Pour Wajdi Mouawad, l’exil s’arrête à Paris

La nouvelle est enfin tombée : l’acteur, auteur et metteur en scène libano-québécois Wajdi Mouawad devient directeur du Théâtre national de la Colline, à Paris. visuel-foretsSa nomination a été annoncée, mercredi 6 avril, par François Hollande, sur proposition d’Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Wajdi Mouawad succédera à Stéphane Braunschweig, qui a pris en janvier la direction de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, laissée vacante par le décès de Luc Bondy, en novembre 2015.

Cette nomination intervient après plusieurs semaines de suspense. Sur les candidats à la Colline, qui étaient très nombreux au départ, trois sont finalement restés en lice : Arthur Nauzyciel, directeur du Centre dramatique national d’Orléans, Pascal Rambert, directeur du Théâtre de Gennevilliers, qui tous deux quitteront leur poste fin 2016, et donc Wajdi Mouawad, artiste associé au Grand T, à Nantes. Au ministère de la culture, on fait savoir que le choix de ce dernier est « l’aboutissement des conversations entre François Hollande et Audrey Azoulay ». Il faut sans doute prendre aussi en compte l’influence de Matignon, à travers Nathalie Sultan, la conseillère culture de Manuel Valls, qui a été présidente de la compagnie de Wajdi Mouawad jusqu’à sa prise de fonction auprès du premier ministre.

Débuts au Théâtre à Montréal

Quoi qu’il en soit, la France répare une blessure dans la vie d’un artiste de renommée internationale, en lui accordant un théâtre trente-trois ans après avoir refusé à sa famille les papiers qui lui auraient permis de rester à Paris, où celle-ci s’était exilée, en 1978, à cause de la guerre du Liban. Wajdi Mouawad avait 10 ans quand il a quitté son pays natal, avec son père, un marchand aisé, sa mère, son frère et sa sœur aînés. Il en avait 15 quand il est parti avec les siens au Canada, beaucoup plus accueillant que la France.

C’est à Montréal qu’il commence à faire du théâtre, en créant sa compagnie, Théâtre O Parleur, en 1991. Il écrit et met en scène ses propres textes, qui lui valent bientôt une reconnaissance hors des frontières du Québec. En 1999, il est invité pour la première fois au Festival d’Avignon, où il présente Littoral. Soit l’histoire d’un fils qui veut enterrer le corps de son père dans son village et ne peut pas, parce que les cimetières sont pleins. Alors, le fils entreprend un long voyage, à la recherche d’un havre pour son père.

L’œuvre de Wadji Mouawad, foisonnante, lyrique et épique, est placée sous le sceau de la tragédie

L’exil, la famille, la mort, le déchirement et la quête… ces thèmes se retrouvent dans toute l’œuvre de Wajdi Mouawad, foisonnante, lyrique et épique, placée sous le sceau de la tragédie, portée par une foi inébranlable en la narration, et un insondable désir de rédemption. A Avignon, toujours, où il est artiste associé en 2009, Wajdi Mouawad offre une traversée de la nuit dans la Cour d’honneur du Palais des papes, avec douze heures qui réunissent dans un même élan Littoral, Incendies et Forêts. A ce moment-là, le metteur en scène, toujours entre deux avions, jamais rassasié de parler, encore et encore, de son histoire et de l’espérance qu’il met en le théâtre, amorce peu à peu un retour vers la vieille Europe. Tout en assurant la direction artistique du Théâtre français du Centre national des arts, à Ottawa, de 2007 à 2012, il est associé à l’Espace Malraux de Chambéry, avec sa compagnie française, Au carré de l’hypoténuse, qu’il a créée en 2005, en même temps que sa nouvelle compagnie québécoise, Abé Carré Cé Carré. Depuis quelques années, Wajdi Mouawad vit à Nantes avec sa famille.

Générosité et réconciliation

Il y a une indéniable générosité chez cet artiste, qui peut être inégal dans ses productions, mais ne cesse d’avancer sur les routes de l’art et de la réconciliation – lui, l’enfant chrétien maronite jeté hors de son pays, s’en cherchant un, et le trouvant sur les plateaux du théâtre, dans les livres qu’il écrit, les films qu’il tourne. Wajdi Mouawad était dans le train, de retour de Suisse, quand il a été appelé par le ministère de la culture. Sitôt arrivé à Paris, il a rejoint le Théâtre national de la Colline pour saluer les équipes, à qui il annoncera la primeur de son projet vendredi prochain. Fin mai, il présentera au Théâtre national de Chaillot Le DernierJour de sa vie, qui clôt son cycle de traduction et de mise en scène des sept tragédies de Sophocle.

Source lemonde.fr

 

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3 Comments

  1. La France refusant le statut de réfugiés à des libanais chrétiens maronites ?
    Et pendant ce temps combien de visas distribués pour des algériens islamisés dont les enfants “niquent la France” et tirent à la kalachnikov dans les rue de Paris…

    Et oui, en 2016 cela mérite d’être relevé.

  2. Ce qui mérite surtout d’être relevé c’est que la direction d’un grand théâtre parisien est donnée à Wajdi Mouawad qui est un immense auteur et metteur en scène dont une partie de l’oeuvre traite de points qui sont importants : identité et transmission.
    Il écrit, met en scène, joue, et ce ne sera pas le premier théâtre qu’il administre.
    Son talent mérite cette nomination et bien plus encore, et quelles que soient les influences qui ont participé à la décision, c’est un choix formidable.

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