Oh le joli mois de mai. L’annus horribilis. On ne va pas faire la liste de tout ce qui s’est passé de vraiment triste ces dernières années. En France. En Europe. En Israël. Dans le monde.
Je vous parle de Paris où c’est tellement le balagan qu’on ne saurait décrire avec justesse cette juxtaposition d’événements les plus divers ponctués de tragédies.
Sur le front du terrorisme, si l’on est autocentré et qu’on ne pense qu’à la France, on fera court et on listera du jour de l’assassinat d’Ilan, marqueur de ce XXIème siècle terrifiant. Dans le désordre car après tout, dans un tel chaos, que vaut l’ordre ? Alors, dans le désordre on se souviendra à jamais des crimes commis par Merah à Toulouse, on n’oubliera ni ses victimes ni celles des Kouachi, des noms désormais résonneront de façon obsédante à nos oreilles: Charlie la petite Myriam Abel Jonathan Sandler Cash casher le Bataclan. Ces visages heureux.
Les autres, qui ont compris comme Gilles-William Goldnadel que c’est le même terrorisme islamiste qui frappe à Tel Aviv Bruxelles ou Paris et qu’il s’agit exactement de la même guerre, se sentiront concernés par la barbarie islamiste qui opère de toutes parts dans le monde, écharpant indistinctement nos frères humains.
DEPUIS, ILS NOUS DONNENT LA NAUSÉE
Cette Presse , ces media partisans et vendus, ces journalistes qui font mal leur boulot ou qui obéissent aux ordres, ces réseaux sociaux sur lesquels ça fuse dans tous les sens, qu’il s’agisse d’un attentat de plus, de la mort d’un chanteur ou de celle d’un boxeur indûment encensé : ce matin ma radio mentionna vite fait une fusillade à Orlando à la sortie d’une boîte de nuit, eh bien dès que l’attentat de mercredi eut lieu à Tel Aviv, L’Obs et Courrier International parlèrent aussi d’une fusillade tandis que Le Figaro évoquait d’abord un incident qui aurait fait 4 morts, avant de s’orienter vers un acte de résistance qui ciblait le QG de l’armée israélienne ou le Ministère de la défense. Vous savez, cette nouvelle logique selon laquelle demain le viol sera désigné comme une marque d’affection virile et la pédophilie comme une éducation différenciée[1].
Certes, sans doute un peu contraint, quelques heures plus tard, le quotidien évoqua un attentat perpétré par des palestiniens. Ça doit faire mal d’être acculé à écrire aux forceps les mots précis, pourtant la devise du Figaro n’est-elle pas Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur. Non que nous ayons jamais espéré l’éloge, concernant Israël, trop habitués à la soi-disant rigueur de l’info lorsque nos media daignent la corriger pour nous rappeler que ces deux cousins venaient de Cisjordanie occupée et qu’Israël en représailles annula illico le permis d’entrée à plus de 83 000 Palestiniens qui voulaient fêter le Ramadan en famille. C’est fête aussi ce soir dans la religion juive et les victimes d’hier n’en seront plus jamais.
JE VOUS ÉCRIS DONC DE PARIS
Paris qui après avoir échappé à la crue de la Seine croule aujourd’hui sous les ordures et se meurt du poids des grèves. On me dit que Philippe Martinez n’est pas responsable de la poursuite de la grève à la SNCF, et que les grands responsables des grèves, qu’il s’agisse de celle des pilotes d’Air France ou de celle des éboueurs, ce seraient le Président et son gouvernement qui veulent réformer à bride abattue à 10 mois de la présidentielle et qui n’ayant pas de majorité pour faire voter des réformes libérales, recourent au 49.3, symbole de l’extrême violence.
Je réponds que Philippe Martinez, qui mène, moustache au vent et colères tragicomiques dans les yeux, la contestation sur la loi El Khomri, n’est pas l’Etienne Lantier de Germinal, qu’à l’écouter on ne perçoit nulle subtilité, on douterait qu’il ait lui aussi des états d’âme, on a bien compris qu’il n’était pas responsable des inondations et on sait qu’il n’est certainement pas le terroriste décrit sottement par Pierre Gattaz. Dès lors, pourquoi diable voudriez vous qu’il envisageât une inflexion même minime de son action syndicale au vu des conséquences tragiques des inondations récentes par exemple. N’allez pas non plus lui dire que les grèves ça la fiche mal pendant l’Euro et ne vous risquez pas à lui expliquer que dans les gares le matin et le soir les gens n’en peuvent plus.
