Le campus numérique juif est devenu un modèle pour les autres religions

Récompensé il y a peu par une fondation « pour la vocation éducative juive », le campus numérique Akadem fait figure de modèle pour celui des protestants, et désormais aussi pour celui sur lequel travaille la Fondation de l’islam de France.

Sur le portail Akadem, « le campus numérique juif », on trouve cette semaine des vidéos – sur l’urbanisme autour de Jérusalem, sur le procès de l’historien Georges Bensoussan pour « provocation à la haine raciale », ou encore sur un chanteur et violoniste israélien inventeur du « violon reggae » – mais aussi des propositions culturelles. Et, bien sûr, le commentaire de la paracha, la portion de la Bible qui sera lue à la synagogue cette semaine, par une femme, Evelyne Sitruk, directrice de la Bibliothèque juive de Marseille…

Un peu plus de dix ans après sa création par le journaliste Laurent Munnich, Akadem, qui vient de recevoir un prix du Fonds Edmond Tenoudji « pour la vocation éducative juive », s’est imposé comme un modèle de campus numérique religieux. Les pasteurs Antoine Nouis et Jean-Luc Mouton sont venus les trouver il y a deux ans avant de lancer leur propre « Campus protestant »… Et c’est désormais le tour de la Fondation pour l’islam de France, en pleine réflexion sur l’élaboration d’un portail numérique au service de la connaissance du « fait religieux musulman ».

Tout le spectre religieux

C’est en 2004, alors que YouTube et Dailymotion balbutiaient encore, que Laurent Munnich, passé par Libération, la BBC et France Soir, voit le potentiel de la vidéo au service de l’étude et de la vie juives. « À l’époque, au sein de la communauté, chacun avait son petit site en fonction de son intérêt », se souvient-il. Son ambition est alors plus large : proposer un portail « ouvert à tous les courants du judaïsme, le moins cloisonné possible ». Et donc faire appel à des contributeurs dans « tout le spectre religieux », des libéraux aux Loubavitch.

Le résultat est Akadem, un portail cofinancé par le FSJU et la Fondation pour la mémoire de la Shoah, utilisé par des juifs pour le limoud (l’étude juive), la réflexion philosophique ou politique, mais aussi la vie culturelle. Avec le commentaire de la paracha, la rubrique « cuisine » est l’une des plus consultées.

Les internautes viennent surtout chercher « ce qu’ils ne trouvent pas ou peu sur d’autres sites », constatent les responsables, pour qui cette prépondérance de l’étude et de la pensée juive « reflète bien le profond besoin de spiritualité de notre époque ».

Depuis sa création, le portail enregistre une croissance de son trafic d’environ 10 % par an, ainsi que de sa fréquentation à partir des tablettes et des téléphones portables.

Grande diversité du public

En février 2016, une enquête qualitative a mis en évidence la grande diversité de son public : 40 % sont non juifs – au grand étonnement des responsables du portail qui y voient « une fenêtre sur le monde juif pour des non juifs » – ou sans affiliation, 40 % pratiquants ou orthodoxes, 20 % « juifs libéraux » ou « juifs de Kippour » (autrement dit, se rendant une fois par an à la synagogue pour cette grande fête).

La difficulté étant de satisfaire toutes ces populations… Ainsi, la mise en valeur des femmes – et pas uniquement dans la préparation des recettes traditionnelle de Hanoukka ou de Pessah – a suscité, au départ, des réactions parfois violentes. « Nous montrons aussi un judaïsme traditionnel vécu par les femmes, leur pratique de l’exégèse biblique », argumente le directeur, qui a pris l’habitude de jongler avec les clivages qui minent sa communauté, entre « Séfarades et ashkénazes, libéraux et orthodoxes, etc. »

Vulgarisation

À destination des peu ou pas pratiquants, le portail s’est enrichi d’un magazine culturel et d’une section Alef-Bet qui propose des clips « très pédagogiques » sur les fondamentaux du judaïsme ou d’Israël.

Les financeurs du départ soutiennent toujours sans faille la petite équipe de quatre permanents, auxquels s’ajoutent pigistes et chroniqueurs occasionnels. Désormais, 40 % des vidéos viennent de partenaires, y compris en Israël, le reste des contenus étant produit dans le studio qui jouxte les bureaux.

Le campus numérique juif a même réussi à surmonter la méfiance initiale du monde universitaire, qui voyait le projet comme « trop communautaire » et accepte désormais que certaines de ses conférences soient filmées.

De son côté, l’université en ligne d’Akadem permet à 2 600 étudiants de 62 pays de suivre à distance des enseignements « dans les matières fondamentales de la pensée juive ». « Nous avons tous les éléments pour bâtir une chaîne culturelle qui diffuserait de façon quasi-permanente sur le Web », rêve Laurent Munnich.

Anne-Bénédicte Hoffner
Source la-croix

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