Bilal. Mahmood. BDS et toujouuuurs Israël. Par Sarah Cattan

Avec sa chanson Roi, sur le thème de l’acceptation de soi, Bilal Hassani tira le ticket gagnant : Il représenterait la France au concours de l’Eurovision le 18 mai.

Ç’aurait pu être un non-événement.

Ç’aurait dû être un non-événement.

L’élection de Miss Monde. L’Eurovision de la chanson. Calembredaine et billevesée : Tout le monde s’en balance.

Croyais-je.

Mais non ! La chose se passe en Israël. La faute à une donzelle qui l’emporta l’an passé. Une Netta Qui remporta le concours. Lequel à présent, outre qu’il devra se passer, Ô misère, dans l’Etat hébreu, nous amène de surcroît, en guise de Marie-Myriam, un p’ti gars dont le prénom doit rendre fou notre Zemmour.

Etonnez-vous, ensuite, que tous s’en mêlassent. Et moi aussi.

Moi Qui devrai dans l’heure écouter… le titre[1]. Puisque c’est de chanson qu’a priori il s’agit. Mais de mélodie, tous semblent s’en balancer. Tant la gravité de la chose semble être ailleurs…

Décor.

Bilal Hassani n’aura laissé personne indifférent : le jeune homme fut disputé et chacun s’en empara, tel un trophée, avant même qu’il gagnât. Il devint l’égérie d’organisations de libération Queers et Trans de plus de 20 pays d’Europe mais encore d’ailleurs, amenant dans la foulée toutes les communautés LGBTQIA du monde à se positionner…

L’enjeu de la bataille ?

L’enjeu premier – cela ne peut vous avoir échappé- fut que Bilal se retrouvait désigné-condamné à se produire en… Israël, Etat que tout partisan des droits humains des Palestiniens se doit, de facto, de boycotter.

Et un appel au boycott de plus. One more me direz-vous. Ecoutez donc les signataires. Ils vous expliquent, Ô naïfs enfants qui vous êtes, qu’Israël utilise honteusement l’Eurovision afin de … détourner l’attention du monde de ses crimes de guerre contre les Palestiniens, faisant que pendant que le représentant de la France entonnera son couplet, l’Etat hébreu, fidèle à sa réputation de fourberie matinée de perversité, poursuivra sa stratégie de… pinkwashing.

Pinkwashing

Quoi C’est Quoi ? Pinkwashing !

Faut suivre un peu. Réfléchir. Remonter au Greenwashing.

Je sais. Je vous ai moi-même, mea maxima culpa, jadis embrouillé l’esprit en vous contant le gay friendly Tel Aviv.

Mais Jean Stern, Lui, le graaaand journaliste qui participa à la fondation de Gai pied tout en écrivant pour… Libé… , a enquêté, Lui, sur la politique du pinkwahing, Entendez cette stratégie qui coûta des millions d’euros à l’Etat hébreu dans le seul but de changer son image, de masquer son homophobie, d’utiliser cyniquement la cause homosexuelle pour détourner le regard du monde de l’Occupation, la Colonisation et l’Apartheid, vous faire oublier la Grande Marche du Retour et le Génocide qui en découla, bref Tous les Crimes que vous savez tous. Tout ça sous l’impulsion, en 2008, de Tzipi Livni, laquelle, la maligne, aurait carrément fait appel au cabinet de marketing Out Now pour changer l’image désastreuse du pays. Et voilà. Zavez qu’à lire… Mirage gay à Tel Aviv[2].

Albert Cohen l’écrivit si bien : C’est la faute aux Juifs. De la météo aux hémorroïdes en passant par les Cours de la Bourse[3]. Ainsi, ce soir du 12 mai 2018 où Netta Barzilai l’israélienne emporta, grâce à un vote forcément truqué, la victoire à l’Eurovision fut, me dit-on, le soir même de la manifestation la plus meurtrière à Gaza, lors de laquelle les forces israéliennes massacrèrent 62 Palestiniens pacifiques et de seuls cerfs-volants munis.

Il résulte de tout cela qu’il sied de boycotter le Concours, mais encore la Gay Pride de Tel Aviv, sponsorisés qu’ils sont tous les 2 par l’Etat terroriste, car, niais que vous êtes autant que moi, vous ne vîtes pas que la dite Gay Pride fut l’occasion de faire la promo de l’Eurovision, par le biais de tout un mois de … pinkwashing.  

Vous ne saviez pas. Moi non plus. Fallait suivre. Lire l’Appel. Cautionné par des signataires que la probité caractérise. Ces Collectifs qui, de Al-Qaws pour la diversité sexuelle et de genre dans la société palestinienne à Pinkwatching Israël en passant par Aswat[4], Act Up, Jewish Voice for Peace et autres Panteras Rosas, s’unirent, ces humanistes, sous la banderole #BoycottEurovision2019enIsraël. Du cofondateur des Pink Floyd à Peter Gabriel en passant par Vivienne Westwood[5]. Menés par la directrice d’alQaws, Haneen Maikey, redisant au nom des Queers palestinien·nes –sic- le refus des communautés LGBTQIA que le mouvement de libération queer et trans fût utilisé par le régime d’oppression israélien comme écran de fumée progressiste pour dissimuler l’oppression brutale des Palestiniens, et ajoutant que leurs droits étaient indissociables des droits de toutes les communautés opprimées bla bla bla…

La récupération par le gouvernement israélien des droits queers comme outil de propagande pour cacher ses crimes contre les Palestiniens, son régime d’apartheid et ses décennies de colonisation et d’occupation de la Palestine.

