Sarah Cattan : “Nos ennemis font de graves menaces”

Sarona, Orlando, Magnanville… et la suite ?

Mea culpa : lue jadis avec un fervent respect, j’avais fini par la trouver trop pessimiste, cette conscience vivante de la Shoah. Ce visage à malheurs. Ce mur des lamentations. Pas glamour.

Mea maxima culpa. Je relirai La Nuit, comme je relis aujourd’hui ce texte qu’Elie Wiesel publia en 2013 : Nos ennemis font de graves menaces. Il est temps de les prendre au sérieux, tel était le titre de sa lettre parue les 18 et 19 décembre 2013 dans le New York Times et le Wall Street Journal sous forme d’encart publicitaire d’une page, forme de mise en garde contre un Iran nucléaire. Il y écrivait : S’’il y a une leçon que j’espère que le monde a apprise du passé, c’est que l’on ne doit jamais faire confiance aux régimes ancrés dans la brutalité et demandait à quel titre les nations civilisées devraient faire confiance au à un régime dont le chef suprême répétait qu’Israël était voué à l’anéantissement et traitait les juifs sionistes de chiens enragés. Il demandait encore, ce Lanceur d’alertes, comment il était possible de faire confiance à un régime qui au 21ème siècle lapidait les femmes et pendait les homosexuels, et concluait ainsi : J’ai écrit un jour que l’histoire nous a appris à croire les menaces de nos ennemis plus que les promesses de nos amis. Nos ennemis font de graves menaces. Il est temps de les prendre au sérieux.

Trois ans plus tard. Le 22 janvier 2016, l’écrivain algérien Karim Akouche, chroniqueur au Huffington Post Québec, mettait en ligne une Lettre ouverte à un soldat d’Allah dans laquelle il enjoignait le récipiendaire d’acheter un billet et de changer de pays, l’Occident n’étant décidément pas fait pour lui : ses valeurs t’agressent. Tu ne supportes pas la mixité. Ici, les filles sont libres. Elles ne cachent pas leurs cheveux. Elles portent des jupes. Elles se maquillent dans le métro. Elles courent dans les parcs. Elles boivent du whisky. Ici, on ne coupe pas la main au voleur. On ne lapide pas les femmes adultères. La polygamie est interdite. C’est la justice qui le dit. C’est la démocratie qui le fait. Ce sont les citoyens qui votent les lois. L’État est un navire que pilote le peuple. Ce n’est pas Allah qui en tient le gouvernail.

Karim Akouche y décrivait ce soldat d’Allah comme celui qui prie beaucoup, tape trop sa tête contre le tapis, fréquente trop la mosquée, lit des livres dangereux et regarde des vidéos suspectes : On t’a lessivé le cerveau. Tes bras sont prêts à frapper, et l’invitait, lui qui habitait trop dans le passé, à sortir et affronter le présent. Après l’avoir identifié : Je sais qui tu es, et décidait de lui dire son fait : Tu n’as rien inventé. Tu n’as rien édifié. Tu n’as rien apporté à la civilisation du monde. On t’a tout donné : lumière, papier, pantalon, avion, auto, ordinateur… C’est pour ça que tu es vexé. La rancœur te ronge les tripes, Karim Akouche expliquait à ce soldat en retard de plusieurs révolutions que la civilisation était une œuvre collective: Tu ne cesses d’évoquer l’âge d’or de l’islam. Tu parles du chiffre zéro que tes ancêtres auraient inventé. Tu parles des philosophes grecs qu’ils auraient traduits. Tu parles de l’astronomie et des maths qu’ils auraient révolutionnées. Tant de mythes fondés sur l’approximation. Arrête de berner le monde. Les mille et une nuits est une œuvre persane. Il lui demandait non sans ironie de revoir ses sources : la terre est ronde comme une toupie, même s’il y a un hadith où il est écrit qu’elle est plate. Ah si notre soldat d’Allah avait lu l’histoire de Galilée au lieu de lui préférer El-Qaradawi et si seulement au lieu d’écouter Tarik Ramadan il avait essayé Dostoïevski, Shakespeare ou Nietzche. Il dénonçait Allah : Ses enfants sont fous. Ils commettent des carnages en son nom. On veut l’interroger. Il doit apaiser ses textes.

