant la galerie avec ses histoires de déshistorisation et d’essentialisation. Un procès improbable où certains, comme la LICRA, s’embourbèrent dans un positionnement intenable. Et je ne vous parlerai pas de Michèle Sibony, Présidente de l’Union Juive Française pour la Paix. Michèle Sibony, ce soutien fidèle à la cause islamique et palestinienne. Cette juive haineuse. Cette prêtresse du combat anti Israël ou anti-juif.

Comment s’empêcher de penser que la plupart étaient liés à cette obsession israélienne, leur empêcheur de dormir en paix.

Ils étaient bien là, aux commandes, les Frères musulmans, avec ce grand nombre d’alliés du côté de la gauche qui se sont engouffrés dans la brèche, alliés d’un CCIF dont ils savent comme vous l’ambition politique : installer en France l’islam politique, et imposer sa loi. N’était-ce pas ce dont tentait depuis longtemps de nous avertir le courageux Boualem Sansal, ce que nous dirent récemment les sondages de l’Institut Montaigne.  N’est-on pas face à la naissance des monstres évoquée en 1927 par Antonio Gramsci dans ses Cahiers de prison? N’y est-on pas, dans la montée de cette nouvelle intolérance dont parla Salman Rushdie, qui évoqua, en nommant l’islamophobie, ce nouveau mot inventé pour permettre aux aveugles de rester aveugles, n’est-on pas enfin, comme nous l’a expliqué Simon Epstein en 2008 dans Un Paradoxe français, antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance, en train d’assister au glissement progressif d’éléments antiracistes vers un antisémitisme radical…

Et tout cela se passe chez nous, parce qu’une partie des élites tend à ce point la main à l’oppresseur qui vient pourtant d’assassiner ses enfants.

Alors… Le Yaoudi hachak, il faut donc que nous acceptions que, prononcé dans la vie quotidienne, il ne traduirait aucun fond anti juif, culturel, traditionnel. Alors que tant nous l’ont confirmé. Qu’on leur disait, enfants, lorsqu’ils n’étaient pas sages : calme-toi, sinon j’appelle les Juifs.

Georges Bensoussan ? Faites-moi signe si vous apprenez qu’il est annoncé dans nos media. Bruckner aussi. Dites-le moi. La tentation de l’exil que le premier dit avoir eu, vous étonne-t-elle encore, lorsqu’on vous fait passer pour un monstre et qu’au passage, on démolit tout votre travail. Lorsque, dans une justice française qui manque de moyens, sont mobilisés magistrats et greffiers, tant de temps d’audience et de préparation pour une phrase ridicule qui enfonçait une porte ouverte et n’était en rien essentialisante sur le plan biologique.

Voilà où nous en sommes quand l’ultragauche totalitaire emboite le pas à un totalitarisme de la pensée et à une stérilisation du débat intellectuel, quand elle l’empêche, le muselle ? Quand elle annonce le propos d’Elizabeth Lévy , qui nous rappelle dans son éditorial qu’ eux-mêmes le disent, ils vont grand-remplacer.

A force de vouloir acheter la paix avec ceux-là qui, démographiquement, seront bientôt les plus nombreux. Il l’avait fait, Georges Bensoussan, ce parallèle entre le pacifisme des années trente et l’antiracisme aujourd’hui : le pacifisme des années trente, né du grand carnage de 14-18, est la réaction légitime d’hommes et femmes qui ne veulent plus jamais revivre ça et au nom du dit pacifisme, ils pratiqueront une politique munichoise qui consistera à tout accorder, par étapes, à Hitler. Plutôt qu’avoir la guerre. Quitte à se retrouver, pour une partie, dans les camps de la collaboration. Non pas par attrait pour le fascisme, le pétainisme ou le nazisme : juste pour avoir la paix. Complètement dévoyé, ce pacifisme a cautionné le pire, et là, avec cet antiracisme dévoyé, on a fait taire toute parole dissidente et on a donné des armes aux pires ennemis de la démocratie, qui s’en servent aujourd’hui pour nous museler et préparer un mode de vie totalitaire en France.

En somme, ils ont fait quoi, Georges Bensoussan ou Pascal Bruckner, sinon illustrer ce proverbe chinois : quand le doigt montre la lune, l’imbécile regarde le doigt.

Voilà. Ce procès, il fera tache. Il fera date aussi. Car d’autres ne voudront pas l’avoir, l’odieux procès fait à Georges Bensoussan.

Sarah Cattan

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