Sarah Cattan : renverser la table, casser la baraque

On ne peut pas dire la vérité à la télévision, il y a trop de gens qui regardent, disait Coluche. Aujourd’hui où Trump et son équipe ont refusé l’accréditation[1] de CNN pour la cérémonie d’investiture, traitant la chaîne de Fake News, nous assistons à un tournant, et s’il craint, ce tournant, parce que c’est Donald himself qui l’a initié, il n’empêche qu’il serait de bon augure que les nouveaux politiciens l’imitent et commencent à refuser les singeries des média.

 

CNN and C°. Réseaux sociaux. Elles sont omniprésentes, les images de politiques, sportifs, patrons, artistes et autres people vendant leurs idées, leurs films, leur société, faisant chacun à son tour le buzz et s’empressant de venir se justifier à la moindre polémique, persuadés qu’ils sont qu’aujourd’hui, peu importe le reste : il faut être vu, et faire entendre sa voix.

Nous. Face à cette déferlante. Saturés par ces images lissées par leurs communicants et qui viennent si souvent se contredire. Nous. Lassés par leurs éléments de langage que nous avons appris à reconnaître tant ils en ont usé et abusé lors des Matinales et autres rendez-vous devenus incontournables. Nous. Confrontés à une défiance légitime : traquer la vérité devient une obsession. Avez-vous vu à ce propos que Le Grand Prix 2016 du Menteur en politique a été attribué à Robert Ménard, qui détrône Marine le Pen et Nicolas Sarkozy, vainqueurs des précédentes éditions, et vous souvenez-vous que Mensonge avait été désigné mot de l’année[2] 2013 par le grand public à l’occasion du Festival du Mot 2013, dont le jury, présidé par le linguiste Alain Rey, est composé de lexicologues, sociologues et journalistes.

TECHNIQUES DE MANIPULATION

Traquer la vérité, donc. Pour nous assister, des ouvrages. Le Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois reste la référence qui, prétendant nous apprendre comment manipuler autrui, nous enseigne d’abord comment autrui nous manipule et recense pour nous ces moyens détournés que les auteurs qualifient de techniques de manipulation.

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La chercheuse Cécile Alduy, elle, a disséqué à l’aide d’un logiciel 1350 discours de présidentiables, soit près de 3 millions de mots écrits ou prononcés par les grandes figures qui ont façonné le débat politique de 2014 à 2016. Dans ce livre-enquête sémantique, paru le 19 janvier, elle analyse le sens et la réception de la parole des politiques. Derrière l’écume des petites phrases reprises par les journalistes en ces lendemains de débats des Primaires LR et BAP, cette enseignante à Harvard décode et clarifie, par le biais d’une analyse scientifique, la situation de brouillage des lignes où nous nous trouvons, examinant le sens précis que les candidats donnent à des mots fondateurs comme liberté, laïcité, sécurité, peuple, identité par exemple, et remarquant au passage que lors des débats pour la Primaire de la BAP les sept candidats, pris dans un entre-deux, convaincre leur base et s’adresser à tous les Français, ont délaissé le mot égalité : les primaires fonctionnent comme un piège. On l’a observé à droite comme à gauche. Ceux qui essaient d’avoir un profil rassembleur, comme Alain Juppé, échouent.

LA RENCONTRE DE DEUX ARRIÈRES -PENSÉES

Parallèlement, le synergologue Stephen Bunard nous explique, dans un ouvrage[3] illustré de dessins au trait représentant des personnalités publiques, comment leurs gestes disent tout haut ce qu’ils pensent tout bas. Démangeaisons irrépressibles dans la zone du nez, réactions subreptices de la bouche, haussement d’épaules ou de sourcils, hauteur, positionnement et configuration de nos mains dans l’espace, tous ces mouvements majoritairement incontrôlables : le coach en communication nous initie à l’art de cerner la vraie personnalité et les intentions véritables de ceux qui occupent la scène médiatique[4], l’objectif étant de développer notre regard afin que rien ne lui échappe et que nous soyons en mesure de mieux interagir grâce à ce que nous aurions décrypté, alors qu’il devient difficile de cerner la vraie personnalité et les véritables intentions de ceux qui submergent nos écrans et qui parfois dissimulent ou mentent, – DSK, Cahuzac, Tapie – et que nous nous demandons, désormais suspicieux, ce que nous cache celui qui prend la parole, tant nous adhérons à l’assertion de Paul Valéry lorsqu’il écrivait que même un accord est la rencontre de deux arrière-pensées.

