Isabelle Barbéris: «Eschyle censuré, ou quand la moralisation de l’art tourne au grotesque»

Agrégée de Lettres modernes, ancienne élève de l’École normale supérieure de Fontenay Saint-Cloud, Isabelle Barbéris est Maître de conférences en arts du spectacle à l’université Paris Diderot et chercheuse associée au CNRS. Elle est l’auteur aux PUF de L’art du politiquement correct.

Acteurs grecs tenant des masques, fragment d’une peinture par un peintre de Pronomos, vers 410 avJC. © Granger NYC/Rue des Archives

À la Sorbonne, une représentation des «Suppliantes» d’Eschyle a été empêchée par des militants indigénistes, qui protestaient contre le maquillage et les masques portés par des comédiens blancs. Qu’en pensez-vous ?

Isabelle BARBÉRIS.- C’est non seulement un énorme contresens sur l’œuvre en question, signe d’une inculture galopante, mais c’est surtout une forme de racisme! Présupposer que, parce qu’ils sont blancs, des acteurs grimés en noir le font nécessairement pour moquer les personnes de couleur ou pour les inférioriser, c’est une manière d’essentialiser la question raciale. Cela n’a donc rien d’antiraciste, et c’est même assez ridicule. Il s’était déjà passé quelque chose de similaire cet été, lorsque Robert Lepage et Ariane Mnouchkine ont failli annuler «Kanata»: des voix, relayées en France de manière virulente par les artistes décoloniaux, avaient dénoncé l’absence d’autochtones dans la distribution de ce spectacle sur l’histoire du Canada. L’intimidation a marché, puisque le Conseil des arts du Canada a décidé de ne plus financer la pièce, ce qui a porté un coup terrible au projet. Cela alors même que les metteurs en scène ont rencontré leurs détracteurs, et ont levé le doute sur leurs intentions, qui étaient tout sauf racistes. Le scénario est toujours le même: des procès d’intention qui évacuent complètement le propos et surtout la forme de l’œuvre – bref le sujet même de l’art – au profit d’obsessions sur l’appartenance ethnique de l’auteur ou de l’interprète: ce fut le cas pour Exhibit B , parmi d’autres exemples, très nombreux. Le système d’accusation est pervers – destiné à rendre fou – car il ne laisse aucune issue: si l’acteur blanc se grime, il se rend coupable de «blackface»… S’il ne se grime pas, on le clouera au pilori pour «colorblindness» ou «whitewashing». Le fait que tous ces mots soient importés participe bien entendu à l’intimidation et à la cacophonie.

Source et article complet : Le Figaro.fr

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6 Comments

  1. Blackfaces ? Au delà du jeu de mot, le blackfacisme à l’ordre du jour ! Pas par les gens directement concernés ; par les nouveaux collabos déjà penchés sur leurs lettres aux cammandanturs auxquelles ils aspirent, et qu’ils inspirent, dans leur frustrations de commissaires du peuple refoulés…

  2. Cette censure est stupide! En grec le mot « persona » signifie masque! Lorsque les Romains ont récupéré le théâtre grec ils ont supprimé les masques, de la même façon qu’ils ont coupé la scène circulaire en deux pour des raisons politiques. Le cercle évoquait le chœur qui représente le peuple s’adressant et dansant à Dieu. Les Romains ont imposé des acteurs qui jouaient à visage nu! Et ils les ont appelé « dramatis personnae » soit « personnage » Ainsi le mot « personnage » est passé dans toute la culture occidentale en réminiscence des masques grecques. Pourquoi les acteurs grecs étaient ils masqués ? Parce que les masques étaitent des figures symboliques! Des archétypes humains entre les hommes et les Dieux. Ils étaient des voix personnelles et collectives. Les romains ont joué à visage découvert comme de nos jours Pour que le visage soit soumis à l’Empire et non à Dieu! Le cinéma et la télévision on accentué les expressions du visage nu. Et dans une société matérialiste ou le visage doit montrer son idéologie les êtres réagissent au premier degré Au nom de dite démocratie ils veullent voir le visage En fait c’est une intimidation pour imposer une parole unique! code unique. Ils ne comprennent pas et refusent la force du masque qui est un pont entre l’humain et le spirituel. Vous êtes victime d’une fascisation de la culture et d’un matérialisme vulgaire au premier degré.
    À la synagogue quand les Juifs prient ils sont comme les acteurs grecs ils s’adressent à Dieu et parfois ils cachent leur visage dans le talith parce que la présence du Suprême est supérieure à l’humain C’est ce que vos détracteurs refusentSerge Ouaknine Ph.D.metteur en scène Professeur de théâtre Écrivain

  3. Il faudrait dissoudre le CRAN, organisation raciste et identitaire. Quand on commence à s’attaquer à l’art c’est qu’on a déjà basculé dans le fascisme complet.

    • La LICRA condamne l’appel au boycott du CRAN, mais elle n’est même pas capable de dire que c’est une association raciste, donc de nommer les choses par leur nom. Et ces journalistes qui invitent le président du CRAN sur les plateaux TV…aucun sens de l’éthique.

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