Brunoy : après la guerre, les enfants juifs se refaisaient une santé à la Maison Vladeck

Cette Histoire méconnue de la demeure où est installée l’annexe du Muséum d’Histoire naturelle sera l’objet d’une exposition le 16 septembre prochain. La Ville recherche des témoignages.
Entre 1946 et 1964, plus de 1000 enfants juifs sont venus se requinquer dans cette demeure qui appartient aujourd'hui au Museum d'Histoire naturelle de Paris.
Entre 1946 et 1964, plus de 1000 enfants juifs sont venus se requinquer dans cette demeure qui appartient aujourd’hui au Museum d’Histoire naturelle de Paris.

Derrière les murs de l’antenne du Muséum d’Histoire naturelle de Brunoy se cache une autre Histoire, oubliée celle-là et sortie des cartons grâce à Cécile Benattar. Elle travaille au sein de la Maison des arts de la ville et s’est passionnée pour le sujet. « Quand je suis arrivée à Brunoy, cette bâtisse m’intriguait, explique-t-elle. Je voulais savoir ce que c’était avant l’arrivée de l’annexe du Muséum en 1964. »

À force de fouiller dans les archives, Cécile Benattar a trouvé. L’imposante demeure était appelée la Maison Vladeck entre 1946 et 1961 et abritait un préventorium — une sorte de sanatorium — où les enfants juifs venaient se requinquer après la guerre. Le 30 avril dernier, une journée commémorative a, pour la première fois, été organisée. Une nouvelle exposition sera visible le 16 septembre pour les journées du patrimoine. En attendant, Cécile Benattar est toujours à la recherche de nouveaux témoignages, de photos, de documents d’époque.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la propriété est achetée par l’Arberter Ring, une association juive laïque séduite par le cadre et le parc de 2 ha. En 1945, une colonie de vacances y est d’abord établie. Mais en 1946, elle devient un centre permanent pour enfants juifs rescapés de la Shoah comme il en existe alors une dizaine en France. Il est financé par la générosité de donateurs américains car il faut compter 300 dollars (près de 1 000 euros aujourd’hui) par an pour héberger, nourrir et habiller un pensionnaire.

Les enfants, généralement orphelins, y sont soignés. Ils arrivent à la Maison affaiblis et souvent tuberculeux. « Il y avait un dentiste, des laboratoires, décrit Cécile Benattar. Ce lieu a également été à la pointe en pédopsychiatrie. Les enfants qui arrivaient là étaient souvent abîmés. Pour beaucoup, leurs parents étaient morts à Auschwitz ». Les praticiens exploitent donc leurs dessins pour jauger leur état et leur demandent d’écrire des souvenirs pour « se libérer des traumas qu’ils ont subis » disent les spécialistes à l’époque.

Simon, 10 ans, raconte ainsi en dessinant des bonshommes équipés de fusils : « J’étais encore petit, je ne savais pas ce que voulait dire la guerre. J’entends toc-toc, ma mère va ouvrir et les Allemands rentrent. Toute la famille pleurait, surtout ma mère et mon père. Ma mère me tenait dans ses bras, les Allemands me regardèrent un bon moment et ils demandèrent à mon père qu’il les suive. Ils l’ont déporté en Allemagne et l’ont fusillé. »

Ces jeunes victimes de la guerre étaient aussi éduquées selon la pédagogie Montessori. « Beaucoup ne parlaient que le Yiddish en arrivant et ont dû apprendre le français », relate Cécile Benattar. Ils écoutaient beaucoup de musique classique, jouaient aux échecs, chantaient et s’aéraient dans ce vaste parc. Un solarium avec des chaises longues avait aussi été créé.

Au total, plus de 1 000 enfants sont passés par cette propriété et y ont été soignés. Cécile Benattar constate : « Beaucoup sont devenus avocats, médecins, professeurs. Ils ont en général réussi ». Elle a, pour l’heure, reçu une dizaine de témoignages de ces pensionnaires qui affichent de larges sourires sur les photos qu’elle a pu retrouver.

Si vous avez des documents ou un témoignage à livrer, vous pouvez contacter Cécile Benattar par mail à cbenattar@mairie-brunoy.fr ou par téléphone au 01.60.46.79.65.

« On m’a remis sur pied »

Il avait 7 ans quand il est arrivé à la Maison Vladeck de Brunoy. Albert Papiernik avait vécu la guerre en passant de cache en cache, principalement dans le département de l’Yonne après la mort de son père engagé volontaire dans l’armée française en 1940. Une clandestinité qu’il l’avait physiquement marqué. Aujourd’hui, il se souvient : « J’étais anémié. On ne peut pas dire que j’étais en très bonne santé, j’étais à surveiller. On m’a remis sur pied. »

En 1947, il intègre le préventorium. À cette époque l’Organisation de secours aux enfants (OSE) s’occupe de lui depuis deux ans. À Brunoy, il découvre l’art. « Ça a été le début de mon éducation, poursuit-il. On avait des instituteurs qui venaient nous faire la classe. »

Ils apprennent à chanter aussi. Entre 1949 et 1954, au sein du préventorium du Mesnil-le-Roi, près de Maisons-Lafitte (Yvelines), il suit même les cours d’un enseignant un peu particulier : « Serge Gainsbourg était notre professeur de chant ». La famille du chanteur avait aussi subi la guerre.

Le 30 avril dernier, pour la commémoration, Albert Papiernik était pour la première fois de retour à Brunoy depuis 1949. Ému, il raconte : « Cela m’a fait un coup au cœur de voir l’état du bâtiment. En 1947, il avait été entièrement été refait mais il n’a pas été rénové depuis. » Albert Papiernik est devenu professeur, chercheur au CNRS et a ouvert un laboratoire à Nice (Alpes-Maritimes). Il conclut : « Je dois beaucoup à Brunoy ».

Source leparisien

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