ÉLÉMENTS DE BODY-CHECKING

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Le corps étant supposé dire toujours la vérité alors que les mots sont fabriqués, appliquons ces éléments de body checking à nos prétendants à la candidature suprême. Dans l’entrée en campagne de Nicolas Sarkozy par exemple, Stephen Bunard nous aide à comparer le candidat qui s’était mis en action en 2007, totalement tendu vers son objectif de réélection, le Nicolas du succès, avec ses mouvements d’épaule, sa volonté d’être dans le match, ces mouvements de bouche irrépressibles qui traduisaient ses non-dits, un Sarkozy en somme qui ne réprimait pas ce qu’il était, qui était donc lisible et qui fut perçu comme sincère, avec le Sarkozy Président, plus contrôlé, avec son côté j’ai changé qui tentait de réprimer ses mouvements d’épaule parce que ça fait énervé, le Sarkozy qui prenait sa petite voix, et ce troisième Sarkozy qui laissa davantage parler la partie gauche de son corps, celle qui est en œuvre quand je mets plus de moi, explique Stephen Bunard, qui nota plus de mouvements de l’épaule gauche que de l’épaule droite lors des débats de la Primaire. Et l’épaule gauche, nous explique-t-il, c’est quand j’en fais une affaire personnelle : quand Sarkozy disait j’ai hâte de retrouver les Français, il avait eu une micro-démangeaison à gauche en dessous de l’œil, et ça voulait dire j’ai hâte au-delà de ce que vous pouvez croire, je veux vraiment y aller, et quand il confessa être soulagé d’entrer en campagne, on sentait qu’il allait mettre le paquet. Et là, le corps ne trahit pas, il renforce le propos. D’habitude, le président a plutôt une activité du côté droit, et là on voit le candidat qui a un côté gauche plus actif. Au moment où il dit François Hollande, c’est quelqu’un de respectable, il y eut – et les vidéo en attestent – un beau geste de rejet, un revers de la main droite. Nicolas, ses regards en bas à droite seraient le signe qu’il était dans le futur et l’émotionnel, totalement tendu vers son objectif de réélection. Mais qu’un sujet touche à son image, l’ex Président de la République se grattait les ailes du nez, réflexe naturel, le cerveau envoyant une démangeaison censée nous rassurer. Sa bouche en huître ? Régulièrement, Sarkozy rentre ses lèvres dans sa bouche, signe de sa volonté de ne pas perdre la maîtrise du débat : entre deux questions de journalistes, il passe parfois sa langue sur ses lèvres avec délectation, comme s’il se réjouit intérieurement de son petit effet. Enfin, comment zapper son roulement d’épaules : lors des interviews télévisées, le chef de l’Etat haussait régulièrement les épaules en arrière, ce geste témoignant de son caractère combattif et traduisant une volonté de performance ; dans la même logique, il tire parfois sur les deux pans de sa veste : tout cela, dans le jargon synergologue, fait partie des micro-tractions qui montrent qu’il veut entrer dans le match et en découdre.

L’ÉMOTION OU L’AGRESSIVITÉ

En mars dernier lors d’une séance à l’Assemblée, l’opposition, et notamment l’extrême droite, attaquèrent Manuel Valls, alors Premier Ministre, sur sa nervosité et son état anormal, affirmant qu’il avait perdu le contrôle. C’est qu’il avait été pris de forts tremblements à la main gauche, rapidement devenus impressionnants. Notre spécialiste n’a vu dans ces tremblements nulle violence contenue ou dangereuse : La main qui tremble est la main gauche, celle de la spontanéité et de l’émotion. C’est d’ailleurs, sa main droite, celle qui explique et qui argumente, qui tente de contenir les tremblements. Aussi, je pense qu’à ce moment-là, le Premier ministre est plus dans l’émotion que dans l’agressivité.

