Tribune Juive

Sarah Cattan : Macron, il a quitté le Titanic

Ce fils d’un couple de médecins, aîné de la fratrie, passe une grande partie de son enfance chez sa grand-mère adorée, directrice de collège élevée par des parents illettrés, lit-on sur le net, mais la bio d’Emmanuel Macron s’enrichit au fur et à mesure de son exceptionnelle ascension, et l’on apprend par exemple que celui qui fut un élève brillant excelle aussi au piano. Que diplômé entre autres de Sciences Po Paris, il devint en 1999 l’assistant du philosophe Paul Ricœur et consacra son Mémoire de Maîtrise de philosophie à Machiavel et celui de DEA à Hegel.

 Tout ça pour vous dire qu’on aurait pu ne jamais parler aujourd’hui de sa démission en qualité de Ministre des Finances ! Mais il se trouve que dès 2002, le jeune homme intégra l’ENA, promotion Léopold Sédar Senghor, et débuta sa carrière à l’Inspection des Finances avant de changer une nouvelle fois de cap en 2008, lorsque la banque Rothschild l’engagea : il a 30 ans et en devient au bout de deux ans Associé-Gérant. Il a, entretemps, rencontré François Hollande lors d’un dîner chez Jacques Attali et en mai 2012, quand on lui propose de rejoindre l’Elysée en tant que Secrétaire Général Adjoint de la Présidence, il accepte et est nommé, à la surprise générale, Ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique dans le deuxième gouvernement de Manuel Valls, après le départ forcé d’Arnaud Montebourg : nous sommes le 26 août 2014.

DÉVERROUILLER L’ECONOMIE FRANÇAISE

La presse s’intéresse alors à ce jeune Ministre qui a épousé sa prof de français, et se plaît à montrer, photos à l’appui, ce joli couple que vingt années séparent : Brigitte a trois enfants et six petits-enfants. Manu au piano, Manu avec une barbe de 3 jours, Manu partout.

On retiendra surtout de son passage au Gouvernement Hollande qu’Emmanuel Macron aura notamment défendu en 2015, devant le Parlement, un projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques : également appelé Loi Macron, ce texte qui entendait déverrouiller l’économie française, en assouplissant notamment la réglementation sur le travail le dimanche, le transport par autocar, les professions de notaire ou d’huissier, ou encore le permis de conduire, fut rejeté par une partie de la gauche, et la Loi Macron ne put in fine être adoptée qu’avec le recours au fameux 49.3, entendez l’utilisation de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. On tentera d’oublier ses gaffes répétées, avec les ouvrières illettrées ou face aux militants CGT de Lunel, à qui il vint expliquer, dans son costume haute couture, que la meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler.

Avril 2015 : le voilà qui s’émancipe : le Ministre de l’Economie lance son mouvement politique qu’il baptise En marche ! Ce n’est rien, dit-il, juste une entreprise de porte à porte destinée à recueillir un diagnostic sur l’état du pays.

Juillet 2015 : le voilà qui organise un meeting à la Mutualité, à Paris, assurant devant quelque 3 500 partisans que ce mouvement, rien ne peut plus l’arrêter, et ajoutant : Nous le porterons jusqu’en 2017 et jusqu’à la victoire, s’engageant à offrir là une politique innovante au-delà des clivages partisans et un rassemblement large, fort, volontaire, de toutes celles et ceux qui veulent juste changer le pays. Pouvons-nous encore continuer comme cela ? s’interrogea-t-il ce soir-là devant ses supporters.

Nous nous la posâmes tous alors, cette question, mais dans l’entourage de François Hollande, on relativisa et, se refusant à voir le moindre casus belli dans tout ça, notre Président opta pour son sempiternel rappel au collectif, alors que l’autre, interrogé de partout sur le sens de son Mouvement, précisa au 20 heures de TF1, qu’il était bien de gauche : C’est mon histoire. C’est ma famille, crut-il bon d’ajouter, précisant toutefois que dans cette famille, eh bien, certains avaient peur d’un monde qui change. Vous savez comment c’est, les familles : on n’est jamais tous d’accord, on s’engueule puis on s’embrasse, parce qu’on s’aime, quoi.