Et Netta Barzilai eut beau rappeler que le concours avait été créé pour promouvoir l’unité dans une Europe dévastée par la Seconde Guerre mondiale,

Et la BBC eut beau rejeter cet appel,

La Haine, trop heureuse de cette occasion bénie de cracher une fois encore sur l’Etat hébreu, poursuivit son chemin, des manifestants anti-israéliens interrompant en France la deuxième demi-finale de Destination Eurovision sur France 2 et un groupe islandais menaçant, avant même qu’il fût sélectionné, d’utiliser la scène pour protester contre la politique israélienne à l’égard des Palestiniens.

Et tout ça, c’était alors même que notre Bilal n’avait point été reconnu comme ce que nous avions de mieux en boutique, Catégorie Variétés.

Une victoire.

La nomination du garçon fut fêtée comme une victoire sur les discriminations sexuelles et raciales et les officines racistes ne manquèrent évidemment pas d’y voir un complot mené par les agents médiatiques du Système.

Il arriva que le gamin, encensé et honni de concert à cause ou malgré sa carte LGBT, eut à peine le temps de se réjouir… que des tweets exhumés vinrent ternir son image : What ! Queer ! Mais encore Pro palestinien ! Et Soutien de l’inventeur de la Quenelle !

C’en était trop. Et lorsque surgit La vidéo où le chérubin dansait en chantant : La France a vraiment souffert, attentat par-ci, attentat par-là, Des gens trèèès importants s’en mêlèrent, interpellant le Président et son Ministre de l’Intérieur et les sommant d’écarter d’urgence l’apprenti terroriste.

Problématique

Le cas Bilal Hassani divisa paraît-il le pays. D’aucuns s’en donnèrent à cœur joie pour mettre à terre celui qu’ils qualifièrent de Poupée Barbie incarnant le mal dominant. De Causeur à ce cher Libé en passant par France Info et RFI, jusqu’à des sommités du Palais. Puisque même Mounir Mahjoubi et Marlène Schiappa s’en mêlèrent, rejoignant dans un questionnement philosophique Miss France mais encore Dieudonné. Benoit Hamon. Et le désormais Maître es Débats Cyril Hanouna. J’entendis même parler d’un vote, de procès pour cyber harcèlement mais encore d’un Groupe spontanément puisque les Bilal Protectors entrèrent en lice, pendant que sur le Net étaient convoqués tous ceux que ce type de problématique fait exulter et qu’on put lire sur la Toile perles et insanités coutumières.

Parole à la Défense

Pendant ce temps, on oublia de conseiller notre nouveau Rimbaud qui se retrouva, pour sa défense, un zeste démuni. C’était pas Lui. C’était les zautres, qu’il disait. Implorant qu’on le lâchât. Le laissât tranquille. Qu’on le laissât vivre. Il était un être humain et pas un punching-ball. Et qu’en 2014, Tel L’agneau de la fable, Lui était à peine né. Que son compte Twitter, il le partageait alors avec des inconnus. Qu’à l’époque, il était bête et naïf. Sic. Qu’il n’avait jamais dit un mot Un seul pour dénigrer Israël. Que L’humoriste, il savait même pas de Qui on causait. Que sa came à lui, à l’époque, c’étaient Beyoncé et Lady Gaga. Et que tout ça, tout ce procès qu’on lui faisait, c’était rien que du racisme doublé d’homophobie. J’avais 14 ans. Les attentats du 13 novembre et de Charlie Hebdo m’ont brisé le cœur, qu’il répétait en boucles. Arrivant in fine à nous faire accroire à tous qu’un petit séjour en Israël suffirait en guise de leçon.

Car enfin. L’apprenti-poète avait-il à voir avec L’Autre et son Double. Entendez l’Ex coqueluche de Pascale Clark. Des Inrocks et Mediapart. Dont les espoirs se fracassèrent lorsque le pays apprit que lui et Marcelin Deschamps n’étaient qu’Un et refusa d’excuser le Moi Virtuel qui cracha tout à la fois sur Charb Charlie Hebdo et Les Juifs.

Car enfin. Les misérables tweets du gamin n’étaient peut-être que de la roupie de sansonnet…

On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans N’est-il pas.

L’Express Style n’en avait-il pas fait des caisses[6] sur sa personnalité flamboyante, ses perruques auxquelles il donnait de petits noms, son maquillage, son look lorgnant du côté de Kim Kardashian et ses messages positifs car le jeune homme d’origine marocaine plaidait à sa façon pour l’acceptation de soi et repousse les codes classiques de la masculinité, en empruntant au vestiaire féminin, tout en s’affirmant comme un homme.