Il nous explique, vidéo à l’appui, que plusieurs signes avant-coureurs étaient visibles alors que Marion Maréchal-Le Pen parlait, Valls arborant un rictus au coin de la bouche, signe d’agacement et reflet de son côté sanguin. Quelques instants plus tard, Manuel Valls levait les yeux au ciel, mouvement qui traduisait une volonté de reprendre le contrôle de ses émotions, contrairement aux idées reçues qui voudraient n’y voir que détachement ou mépris, et puis au final, le Premier Ministre craqua, sa main gauche fut prise de tremblements, signe que les émotions le submergeaient : il était intimement affecté par les propos de la députée FN, comme le prouva ce temps d’arrêt quand Marion Maréchal-Le Pen évoqua son mépris crétin : à ce moment-là, le Premier ministre ne clignait plus des yeux, n’enregistrait plus les informations, sans doute surpris, voire heurté par ce vocabulaire, et tout s’accéléra encore lorsqu’elle évoqua, concernant Jean-Christophe Cambadélis, une erreur de diplôme : aussitôt les gestes de Valls devinrent élevés, traduisant l’intensité de son agacement, son visage changea de couleur et sa main se mit à trembler. Concernant cet épisode, ses amis le comprirent comme le signe de son engagement professionnel alors que ses détracteurs y virent les prémices d’un burn-out. Valls ? Sa bouche est inversée même quand il sourit : c’est quelque chose qui est figé dans sa morphologie et qui révèle, d’après le synergologue, une personnalité éprise de principes, ferme, voire rigide dans ses convictions. Jusqu’au troisième débat de la Primaire, Bunard les reconnut, ces marqueurs du naturel et de la cohérence qui font la marque Valls, avec ses codes inconscients de séduction, ce resserrement des paupières sur les sujets qui lui sont importants, quelques sorties de langue prouvant combien il se délecte lui aussi et disant sa fierté, une utilisation inhabituelle chez lui de la main gauche qui est la main de la spontanéité, beaucoup d’expressivité avec des sourcils qui se lèvent régulièrement : un Valls expressif contre toute attente, la petite langue qui sort furtivement à gauche reflétant l’obsession Vallsienne du parler vrai très rocardien et les mains en bourse étant comprises comme un item de sincérité, tous les doigts joints marquant la volonté d’association des autres alors que l’index qui bouge est l’indice du Je et marque une espèce d’impatience à l’action derrière le discours.

Ces assertions du synergologue au sujet de Valls, la sémiologue Virginie Spies les confirme et elle ajoute que l’ex PM a lui aussi recours à des codes inconscients de séduction avec les yeux, les paupières, quand il a parlé de dialogue social ou de nouvelle étape du quinquennat, qui sont les points sur lesquels il voulait particulièrement convaincre. Contre toute attente, on a eu un Manuel Valls assez expressif et en mode séduction. Ses index et ses majeurs ont également beaucoup bougé, ce qui a été la signature de son impatience, de son désir d’action, insistant, elle aussi, sur ce Je, utilisé à maintes reprises et traduisant l’idée de quelqu’un qui a pris la main, soulignant qu’il y a désormais un chef, un patron, sous-entendant qu’il n’y en avait pas avant, même si ce n’est pas ce qui a été dit. On notera que parallèlement, l’usage du nous n’a pas été oublié pour autant, référence à l’ensemble de la majorité ou aux Verts. Ce côté mou reproché à François Hollande et à Jean-Marc Ayrault est absent avec Valls, grâce à des formules comme voilà le changement, ça va être une vraie révolution, ce sera fait comme ça. Un aspect communicator is back, un langage corporel qui vient renforcer le discours plutôt que le contredire.

François Hollande était perçu, lui, comme concentré mais plutôt mécanique, ses bras ne bougeant pas, sauf en meeting. Cette attitude figée, signe de concentration, montre aussi qu’il est dans le contrôle perpétuel de son discours, au point de chercher parfois ses mots, son rythme vocal étant d’ailleurs souvent haché. Cette absence de marqueur spécifique trahit un manque de dynamisme, même si en meeting, il a souvent les bras levés en V: ce signe de victoire – souvent vu chez Chirac – et la paume offerte au public, les doigts écartés, signant son désir de rassembler pour gagner, ses mains parlant pour lui. S’il utilise souvent le moulinet de la main droite, geste mitterrandien marqueur de dynamisme et de capacité à aller vers le changement, il garde sa main gauche sous contrôle, signe qu’il maîtrise en permanence ses émotions. Autre posture, plus hollandaise cette fois : ses mains se rejoignent devant lui, comme pour dresser une barrière avec son interlocuteur, l’objectif étant de se mettre sur un pied d’égalité avec son contradicteur.