Sauf que, non content d’avoir diverti la France deux jours avant l’intervention télévisée du chef de l’Etat à l’occasion du 14 Juillet, Emmanuel Macron, tout en remerciant François Hollande de la confiance que ce dernier lui avait accordée, ne se priva pas de critiques implicites sur la méthode hollandaise. Ambiance.

PAS POUR EN FAIRE SON OBLIGÉ

Il a 38 ans et n’a cessé de multiplier les signes d’indépendance depuis le début de l’année, s’agaçant régulièrement des atermoiements de l’Elysée, estimant que le chef de l’Etat n’allait pas assez loin et assez vite dans les réformes : Ce monde est ancien, il est usé, il est fatigué, il faut en changer, qu’il disait. Lorsqu’un président nomme quelqu’un ministre, il le fait parce qu’il pense que c’est bon pour le pays, pas pour en faire son obligé, dit-il dans L’Est républicain, provoquant la colère de son ami Cazeneuve qui lui expliqua froidement : Ça ne se fait pas, Emmanuel. Alors Manu se reprend mais n’en finit pas de s’émanciper de la tutelle de celui qui l’avait fait, précisant : je ne fais pas ce qu’il veut, mais se disant convaincu que les Français rendront justice à François Hollande d’avoir fait face à des difficultés exceptionnelles. Presque un hommage posthume à un François Hollande qui aurait, on le voit, toutes les raisons de s’estimer trahi avec méthode, comme le rapporte Le Monde.

Ainsi, cette fois, c’était la bonne : les Echos et l’AFP, se basant sur les allégations de plusieurs sources proches du Ministre, confirmèrent dès le 30 aout au matin qu’après des mois de rumeurs et de démentis, Emmanuel Macron allait annoncer sa démission du gouvernement. Sauf qu’elle avait un drôle de parfum, cette démission-là. Certes le jeune Rastignac n’avait pas dit qu’il serait candidat. Pas encore. Et ne fallait-il pas comprendre que pour l’instant, il ne serait pas candidat, sauf si Hollande, trop impopulaire et dans l’incapacité de défendre un bilan jugé trop négatif par l’opinion, ne pouvait y aller. Et encore. Vous pensez qu’une candidature dissidente passerait pour une trahison, ce que les électeurs goûtent peu : vous seriez d’un autre temps : aujourd’hui, tout se fait. O tempora, O mores, pourrait-on regretter : En Marche ! est en tout cas opérationnel et même l’Elysée, dans son communiqué d’annonce, assura ironiquement qu’Emmanuel Macron avait démissionné pour se consacrer entièrement à son mouvement politique.

C’est qu’il était devenu de plus en plus embarrassant, ces derniers mois, l’ancien protégé du chef de l’Etat. Et il y en eut un qui voulut lui en coller une, au petit, tant le départ de l’ancien banquier était une très mauvaise nouvelle pour le clan Hollande. Si les liens de confiance entre les deux hommes s’étaient distendus ces derniers mois, Manu avait bien été l’un des chouchous du Président pendant plusieurs années, fasciné qu’était ce dernier par l’expertise économique de sa nouvelle recrue. Mais très vite, Manu fait des vagues, la liberté d’expression qu’il décida de conserver en agaça plus d’un et on le trouva d’autant plus imprévisible et incontrôlable qu’il se distinguait de surcroît par une popularité sondagière endossée avec le sourire le plus désarmant qui soit. En juillet donc, la rupture est consommée et la défiance succéda à la méfiance, à l’encontre de celui qu’on avait adoubé.

31 aout : Comme Brutus poignarda César, Emmanuel Macron quitte officiellement le Gouvernement et François Hollande, son père en politique, alors qu’en mars encore, sur Europe 1, il l’assurait de son indéfectible loyauté : j’ai des principes personnels et je sais à qui je dois d’être là : c’est François Hollande. Ce n’est pas la comédie humaine. Il y a des principes à respecter, avait-il déclaré, avant d’ajouter : bien sûr que je souhaite que François Hollande soit candidat à la présidence de la République. Bien sûr qu’il est légitime. C’est le président en place.

