WhatsApp, SMS, Messenger, finis les dring dring

On ne peut pas le nier, aujourd’hui, on communique plus par messages qu’avec la voix. Que ce soit par WhatsApp, SMS, Messenger.

Finis les dring dring, le traditionnel « allô », le claquage au nez. On parle en jargon codé, en acronymes, en émoticons ; on parle à plusieurs, et quand on gueule on met des majuscules. On a changé le language. On a fait évoluer la communication. Évoluer ou pas. Tout dépend de l’usage. Parfois un simple « descends » est bien plus rapide qu’un coup de fil. Souvent, l’élaboration d’un programme se torche en une minute le combiné collé à l’oreille.

Nos modes de vie sont en perpétuelle mutation. La littérature ne peut plus occulter les correspondances amoureuses instantanées. Le cinéma non plus. Les séries télé encore moins. On ne s’écrit plus de missives. Ces lettres d’amour qui mettaient des jours avant d’arriver chez l’être aimé ont été remplacées par des e-mails coincés dans un Inbox entre une invitation à un énième vernissage et le lancement d’une collection de fringues signée par des apprenties couturières. Une déclaration d’amour, un épanchement ou une rupture ne sont plus que des intitulés qu’on lit rapidement sur son téléphone entre deux conversations WhatsApp. On n’écrit plus à la main. On pianote.

On pianote et on fait des conneries. De grosses conneries. Des actes manqués surtout. Les dangers des nouveaux moyens de communication sont loin, très loin d’un pigeon voyageur qui mourait en route et devenait une fin de non-recevoir. Moins de risques en composant le mauvais numéro. Il suffisait de raccrocher quand on entendait la voix de son ex. Ou celle de sa femme. Aujourd’hui, un message envoyé est un message envoyé. Peu importe le destinataire ou le contenu. Sent, read. Le dérapage est là, planqué sous une touche ou dans le répertoire. Et il est loin de n’être que virtuel. Un cœur envoyé au lieu d’un smiley, c’est une bourde quand celui ou celle qui est derrière l’écran est une cible potentielle. Et il n’y a pas que le cœur, tous les emojis et consorts peuvent souvent faire office de traîtres. Oups. Envoyer un bisou avec un cœur à son patron, ça l’fait pas. Une tête de mort non plus. Un groin encore moins. On oublie le mail intitulé : « La connasse veut une réunion », envoyé malencontreusement à la directrice des ressources humaines.

C’est que le pianotage frénétique qui nous accompagne tout le temps a quelque chose de pulsionnel. C’est comme si nos doigts étaient directement connectés à notre inconscient. Et contrairement au lapsus qui pourrait ne pas avoir été entendu et le « t’as mal entendu » mettant l’autre dans la situation de « c’est ma parole contre ton oreille », l’acte manqué est ineffaçable. Indélébile perte de contrôle. Horrible précipitation du geste. Et terrible désinhibition de la communication virtuelle où, planqués derrière nos écrans, on pense que l’on peut tout dire impunément. Ou tout faire. L’autre n’étant pas en face, le dérapage est facile. L’autre n’étant pas en face, on zappe parfois son visage ou son identité. Et ça part dans tous les sens. « Viens vite » à son ex au lieu de son mec du moment ; « Help, la pétasse est là » ; « J’espère que tu ne lui as pas dit pour notre soirée ».

Vengeance inconsciente ? Sûrement. La censure n’a pas fait son boulot, notre désir ayant été plus rapide. Envoyer le mauvais e-mail à la mauvaise personne, un sexto au mari de sa copine, une photo ambiguë à son voisin de table, un commérage à la personne concernée. « Bien fait pour sa gueule, elle est bien mieux que lui. » Freud disait : « Derrière tout acte manqué, il y a un acte réussi. » Certes, mais la bêtise est souvent au rendez-vous elle aussi. Laisser visible le contenu de ses messages sur l’écran verrouillé de son iPhone, ce n’est pas très futé. « Ça y est, tu l’as sautée ? » quand on invite une fille pour la première fois à partager sa couche. Ledit date a adoré. « T’as fini ton déjeuner de merde ? » avec tes copines que je n’aime pas. « Encore avec la vieille ? » quand belle-maman squatte trop tard les dimanches après-midi. WhatsApp, WhatsApp, quand tu nous tiens…

Source lorientlejour

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