Le discours de François Fillon ? Filant volontiers la métaphore christique, il est saturé de références à la religion chrétienne et à la virilité. Le candidat LR est en effet le seul à employer un vocabulaire spirituel et religieux, parlant en chrétien et non, comme ses rivaux Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy, des racines chrétiennes de la France, usant d’un style riche en métaphores guerrières et empruntant au champ lexical de la force physique mâle : il faut, selon lui, être à l’offensive pour remuscler l’Europe, engager un bras de fer, percuter, casser la baraque, et abandonner les synthèses molles et autres mesurettes prônées par Juppé ou Hollande. Enfin, avant même que Macron n’intitule son livre Révolution, François Fillon s’était emparé de la mystique de la prise de la Bastille, en faisant une métaphore structurante de son livre Faire, proposant une révolution des esprits et proclamant vouloir faire tomber les Bastilles qui étouffent les énergies françaises. Inattendu : nul autre n’utilise autant que lui le mot liberté. Ne retenant de la devise républicaine que le concept de liberté, mot qu’il utilise deux fois plus qu’Alain Juppé et François Hollande et quatre fois plus que Jean-Luc Mélenchon, Fillon la réduit à la liberté d’entreprendre, à l’absence de régulation étatique, d’impôts, de charges et de normes environnementales, sociales ou sanitaires.

CODES INCONSCIENTS DE LA SÉDUCTION

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Cela ne fera pas plaisir à Arnaud Montebourg mais ils sont de la même famille gestuelle, Marine Le Pen et lui. Entre séduction et domination, elle avance, le profil gauche en avant, alors que lui se distingue par ce regard aux yeux mi-clos, sourcils bas, ce menton à la Popeye et les pouces derrière la boucle de ceinture : tous deux émettent les mêmes codes inconscients de séduction, buste en avant, les deux mains très actives de façon simultanée, la partie gauche du visage davantage présentée, les yeux se plissant involontairement, cherchant constamment à créer un lien avec l’interlocuteur pour capter son attention. Le buste en avant, ce qui montre qu’elle est dans le match, la candidate FN se distingue toutefois de l’ancien Ministre de l’économie par ce mimétisme avec son père qu’elle développe, sans doute inconsciemment, et que les psychanalystes appellent phénomène d’introjection : à côtoyer un individu qu’on admire, et qui plus est dominant, on en adopte ses codes, Marine Le Pen s’étant par exemple calquée sur le rythme de son père, avec ce voile rauque sur la voix. Si elle est celle qui parle le plus souvent des femmes, la Présidente du FN n’est féministe que quand cela l’arrange, et de manière purement déclarative : elle ne brandit l’égalité entre hommes et femmes que dans le seul contexte de la critique de l’immigration, décrite implicitement comme musulmane, rétrograde et misogyne, s’emparant des droits des femmes pour cibler les musulmans et l’immigration alors que son programme ne contient aucune mesure évoquant seulement une égalité hommes-femmes tangible dans quelque domaine que ce soit. Celle qui idéalise la femme française comme libre et égale aux hommes s’exonère de toute proposition concrète, est contre la loi sur la parité et a déclaré vouloir dé rembourser certaines IVG. Dans son discours nourri de violence rhétorique et exacerbant les divisions entre peuple et élite, elle avance, redéfinissant constamment, par glissements sémantiques subreptices, des mots dont nous croyions tous connaître le sens.

LA LÈVRE DE CHIEN

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Chez Jean-Luc Mélenchon, les embardées lyriques, le détail concret, les tirades pathétiques s’entremêlent à des néologismes qui parlent aux gens : les sans-costards, les déchemiseurs. Comme tous les idéologues il fait des gestes élevés, au-dessus des épaules, pas seulement en situation de discours mais aussi sur les plateaux télé, ce qui lui donne une image d’autocrate, parce qu’autoritaire, voire agressif. Sa bouche, l’avez-vous noté, a tendance à remonter légèrement, mais assez régulièrement, sur le côté droit, geste qui indique le mépris d’autrui ou de sujets qui le rebutent. Cet effet est baptisé par les synergologues la lèvre de chien. On retrouve encore chez Jean-Luc Mélenchon des micros expressions de dégoût assez cohérentes avec sa personnalité. Notons que si il est celui qui dit le moins souvent Je, il est, de tous, celui qui parle le plus d’ordre et de force, des mots qui reviennent plus fréquemment dans sa bouche que ceux de liberté, égalité ou fraternité. Oui, le candidat de La France insoumise est celui qui parle le plus d’ordre et de force, des mots qu’il utilise plus fréquemment que liberté, égalité ou fraternité, l’ordre étant, chez lui, une valeur négative désignant le cadre néolibéral imposé par Bruxelles, Merkel et la finance internationale.