ET PUIS ARRÊTE DE M’APPELER FRÈRE

Pour illustrer le concept de Démocratie, il lui décrivait un Occident jubilatoire, où la religion d’État était la liberté, où on pouvait dire ce qu’on pensait et rire du sacré comme du sacrilège, mais où on devait laisser sa divinité sur le seuil de sa demeure. Il dénonçait encore l’état auquel le Soldat d’Allah avait fait allégeance, cet état où les chrétiens et les juifs devaient raser les cloisons, cet état qui massacrait les apostats, ce peuple qui avait explosé d’une joie malsaine lorsqu’on massacra des journalistes et qui alla jusqu’à prénommer ses nouveaux-nés Kouachi. In fine, en toute logique, une injonction : Et puis, arrête de m’appeler « frère ». On n’a ni la même mère, ni les mêmes repères. Tu as pris un chemin tordu. Je ne te fais plus confiance. Tu respires le chaos. Tu es un enfant de la vengeance. Tu es un monstre. Aujourd’hui tu es intégriste, demain tu seras terroriste. Tu iras grossir les rangs de l’État Islamique. Un jour, tu tueras des innocents. Un autre, tu seras un martyr. Puis tu seras en enfer. Les vierges ne viendront pas à ton chevet. Tu seras bouffé par les vers. Tu seras dévoré par les flammes. Tu seras noyé dans la rivière de vin qu’on t’a promise. Tu seras honte. Tu seras chien. Tu seras rien. Tu seras misère.

Trois ans plus tard, ce texte me revient à l’esprit. Vous me direz qu’il ne résout rien, qu’il est un texte isolé, vous ajouterez qu’ils ne sont pas assez nombreux ceux qui exigent une relecture de l’Islam, que lorsqu’enfin ils parlent, trop souvent ils restent ambigus. Pourtant ces voix existent : Waleed Al Husseini Maajid Nawaz Kamel Daoud Boualem Sansal Karim Kouachi Fawzia Zouari Myriam Mariam Henda et les autres, levez la voix, on ne vous entend pas.

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Myriam qui écrivait au lendemain d’Orlando : Un peuple malade. Voilà ce qu’est la Oumma[1]. Qui nous prévenait que si le premier vendredi du ramadan s’était déroulé sans heurts caractérisés à la surface du globe, il n’y avait eu tout compte fait que 48 heures à attendre pour assister au plus important massacre armé de civils de l’histoire des États-Unis, ces civils coupables d’être gays. Et qui nous faisait remarquer qu’une fois encore, le père d’Omar Mateen avait déclaré que cet acte n’avait rien à voir avec la religion. Religion d’amour. Comme nous savons tous.

La même Myriam qui ajoutait qu’au lendemain d’Orlando, elle voulait savoir combien de musulmans condamneraient leur prophète, ce prophète qui, par ses divers commandements, encourageait et même bénissait de tels actes.

Et Maryam qui ajoutait: On en a marre de votre compréhension rétrograde de la réalité religieuse. On en a marre de votre racisme, de votre antisémitisme et de votre homophobie. On en a marre de votre haine de la Différence. On en a marre d’essayer de vous aider à sortir de votre décadence. On en a marre d’espérer vous voir enfin entrer dans l’ère de l’Humanisme. Un jour, vous serez la communauté la plus détestée de la planète et vous ne l’aurez pas volé.

Ou encore Fawzia Zouari, écrivaine et journaliste tunisienne, qui publiait dans Jeune Afrique[2] ce plaidoyer titré Il y a des jours où je regrette d’être née arabe où elle les évoquait, ces jours, ceux où elle se réveillait devant le spectacle de gueules hirsutes prêtes à massacrer au nom d’Allah et s’endormait avec le bruit des explosions diffusées sur fond de versets coraniques, ceux où après avoir vu sur son écran télé les cadavres joncher les rues de Bagdad ou de Beyrouth par la faute des kamikazes, elle voyait ensuite des petites filles, les unes courir protéger de leur corps leur mère qu’on lapide, et les autres revêtir la robe de mariée à l’âge de 9 ans. Ces jours encore où des mamans chrétiennes lui confièrent en sanglotant que leur progéniture convertie à l’islam refusait de les toucher sous prétexte qu’elles étaient impures, ceux où elle voyait les Bill Gates et les François Pinault dépenser leur argent pour les petits Africains et pour les artistes de leur continent tandis que les cheikhs du Golfe dilapidaient leur fortune dans les casinos et les maisons de charme et qu’il ne venait pas à l’idée des nababs du Maghreb de penser au chômeur qui crève la faim, au poète qui vit en clandestin, à l’artiste qui n’a pas de quoi s’acheter un pinceau, elle y listait encore ces gourdes qui se voilent et se courbent au lieu de flairer le piège, comme si c’était une manière de grandir l’islam que de le présenter dans ses atours les plus rétrogrades, ces jours, enfin, où elle chercha le salut et ne le trouva nulle part, même pas auprès d’une élite intellectuelle arabe qui sévit sur les antennes et ignore le terrain, cette élite qui fait du bruit et qui ne sert à rien .