Car les gens n’en peuvent plus. Sans doute peut-être parce la coupe est pleine si on convoque Les attentats Les inondations L’hiver au mois de mai La menace du FN L’overdose des Tribunes offertes à Tariq Ramadan Ces ministres qui harcèlent les femmes du gouvernement, Ce gouvernement infoutu de rétablir un semblant d’autorité dans ce cirque insensé qu’est la France aujourd’hui, Les insupportables compromissions de ces gouvernements successifs, La mode pudique, Le chômage Les racismes de tous bords, La violence de toutes parts, Le massacre des enfants de Lahore, Le ramadan jadis une fête aujourd’hui une menace, Nos amis musulmans qui encourent une fatwa pour avoir l’audace d’oser espérer de leurs vœux une réflexion sur l’Islam, Cette conférence de paix à Paris sans les représentants des pays concernés, Les poubelles qui s’entassent, Nuit debout qui s’installe, le PIR[2] par la voix de plusieurs adhérents qui félicita illico les auteurs de l’attentat d’hier et les qualifia de résistants, Les migrants, Platini et ses mensonges qui nous ont définitivement ôté toute once d’espérance en une quelconque intégrité chez ces gens-là, Hani Ramadan directeur du Centre islamique de Genève qui déclare hier à des élèves, à propos du voile, qu’une femme est comme une perle dans un coquillage, si on la montre, elle crée des jalousies. Ici, la femme sans voile est comme une pièce de deux euros. Visible par tous, elle passe d’une main à l’autre, Najat Vallaud Belkacem qui propose d’enseigner l’arabe en option dès le primaire, BHL sur Radio J qui dénonce, concernant le vote contre Israël à l’ONU et l’OMS, ce dysfonctionnement de l’Etat et demande avec justesse quelle est la légitimité de ce petit groupe pro-arabe du Quai d’Orsay qui prend en otage la politique étrangère de la France et fait passer un vote scélérat, Le gouvernement marocain qui proclame sur le site du PJD[3] islamiste au pouvoir que les attentats de Tel Aviv sont de glorieux épisodes de l’Histoire des musulmans, Jean-Marc Ayrault qui critique dès jeudi le bouclage des territoires palestiniens par Israël, les scènes de joie dans les territoires occupés, cet amoncellement de troupes invraisemblable pour assurer la sécurité pendant l’Euro alors qu’on sait tous que ce n’est pas le nombre d’hommes qui compte mais la qualité du renseignement en amont, et si l’on y ajoute le lot des soucis personnels de chacun… Bref n’allez pas dire à Philippe Martinez que les français n’en peuvent plus : au moment où je vous parle il est à Rungis avec 300 collègues, il exige le retrait du texte El Khomri et a minima le retrait de l’article 2, non il n’est pas un syndicaliste subtil qui évolue avec son époque, il ne se demande pas ce qu’il fera de plus demain lorsque la dite loi sera revue et forcément durcie par un gouvernement de droite, est-il un mec sympa dans la vraie vie je n’en sais rien mais depuis Philipe Martinez, je suis en overdose de syndicalistes, de même que Léa Salamé est mon curseur de tolérance à ces nouveaux journalistes insolents avant d’avoir du talent.
J’AIMERAIS BIEN DONNER DE DOUCES NOUVELLES
Certes Israël a 6 ans comme nous l’a rappelé Pascale Davidovicz et ne voilà-t-il pas que le Conseil de Sécurité des Nations Unies vient de condamner le terrorisme palestinien, position inédite s’il en est depuis le début de l’Intifada des couteaux, certes la première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules, de bons films en salle et Paul Klee à Beaubourg, certes le but somptueux[4] de Dimitri Payet à la 89 ème minute, nos enfants, les amis chers, un rendez-vous heureux, le goût délicieux de l’éphémère, vous savez ces choses banales, sans valeur marchande, que jadis arrogants nous prîmes de haut, sans même nous arrêter, blasés que nous étions, pressés, mais pressés d’aller où et pour y faire quoi. Certes il a fait beau et chaud un jour au mois de juin mais quelque chose désormais n’y est plus. Partie sans doute avec tous ces événements, de la mort d’Ilan à la destruction des statues de Mossoul : la légèreté. Envolée, la merveilleuse légèreté de l’être. Celle de Françoise Sagan plus que celle de Kundera. Une bulle de champagne. Une forme d’innocence.
Pourtant incorrigibles optimistes on se prend à y croire encore. Surtout si l’on écoute Zlatan Ibrahimovitch, désigné fort à propos par mon ami Alain Attal comme digne successeur de Kant et Hegel : Je peux rendre Hollande populaire si je le veux, mais je ne sais pas si j’en ai envie. Le prophète poursuivant: Hollande n’a pas eu la chance de me rencontrer ! Vous voyez qu’on peut encore, de ci de là, éclater de rire.
Sarah Cattan
[1] Merci Naqdimon Weil
[2] Parti des Indigènes de la République. Il twitte, le 19 octobre 2015 : Les jeunes Palestiniens nous enseignent comment résister.
[3] Parti de la justice et du Développement. Il a qualifié de sionistes les victimes de l’attentat du 6 juin et de fedayin les terroristes, laissant supposer la légitimité de l’attentat, qualifié d’acte de résistance.
[4] L’Equipe.