Et que C’était Bilal Hassani. Egérie queer. Briseur de codes. Un avatar de Chouchou, le travesti hilarant de Gad Elmaleh. Un enfant du siècle, incarnation du queer pour les nuls, vidéaste et influenceur[7] 

Ils montèrent tous au créneau. Philippe Reigné[8] dans Libé[9] attribuant ce déferlement de haine à l’hostilité de mise envers les personnes genderless. S’érigeant en défenseur du chanteur pris au piège, pris au piège du sens des mots, le voilà qui s’attendrit devant les jolies perruques, le doux visage androgyne et les adorables mimiques du garçon issu de la mouvance queer. 

Jusqu’à Causeur qui s’en mêla. Dans un papier où la spirituelle Sophie Bachat s’adressa à L’Idole du Monde, affirmant que si elle préfèrerait toujours un arabe à perruque (tel que Lui Bilal se définissait) à un islamiste en qami et qu’elle se battrait jusqu’à la mort pour qu’il pût exister, Elle voyait toutefois là une marionnette au service de l’idéologie LGBT : Bilal, Conclut-elle, tu n’as pas encore la classe des travelos à l’ancienne, à l’image de Marie-France ou de Coccinelle, ni la dimension tragique du travesti, dépeint par Aznavour, dans sa chanson « Comme ils disent ». Tu essaies pour l’instant d’exister, finissait-elle, piégé entre la doxa et le militantisme LGBT et la haine des islamistes et de quelques vrais réacs.

J’en sais encore qui s’offusquèrent que la timbale ce soir-là n’eût point été offerte au plus méritant[10], à tout le moins à un chanteur, et que le public eût élu un très jeune représentant de la cause gay, au visage déjà trafiqué , perruqué, maquillé. Un modèle de transgression. Le faisant porte étendard exhibitionniste bla bla bla. Pantin qui discréditerait le vrai combat contre l’homophobie en catapultant une image défigurée sur le devant de la scène.

Bilal Hassani. 17 ans

Bilal. On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans, disait le poète. On se laisse griser. La sève est du champagne et vous monte à la tête… On divague.

Bilal. Me revient en mémoire à ton propos le discours de réception de Jean Cocteau à l’Académie Française[11]. Un plaidoyer sur la poésie, la morale, la difficulté d’être… Me revient encore à l’esprit la réponse que lui fit André Maurois. Ces deux morceaux d’éloquence académique qui, s’inspirant de l’Art Poétique[12] de Verlaine, choisirent leurs mots. Erigèrent la nuance en art. Voilà : Cultive-le, Cher Bilal, l’art de la nuance et délaisse les mèmes[13].

Sache que Nietzsche concluait ainsi : Malheur à moi, je suis nuance ! […] C’est en vain que j’ai cherché une marque de tact, de « délicatesse » à mon égard. Je l’ai trouvée chez des Juifs.

Ainsi, réjouis-toi. Rappelle-toi les vers de Rutebeuf. Chante et tente de ravir le trophée. Si je ne promets pas de regarder le show, sache que mon cœur balancera entre le candidat israélien et Toi, mais qu’il ne me déplairait point que Mahmood l’italien ravît la première place. Histoire de gâcher la soirée de Matteo Salvini.

Sarah Cattan

[1] Roi. Composé avec le duo Madame Monsieur.

[2] Libertalia Editions.

[3] Le dialogue des tricoteuses. Belle du seigneur.

[4] Centre Féministe Palestinien pour les libertés sexuelles et de genre.

[5] 51 personnalités du monde de la culture outre-Manche signèrent la lettre ouverte publiée dans The Guardian.

[6] 27 janvier 2019.

[7] novopress.info 29 janvier 2019.

[8] Professeur du Conservatoire national des arts et métiers.

[9] Eurovision : le chanteur, le sénateur et le chevalier. 8 février 2019.

[10] Michèle Chabelski. Chroniques.

[11] 1er janvier 1955.

[12] Art Poétique est le 13ème poème de Jadis et Naguère.

[13] Un mème internet est un phénomène repris et décliné en masse sur internet. https://espace-numerique.fr

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1 Comment

  1. Tout ça pour ça ?
    Eurovision n’est pas euroaudition ; rien à voir avec une musique quelle conque, ce n’est que prétexte, tout y est imposture.

    La foire du trône, la fête à neuneu, encore une machine à abrutir les masses moyennant le nivellement par le bas.

    On a déjà vu la femme à barbe Conchita Wurst ; la (le ?) trans Dana International (au départ circoncise parait-il), son imposante compatriote Netta ; et maintenant encore un machin qui nous dit le bien et le mal, quoi penser (et pourquoi pas quoi voter), du haut de ses 19 ans.

    Billevesées et calembredaines ? Sornettes et balivernes ; coquecigrue, chimère, niaiserie et faribole.

    Conneries, quoi. Pour rester poli.

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