ON DIRAIT STEVE JOBS

Celui-là n’a ni la langue, ni les mains dans ses poches : Emmanuel Macron en dit aussi beaucoup au travers de sa gestuelle. Quand il dit qu’il a beaucoup réfléchi, son regard va souvent vers le bas comme s’il allait rassembler des choses vécues, des choses ressenties. On relève chez lui aussi ces codes inconscients de séduction comme le mouvement de ses mains lorsque l’énarque expose ses idées. Les poignets sont élevés, ça s’est des choses que l’on voit chez des gens qui sont dominants. Son grand engagement et son implication seraient également traduits par cette gestuelle. La tête en avant, pour convaincre et amadouer ses interlocuteurs, le politique use encore d’autres signaux comme le maintien du contact physique avec ses interlocuteurs. La gestuelle de Macron peut se comparer à celle de Sarkozy, mais le fondateur du mouvement En Marche a bel et bien une gestuelle qui diffère selon l’endroit où il se trouve : plutôt rond sur le plateau de TF1, il est beaucoup saillant et autoritaire dès qu’il est sur le terrain. Jacky Isabello, co-fondateur de l’agence de conseil en communication Coriolink, dénonce l’absence de charisme de Manu: C’est pas quelqu’un qui va vous embarquer comme peuvent le faire des Seguin, des Raffarin, des Chirac, dit-il. Analysant en direct les discours d’Emmanuel Macron, arrivé très tard, Cécile Alduy est sans appel : C’est nouveau, c’est Hype, on dirait Steve Jobs qui va nous présenter son nouvel iPhone. Pour lui on voit que c’est la démarche compte plus que le contenu des mots. Ce n’est pas forcément du populisme c’est la génération consumer électeur, et il va vous donner le tout nouveau produit politique. Zéro contenu ! C’est typique de Macron, s’exclame-t-elle, c’est un one-man show, il nous vend un produit, on sait pas ce que c’est, il a fait des études de marché et après il offre le produit fini. Il est dans la démarche plus que dans le contenu, et explique que sur le contenu, il reprend à droite ou à gauche des idées assez générales – flexibilité du travail, laïcité de la loi de 1905 – et adopte le mode opératoire de la start-up : on analyse l’offre sur le marché (ici politique), on monte une petite boîte sur un concept disruptif (la candidature apolitique), on fait des focus-group, on teste le produit en mode bêta, on intègre les retours des consommateurs dans la version finale, on peaufine, enfin on livre un produit résolument neuf, qui repose sur un usage et un savant marketing plutôt que sur un contenu précis.

CROOKED, DISASTER

trump gestes de la main

Pendant que j’écris, hier à Washington il a été investi et a renversé la table avec un discours agressif, mais un discours binaire opposant noir et blanc, bad and good, zéro et génial, best and terrible. Certains l’appellent déjà le Patrick Buisson version US. Crooked pour qualifier sa rivale, disaster pour résumer l’Obamacare, ses adversaires, la presse ou Meryl Streep, l’homme aux 34 000 tweets truffés d’hyperboles attire les foules et son langage corporel expressif constitua l’une de ses armes pour gagner : alors que Bill Clinton et Barack Obama descendaient souvent de la tribune pour aller à la rencontre du public, Donald Trump resta au pupitre, livrant son point de vue en ne bougeant que le haut de son corps, ce qui donna une impression de puissance et de contrôle. Très régulièrement, il place son index contre son pouce pour former une pince et signifier OK, geste marqueur de contrôle d’après les experts. Il pointe du doigt, rappelant qu’en tant que patron, il a le pouvoir de virer les gens.

La synergologie, étude de la communication non verbale et du langage corporel, fondée en 1996 par Philippe Turchet, est une discipline nouvelle qui, alliée à l’analyse du discours, nous permet de décrypter les structures profondes des discours de nos présidentiables et d’interroger, derrière l’écume des petites phrases, la structure profonde de la vision du monde des politiques. Que nous ont-ils donc dit ? Qui est de gauche et de droite à l’heure des concepts politiques élastiques ? Les populismes des deux bords se ressemblent-ils vraiment ?

Sarah Cattan

[1] En Allemagne, l’AfD ou Alternative für Deutschland avait déjà interdit aux rédactions des média officiels d’assister aux conférences.

[2] Mot de l’année 2016 : réfugié. Mot de l’année 2015 : l’émoticône qui rit aux larmes. Mot de l’année 2014 : transition. Mot de l’année 2011 : Dégage.

[3] Leur corps dit tout haut ce qu’ils pensent tout bas,

[4] La théorie s’applique à nos interlocuteurs les plus divers.

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