L’histoire du bouquet de Souccot, par une archéologue de l’Université de Tel-Aviv

Bientôt Souccot et les « quatre espèces », cédrat, myrte, palme et saule, seront dans toutes les cabanes.  Mais voulez-vous connaitre les origines de cette tradition ? Le Dr. Dafna Langgut du Département d’archéologie et des cultures anciennes du Proche-Orient et du Musée d’histoire naturelle Steinhardt de l’Université de Tel-Aviv, nous l’explique.

L’un a bon goût et bonne odeur (le cédrat), deux autres ont soit l’un soit l’autre, et le dernier est inodore et insipide (le saule). Quelle que soit l’interprétation qu’on leur donne, les ‘quatre espèces’ sont les invités d’honneur de la soucca (cabane) lors de la fête des Tabernacles, pendant laquelle, selon la tradition, on doit séjourner sous tente pendant 7 jours. Elles apparaissent déjà dans la Torah, où il est dit : « […] et vous prendrez le premier jour du fruit de l’etz hadar (arbre de splendeur), des palmes de dattiers, des rameaux de l’etz haavot (l’arbre touffu) et des saules de torrent, et vous vous réjouirez devant YHWH votre Dieu, pendant sept jours » (Lévitique 23: 40). Mais, selon le Dr. Dafna Langot,  «si les palmes de dattiers et des saules des torrents sont des espèces connues, les exégètes ont eu du mal à déterminer si le ‘fruit de l’arbre de splendeur’ et les ‘rameaux de l’arbre touffu’ se référaient à des espèces spécifiques ou à des instructions générales ».

Quand le cédrat a-t-il fait son “alyah” ?

Le problème vient de la traduction du mot hébreu ‘hadar’, qui signifie ‘gloire’ ou ‘splendeur’. Dans la Septante, traduction du Pentateuque en grec au troisième siècle avant notre ère, le verset a été traduit par rapport au qualificatif du fruit, qui doit être plaisant et fin. Certain exégètes en ont conclus qu’il fallait apporter dans la cabane diverses espèces de fruits fins, ce qui est toujours la tradition samaritaine aujourd’hui.

Mais dans les traductions postérieures, le cédrat est déjà mentionné explicitement avec généralement avec l’ajout d’un qualificatif destiné à traduire son caractère ‘splendide’. « A partir du premier siècle après JC, de nouvelles interprétations sont apparues, mentionnant une identification explicite des espèces de plantes mentionnées dans le Lévithique: Tamar (datte), Arava (saule), Etrog (cédrat) et Hadas (myrte) », commente le Dr. Langgut. « Le cédrat apparaît aux côtés de la palme de dattier sur les pièces de monnaie dès la quatrième année de la grande révolte juive (69- 70 ap. JC) et sur celles de la révolte de Bar Kokhba (136-132 ap. JC). Cependant, alors que la myrte, la date et le saule poussent à l’état sauvage dans la  région, ce n’est pas le cas du cédrat.

« Le cédrat est originaire de l’Inde orientale et du sud de la Chine. C’est l’un des trois ancêtres des espèces d’agrumes aux côtés du pamplemousse et de la mandarine », explique le Dr. Langgut. « Tous les autres agrumes que nous connaissons aujourd’hui ont été fabriqués à partir des croisements de ces trois espèces ». Quand donc est-il arrivé en Israël ?

D’un jardin royal perse à la tradition juive 

«Une découverte archéologique du Prof. Oded Lifschitz et du Dr Yuval Gadot de l’Université de Tel-Aviv il y a plusieurs années lors des fouilles près du kibboutz de  Ramat Rachel, à proximité de Jérusalem, a mis en lumière sa date d’arrivée et le début de sa culture en Judée ». Les archéologues ont en effet découvert les vestiges d’un grand jardin devant la façade d’un palais qui avait du être majestueux, remontant aux 5e et 4e siècles avant J.-C. Une étude menée par le Dr. Langgut dans l’un des bassins de ce jardin royal a permis d’identifier des grains de pollen fossilisés conservés dans le plâtre de la piscine, grâce auxquels on a pu reconstituer avec précision les éléments botaniques du jardin. Ainsi a-t-on pu identifier des plantes caractéristiques de la forêt méditerranéenne, des arbres fruitiers cultivés dans la région et des végétaux utilisées pour la décoration des jardins ornementaux, comme les saules et la myrte. Certains des arbres identifiés ne faisaient pas partie des cultures naturelles de la région, et ont donc été amenés de loin : des noyers et des cèdres du Liban, mais aussi des cédrats, « sans aucun doute la découverte la plus surprenante du jardin royal de Ramat Rachel », selon le Dr. Langgut. « C’est la plus ancienne preuve archéobotanique de la culture du cédrat en Israël en particulier et dans le bassin méditerranéen en général ».

Mais alors, comment le cédrat importé est-il devenu l’une de nos ‘quatre espèces’ de Souccot ?

« Il semble que du jardin royal du kibboutz Ramat Rachel où siégeait le représentant de l’Empire perse (qui a gouverné notre région il y a environ 2500 ans), l’idée de la culture du cédrat soit passée peu à peu dans la tradition juive », répond le Dr. Langgut. « Le cédrat a commencé sa ‘carrière’ comme produit exotique dans des jardins de luxe (Environ deux cent ans plus tard on commence à le retrouver également dans des jardins ornementaux de riches résidents de Rome et de Pompéi). A moment donné, probablement vers le premier siècle de notre ère, il est devenu un élément permanent de la tradition juive et l’une des quatre espèces de Souccot ».

Source .ami-universite-telaviv

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