” CHEZ NOUS C’EST COMME ÇA “

Tant il est vrai que chez les musulmans traditionalistes, l’ambiguïté est souvent patente si vous discutez d’antisémitisme, d’égalité entre la femme et l’homme ou encore d’homophobie : un chez nous c’est comme ça met la plupart du temps un terme à toutes les discussions, votre interlocuteur bégayant encore que ça n’est pas l’islam et qu’il ne faut pas faire d’amalgames, sans jamais interroger ces pratiques et cette foi qui rendent possible une telle barbarie, comme sut le faire Yann Boissière, rabbin au MJLF, en dénonçant vendredi[3] ces obscurantistes qui prônent l’interprétation littérale des textes, dont celle du fameux verset Lev. 18, 22: Tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination, en nous rappelant que le littéralisme est ce qu’il y a de plus éloigné de l’interprétation juive des textes et que le c’est marqué dans la Bible constitue la pire compréhension de la Révélation : Il nous faut prendre nos responsabilités face au texte conclut-il.

Aujourd’hui. La menace est à son comble et alors que Jürgen Todenhöfer, ce journaliste allemand qui passa du temps au sein de l’organisation terroriste non sans avoir préalablement rédigé son testament, écrivait dans le Daily Mail du 30 septembre 2015 que l’Occident ne mesurait pas la gravité de la situation et que l’Etat islamique projetait un holocauste nucléaire, afin d’éradiquer tous les non-croyants, ajoutant qu’il ne voyait personne capable de les arrêter si ce n’est les Arabes, le juge Trévidic, ancien patron du Pôle judiciaire antiterroriste, affirme dans un entretien donné cette semaine à Paris Match que le pire est devant nous, Daech préparant des massacres de masse en France: ils sont en train de penser à quelque chose de bien plus large, visant en tout premier lieu l’Hexagone.

Aujourd’hui Obama réussit le tour de force , dans sa conférence de presse, de ne jamais citer les mots terrorisme, Islam et Islamisme radical, alors même que le terroriste d’Orlando a prêté allégeance à Baghdadi juste avant de passer à l’acte. Obama pris en étau, à l’image de nos dirigeants, prétendant protéger leur peuple de la barbarie islamique tout en s’enfonçant dans les accommodements raisonnables que l’on sait et qui les empêchent de dénoncer les racines religieuses et idéologiques de ces passages à l’acte criminel.

Aujourd’hui, le monde libre, visé par la terreur, doit se défaire des contraintes juridiques et politiques qui l’engluent, doter de moyens inédits le Renseignement, collaborer étroitement avec l’expert en terrorisme qu’est Israël. Israël qui va diriger la lutte mondiale juridique contre le terrorisme et qui nous dit, par la voix de Danny Danon, son ambassadeur aux Nations unies: Nous sommes heureux d’avoir l’occasion de partager nos connaissances avec les pays du monde. Israël qui ne tremble pas devant le monstre enfanté par l’islamisme, sans doute une question d’habitude et donc de juste adaptation. L’Etat Hébreu qui, au lieu de le nier, de l’excuser, ou pire de vouloir le comprendre, a nommé le triple objectif du terrorisme de la haine : la destruction, la propagande, et la rupture de la continuité démocratique.

Aujourd’hui où, concernant la seule France, l’arsenal juridique permet de sanctionner les djihadistes français : l’Article 411-4 du Code pénal stipule que le fait d’entretenir des intelligences avec une puissance étrangère, avec une entreprise ou organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents, en vue de susciter des hostilités ou des actes d’agression contre la France, est puni de trente ans de détention criminelle et de 450.000 € d’amende : appliquons-le.