QUI N’ALLA PAS DE SON TWEET ?

Faut-il vous dire tout ce qu’on put lire sur la toile et combien se délectèrent les media. Qui n’y alla pas de son tweet ? Même Nabilla Benattia s’en mêla, tweetant : Emmanuel Macaron pas capable de dire qu’ils se présente au présidentielle # Ladurée

Elle fut rejointe par tous les autres, et je ne résiste pas au plaisir d’en livrer quelques-uns à ceux d’entre vous qui ne seraient pas twittos.

Jean-Luc Mélenchon ✔ @JLMelenchon

Bonne nouvelle : avec la démission de #Macron, il n’y a plus que 13 millionnaires au gouvernement.

#Macron quitte le gouvernement pour être candidat. #Hollande ne produit que des monstres politiques.

Nadine Morano ✔ @nadine__morano

Macron, quitte le navire qu’il aura lui-même contribué à couler.

Florian Philippot ✔ @f_philippot

Une fois que #Macron aura démissionné, se présentera-t-il à la primaire de gauche ou à la primaire de droite ? #RPS

Jean-Chr. Cambadélis ✔ @jccambadelis

La démission de #Macron : un kinder surprise pour convenance personnelle au moment où la France se redresse et la droite se dresse.

Pierre Laurent ✔ @plaurent_pcf

Macron a nourri au sein du gvrmt les ferments de sa propre défaite. Preuve de plus du fiasco sur lequel débouche le quinquennat Hollande #HD

Eric Ciotti ✔ @ECiotti

On est face à l’ultime décomposition de cette majorité qui en 2012 a tellement menti aux Français

Guy DELCOURT @Guy_Delcourt

TOUT EST DIT il va pouvoir rejoindre enfin au grand jour son papa GATTAZ

Robert Ménard ✔ @RobertMenardFR

#Macron quitte le #Titanic alors que l’iceberg est en vue.

Sébastien Huyghe ‏ن ✔ @SebastienHuyghe

La démission de @EmmanuelMacron est la conséquence logique d’un attelage gouvernemental fait de bric et de broc par un @fhollande sans cap

Macaron. Nabilla, ton humour m’a fait rire car il en avait, des surnoms, notre Manu, et des moins charitables. Déjà que Michel Sapin, après s’être cassé le bras, l’accusait, pour de rire – de l’avoir poussé dans les escaliers de Bercy et l’appelait, d’après Le Parisien, le Taré du troisième étage, que d’autres parlaient du Mozart de la finance, et que Fabius le surnommait, selon L’Express, le petit marquis poudré, aujourd’hui les langues se délient et l’on apprend qu’il était encore surnommé le coucou par plusieurs ministres, qui lui auraient reproché sa fâcheuse manie de marcher sur leurs plates-bandes et de tenter de s’approprier les sujets de certains autres ministres, à l’image du coucou, connu pour pondre dans le nid des autres, nous expliqua sur RTL Alba Ventura.

Il y a surtout Brutus, comparaison lâchée par Jean-Christophe Cambadélis dans le JDD, faisant référence à Marcus Junius Brutus, sénateur romain, fils de la maîtresse de Jules César, qui lui porta le coup fatidique. Hollande n’est pas César me direz-vous mais Macron n’est-il de ceux capables de trahir leur père en politique ? La trahison assassine est de toutes les époques et il faut y regarder de plus près pour voir si la créature du président de la République lui a échappé au point de lui porter un coup qui pourrait lui être fatal, nous a expliqué l’expert Nicolas Domenach.

Le voilà désormais soutenu par un Gérard Collomb ou un DSK, et les quelque 30000 adhérents de son parti. Fallait-il qu’il sût son Machiavel par cœur et donc que pour être efficace il faut cacher ses intentions ? Je gage que si l’enjeu n’en eût été si crucial, on les attendrait comme un divertissement des plus cocasses, ces Présidentielles à venir.

 Sarah Cattan

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