Des hologrammes pour se souvenir de la Shoah

Un musée américain a enregistré quinze survivants de la Shoah pour que ceux-ci continuent à témoigner une fois disparus.

En octobre dernier, le Musée de l’Holocauste et centre d’éducation de l’Illinois a créé l’événement avec un programme d’hologrammes inédit.

Le quartier de Skokie à Chicago abrite une grande communauté juive, qui a voulu transmettre son histoire. Cela n’a pas été facile, ses membres ayant eu surtout envie de passer à autre chose. Mais ceux-ci ont joué le jeu dans l’espoir de permettre de mettre un visage sur les tristes chiffres du génocide et vaincre la haine par l’éducation. Parmi les milliers d’objets exposés au musée, certains ont été donnés par les survivants de la Shoah. Les voir raconter en personne l’histoire de ces bibelots aux visiteurs est particulièrement émouvant. La plupart des rescapés étant de nos jours très âgés, que se passera-t-il lorsqu’ils ne seront plus là? Sans témoins vivants, l’Holocauste pourrait bien être «réduit à un paragraphe dans un livre d’histoire», comme l’explique l’un d’eux. «Nos souffrances, nos peines et notre survie seront oubliées et homogénéisées.» Cette perspective a longtemps inquiété les responsables du musée, notamment depuis le décès, en avril dernier, à 86 ans, de son vice-président Aaron Elster.

Quelques jours après, on pouvait pourtant apercevoir ce dernier au musée, assis, racontant à huit collégiens de la ville ses deux années passées à se cacher des nazis dans un grenier exigu en pleine campagne polonaise. Il répondait patiemment à chacune de leurs questions, se remémorant encore une fois la chaleur extrême et le froid glacial, le fait de ne pas pouvoir se laver ou se brosser les dents, la peur terrible, la solitude, la colère et l’ennui. Mais aussi la faim tiraillante, qui ne l’a plus jamais quitté. Il avait 13 ans – l’âge des collégiens présents — quand il est finalement sorti de sa cachette. «J’étais couvert de poux et pesais 23 kg», leur racontait-il. «Mes sœurs aînées ont survécu mais pas mes parents, ni ma sœur cadette.» Un silence absolu enveloppait la salle. L’hologramme en 3D d’Aaron Elster n’a pas seulement émerveillé cette assemblée, il l’a aussi émue. Autre avantage: les visiteurs n’ont pas peur de poser des questions trop personnelles et d’offenser les hologrammes.

Connue sous le nom de New Dimensions in Testimony («Des témoignages sous de nouvelles dimensions»), cette technologie a été développée en partenariat avec l’USC Shoah Foundation. Depuis deux ans, Aaron Elster et quatorze autres rescapés ont passé une semaine à Los Angeles à répondre à près de 2000 questions devant des centaines de caméras. Une expérience physiquement et émotionnellement épuisante.

«Fritzie Fritzshall, présidente du musée, était la plus jeune des 599 femmes détenues dans le camp d’Auschwitz. Chacune lui donnait tous les jours des miettes de sa maigre ration de nourriture pour qu’elle puisse survivre. Fritzie a presque 90 ans ; créer son hologramme lui a été très pénible mais elle n’a pas baissé les bras», raconte Susan Abrams, PDG du musée.

Charlottesville a réveillé la peur

Le musée souhaite également que «les visiteurs passent du savoir à l’inspiration et à l’action». Les expositions temporaires soulignent l’importance de personnes qui, comme Elie Wiesel, Nelson Mandela ou Malala, militent pour les droits de l’homme dans le monde, les «défenseurs». Le musée donne aux visiteurs de tous âges des conseils pratiques pour devenir acteur de sa propre vie ; comment tenir tête aux brutes qui malmènent, écrire au rédacteur en chef d’un magazine, prendre un avocat, organiser des levées de fonds et lancer des pétitions.

De quoi donner une nouvelle raison d’être au musée, d’autant que deux tiers des millennials américains n’ont jamais entendu parler de la Shoah. «Charlottesville a réveillé la peur qui sommeillait en moi», a confié Fritzie Fritzshall dans une interview. «Je vois ce qu’il se passe et je me dis que, si je ne dis rien, ce qu’il m’est arrivé peut se reproduire avec vos enfants ou vos petits-enfants.»

Pour toucher un public plus large, le musée travaille avec l’USC Shoah Foundation à créer des hologrammes et expositions que d’autres institutions internationales pourraient utiliser. Susan Abrams adresse un message à tous les organismes qui luttent contre les génocides via l’éducation: «Réunissez autant de témoignages de survivants que possible. Enregistrez-les dans le plus grand nombre de formats disponibles. Nul ne sait ce que les technologies futures vous permettront de faire avec.»

Karen Taylor, «Sparknews»

Source lefigaro

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