Tribune Juive

Fillon remonte la pente, par Richard Liscia

François Fillon a donné des explications assez convaincantes sur le travail de son épouse et de ses enfants. Il a surtout décidé de continuer à faire campagne en soulignant l’énorme vide politique que créerait son retrait.

CERTES, sa conférence de presse eût été plus efficace si elle avait eu lieu une semaine auparavant et elle aurait surtout évité aux partisans du candidat de la droite et du centre les affres de l’incertitude. Sur ce point, M. Fillon a été transparent : il se croyait tellement à l’abri des attaques dont il a soudainement fait l’objet qu’il a pensé que « le ciel était tombé sur (sa) tête ». Il s’est fait violence pour ne pas cacher ce qu’il y a d’humain et donc de fragile en lui, pour présenter ses excuses, pour annoncer une réforme du travail des assistants parlementaires, pour publier sur Internet les revenus de sa famille depuis des années. Pratiques dont il reconnaît qu’elles étaient acceptables, sinon acceptées, mais qui n’ont certainement plus cours aujourd’hui. C’est un aveu fort. Mais il n’a pas déguisé sa stratégie sous l’habit d’une fausse contrition : s’il a décidé de rester candidat, de reprendre la campagne, de refaire l’unité de son camp, c’est parce qu’il ne peut pas imaginer la bataille du second tour sans la droite.

Aucun plan B.

Il n’y a pas de plan B, B comme Berezina, a-t-il ajouté, parce que la légitimité qu’il tire de la primaire et de ses quatre millions de votants (qui, précisons-le, n’ont quand même pas tous voté pour lui) interdit à toute autre personnalité politique de se présenter à sa place. Aussi, cet homme qui semblait attendri par ses propres vicissitudes, dont on veut bien croire qu’elles l’ont, comme il dit, « déstabilisé », s’est présenté aux journalistes, qu’il n’a pas ménagés sous le prétexte qu’il tenait une conférence de presse, comme le patron incontesté de la droite, l’homme qui va assommer d’un regard toutes les ambitions surgies la semaine dernière, l’homme qui, parce qu’il a vécu un moment terrible de sa vie, n’en sort que plus fort, plus solide, plus dynamique. C’est Fillon, pas Alain Juppé, ni personne d’autre, qui va refaire l’unité de son camp dès aujourd’hui, c’est Fillon qui repart en campagne, c’est Fillon dont les avocats viennent de signifier au parquet financier qu’il n’est pas compétent pour traiter cette affaire, c’est Fillon qui a le seul programme « de rupture », et c’est le Fillon favori de l’élection présidentielle qui revient avec force dans la course.

Un nouveau tournant dans la campagne.

La conférence de presse de cet après-midi aura donc marqué un nouveau tournant dans la campagne. François Fillon a écarté d’un geste l’idée de son désistement et de son remplacement. Du coup, il se conduit comme s’il n’y avait devant lui aucune opposition interne. Il ne fera pas de quartier, ce qui, peut-être, ne lui suffira pas pour retrouver tous les suffrages qui devaient se porter sur son nom, mais suffira pour que personne n’ose le défier. C’est tellement vrai que cela explique pourquoi Alain Juppé a refusé obstinément de prendre éventuellement la succession de M. Fillon. Il a compris, ou su, que celui-ci n’avait nullement l’intention de céder à une vague médiatico-politique où le candidat a vu non pas les conséquences des complaisances salariales qu’il a pu avoir avec sa famille mais une cabale orchestrée par le pouvoir. Il n’est pas allé plus loin dans l’accusation portée contre l’exécutif, mais il en a assez dit pour atténuer le choc causé dans l’opinion par les révélations relatives à ses propres activités.

Je crois que, après cette clarification tant attendue qui, certes, peut laisser beaucoup de gens sur leur faim, mais n’en est pas moins le maximum qu’un Fillon pût faire, la droite a de nouveau un candidat, qu’il est préférable de ne pas aller chercher ailleurs, que, de toute façon, M. Fillon éliminera sans hésiter ceux qui pourraient lui faire de l’ombre et que, à partir de là, la droite va se regrouper et même que, compte tenu des tensions anormales créées par cette élection très spéciale, elle sera impitoyable.

Richard Liscia

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