Car nous sommes au jour du grand test. Celui dont parle Raphaël Glucksman lorsqu’il se souvient des mots d’un ami algérien: le jour où vous ne saurez plus si votre voisin dans le métro ou le bus est là pour vous faire sauter, on verra votre degré d’attachement aux droits de l’homme, à l’état de droit, à l’antiracisme. Ce jour du grand test est arrivé. Ce jour où les mots de Locke résonnent à nos oreilles et où nous avons compris avec lui que la tolérance ne s’exerçait qu’entre adeptes de la tolérance.

ALLEZ SUR UNE PETITE ÎLE, IL Y EN A PARTOUT DANS LE MONDE

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Magnanville succéda à Orlando et ils étaient nombreux lundi nos experts qui ne savaient que dire. Allez faire votre loi dans votre état islamique, si vous le voulez tant que ça allez y et restez entre vous ! Allez sur une petite île il y en a partout dans le monde et il y a assez de place pour que vous puissiez y vivre entre vous comme des sauvages et des arriérés entendit-on, Qu’ils meurent seuls si la vie leur est à ce point odieuse. Qu’ils ne tuent pas ce que nous avons mis tant de siècles à bâtir, à l’image de Dany Cohn Bendit qui hurla sur Europe 1: Allez autre part ! Sur la lune !

Il y eut aussi ceux que nous n’entendîmes pas : Plenel, Besancenot, Hamon ou Autain, ils restèrent silencieux, oublieux des mots d’Einstein qui nous avait appris que le monde ne serait pas détruit par ceux qui faisaient le mal mais par ceux qui les regardaient sans rien faire.

Magnanville succéda à Orlando qui avait succédé à tant d’autres et une fois encore, Nietzche avait été convoqué : ceux qui dansaient furent considérés comme fous par ceux qui n’entendaient pas la musique et une fois encore on vérifia la vérité de la haine telle que Michel Foucault nous avait appris à la reconnaître en nous expliquant qu’une telle violence était déclenchée par l’inscription d’une joie quotidienne, d’une alliance ordinaire et que l’islamiste était bien révulsé par des personnes qui s’aiment, s’embrassent ou dansent.

Bien sûr que tout cela avait à voir avec l’islam comme le terreau a toujours quelque chose à voir avec la plante qui y prospère.

Sarah Cattan

[1] L’oummat, synonyme de ummat islamiyya, la Nation Islamique : depuis le début du xxe siècle, ce terme a été repris par les différents nationalismes du monde arabe pour désigner la nation.

[2] 2 mai 2014

[3] Le Huffington Post

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5 Comments

  1. Bravo et Merci madame Cattan pour cette saine et belle -non colère, mais insurrection de la raison. Il dépend de nous tous, lecteurs, de la porter autour de nous, aussi loin et aussi longtemps que possible. Encore Bravo et encore Merci !

  2. L’Islam est une religion de tolérance et les musulmans exécuteurs de sentences de D.ieu, non encore prononcées.
    Ils préjugent sur terre de Son jugement au ciel, prétentieux et prétendant détenir sa sagesse.
    J’ai dit les musulmans? Non! Les islamistes!
    Faut-il que je sois mécréant à ce point pour faire ces amalgames! Je mérite déjà d’être occis.

  3. “Car nous sommes au jour du grand test. Celui dont parle Raphaël Glucksman lorsqu’il se souvient des mots d’un ami algérien: le jour où vous ne saurez plus si votre voisin dans le métro ou le bus est là pour vous faire sauter, on verra votre degré d’attachement aux droits de l’homme, à l’état de droit, à l’antiracisme. Ce jour du grand test est arrivé.”
    ___________

    Un test que les israéliens ont relevé haut la main depuis vingt ans, soit dit en passant. C’en est même stupéfiant quand on pense aux centaines d’attentats meurtriers qu’ils ont subi.
    Mais les européens ne sont pas les israéliens et les musulmans devraient grandement se méfier car l’histoire de l’Europe est en réalité une histoire violente, très violente…

  4. Voilà une chronique foisonnante d’informations, à faire lire, à publier largement afin d’ouvrir les yeux de nos médias qui ne s’ouvrent pas ou insuffisamment sur ces gens , ces femmes qui ont en marre d’être enfermées dans le carcan de cette religion, et cela est vrai de toutes les religions..mais celle dont parlent ces femmes apostats, livrées à la barbarie mortifère qui n’a pas d’autre projet que celui de détruire…Bravo Madame de nous avoir transmis ces informations, et que nous nous devons de faire connaître à tous ceux que nous côtoyons que nous aimons .

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