Et revoilà Djamila Bouhired, par Alain Chouffan

Qui se souvient encore de Djamila Bouhired ? Elle fut l’héroïne de la guerre d’indépendance d’Algérie ! Mieux : la figure emblématique de cette guerre.

Elle a été condamnée à mort, puis graciée. Libre, elle retrouve son avocat, Me Jacques Vergès qui se convertit à l’islam pour l’épouser. Il doit choisir un prénom musulman pour l’occasion : Jacques devient Mansour.

Ce dernier, intime des nouveaux dirigeants algériens, s’installe quelque part en Algérie. Djamila Bouhired n’a jamais voulu s’installer en France, car elle est restée très méfiante et hostile envers elle. Après le coup d’Etat de 1965, le couple s’installe à Alger. On pourrait croire que l’ancienne combattante continuera à participer à la vie politique du pays. Pas du tout ! Elle s’enferme dans un silence total. Même lorsque Jacques Vergès disparaît, un jour du printemps 1970 sans prévenir ni donner d’explication, à sa femme et ses deux enfants. L’absence durera…7 ans !

Au retour de Vergès, les ponts sont rompus avec Djamila, seuls les enfants avec leur père, non sans mal. Djamila ne se rendra pas aux obsèques de l’avocat, en août 2013, à Paris,ni à l’hommage qui lui a été rendu à Alger, en octobre de la même année. Plus de 50 ans de silence. Jusqu’à ce 1er mars 2019, ou elle fait une apparition aussi inattendue que lourde de sens.

C’était le deuxième vendredi de mobilisation contre la perspective d’une nouvelle candidature d’Abdelaziz Bouteflika, quasi impotent depuis une attaque cérébrale en 2013, et au pouvoir depuis 2 décennies. Elle se mêle à la foule. “Je veux marcher avec mon peuple pour notre dignité” dit elle en marchant, portée par le tsunami humain qui déferle vers le centre d’Alger, la rue Didouche-Mourad jusqu’au monument à la mémoire de Maurice Audin, le militant communiste torturé à mort par les paras français en 1957, et porté disparu. La plupart des jeunes ne connaissent pas son visage, mais son nom est familier. Ils l’ont appris dans les livres d’histoire. La vieille dame, 84 ans aujourd’hui, “cheveux courts et lâchés, coquette derrière ses lunettes aux verres fumés, se laisse fêter” écrit Christophe Ayad dans M le magazine du Monde. “Son parcours est fascinant dit-il. Elle a joué un rôle important pendant la guerre d’Algérie, mais aussi dans l’opinion publique française, à travers la figure de son avocat, Jacques Vergès, qui devint plus tard son mari. Elle est aussi la personnalité algérienne la plus populaire dans le monde arabe, à cause du film de Youssef Chahine. Aujourd’hui, elle ressurgit et son aura est intacte.”
Mais à 84 ans, n’est-il pas trop tard pour revenir à la politique ?

Alain Chouffan

PS. Sur la photo, publiée par M Le magazine (17 Août 2019), Djamila Bouhired prend part à une manifestation le 8 mars à Alger, sous une banderole affichant “ On ne libère pas un pays si on ne libère pas la femme ”.

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2 Comments

  1. “Mais à 84 ans n’est-il pas trop tard pour revenir à la politique ?” Absolument pas, A.C., il n’est jamais trop tard pour s’engager dans quoi que ce soit, politique ou autre…

  2. Jacques Vergès : l’une des plus sinistres canailles ayant hanté les prétoires, les plateaux de télévision, les colonnes de presse, les émissions de radio…Et ayant possiblement du sang sur les mains. Aujourd’hui il défendrait certainement les nazi(e)s du PIR. J’ai lu dans une interview qu’il se réclamait de Nietzsche…Le grand philosophe a ďû pour la millionième fois se retourner dans sa tombe, car les individus comme Vergès incarnent précisément tout ce que l’auteur de “La généalogie de la morale” méprisait et dénonçait.

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