« LE SCHMOCK », roman de Franz Olivier Giesbert. On n’en sort pas indemne

On ne veut pas rester en Europe parce qu’on a peur que ça recommence, les histoires avec les Juifs, les chasses aux nez crochus, les guerres débiles, les bombardements idiots. Avec tous les salopards qu’il compte, on n’a pas confiance dans ce continent, tu comprends. Toi, tu es beaucoup trop gentil, papa, tu pardonnes tout. »

Et ses trois enfants sont repartis à New York avec leur tante Esther, laissant Elie à Munich, sa ville natale où il fut persécuté pendant 12 ans par « l’un des régimes les plus sanglants que la terre ait portés «

C’est un roman

« Le Schmock » le dernier roman de Franz Olivier Giesbert, chez Gallimard, 396 pages, 21,50 euros.

C’est un roman, l’histoire d’Elie, Elsa, Lila, Karl et d’autres en Allemagne depuis la résistible montée du nazisme jusqu’au suicide de Hitler.
Le schmock, c’est en yiddish, le sexe masculin ou un personnage sans importance ou ridicule. C’est le mot utilisé par les juifs d’Allemagne pour désigner le Führer.

Franz Olivier Giesbert, FOG, écrivain et journaliste, est le fils d’une normande et d’un soldat américain d’origine juive allemande, débarqué le Jour le plus long sur la côte normande.

FOG s’est posé la question qui hante tous les historiens : « Pourquoi tant d’Allemands « bien » , respectables avaient pris à la légère la montée du nazisme tandis que les juifs tardaient étrangement à fuir. » Par quelle aberration, à cause de quelles complaisances ,quelles lâchetés, le nazisme fut-il possible? »

Quatre cent mille allemands juifs, parfaitement intégrés à la culture allemande, à la civilisation de « ce grand pays de musiciens, de philosophes et de poètes « furent montrés du doigt, stigmatisés, humiliés, pourchassés, assassinés sous le regard hésitant et veule de leurs voisins, de leurs amis, par des tueurs en uniforme dont le nombre dépassait celui des soldats de l’armée régulière.

On avance dans le récit en suivant le destin de deux jeunes gens du même âge, camarades d’études et partageant les mêmes goût , amoureux de la même jeune fille. L’un des deux est à moitié juif et leur histoire prendra un autre cours sous le régime nazi.

C’est un roman sur l’Allemagne, le nazisme, la Shoah : la cruauté, la violence, les camps de concentration, Dachau surtout, la torture, les prisonniers mis sur des crocs de boucher, les expériences pseudo médicales sur des détenus ( congelés vivants ou infectés par piqûres de cultures microbiennes …) on n’en sort pas indemne mais c’est un rappel salutaire.

L’arrivée au pouvoir d’un dément, probablement impuissant ou syphilitique, et une machine industrielle, celle de l’Allemagne, parfaitement efficace vont permettre la destruction des juifs d’Europe : 6 millions de juifs, torturés, tués, gazés, asphyxiés, la plus grande faute de l’humanité, le péché éternel de l’Allemagne.

« Hitler était bien plus qu’un banal tyran accaparant tous les pouvoirs. Porté par une mystique qui le transcendait, il était l’âme du pays, ses bras, son cerveau, son histoire. D’où la folie des saluts nazis au cri de « Heil Hitler », d’où les crises d’hystérie collective qu’il provoquait dans les réunions publiques où il semblait en fusion avec son auditoire ».

Le roman de FOG s’étend sur 12 ans, des débuts du nazisme en 1933 jusqu’à sa destruction en 1945. C’est une fresque historique appuyée sur une documentation précise et de grande valeur. Mais c’est surtout un roman qui raconte une histoire : deux jeunes étudiants, deux belles jeunes filles, leurs parents, industriels, avocats, politiciens, des personnages secondaires vite décrits mais bien campés, un horizon de flammes et de fumées succédant à la douceur du printemps en Bavière, ce roman pourrait être le scénario d’un grand film.

Simone Veil n’aimait pas « Le Chagrin et la Pitié » de Marcel Ophuls et elle s’était opposée à ce que des financements lui soient accordés. Elle n’aimait pas « Shoah » de Claude Lanzmann, par contre elle trouvait que Holocauste , série américaine avec Meryl Streep exprimait bien ce que fût la Shoah.
Comme le note si justement Giesbert, « Après tout, il n’y a que les fous pour répondre à ce genre de question, les fous ou les personnages de roman »

Il vous trahira sans cesse

Elie, centenaire, donne à ses petits enfants, son dernier conseil et il nous semble que c’est Franz Olivier Giesbert qui s’adresse à nous :
« Pendant des siècles, la communauté juive a baissé la tête sous les coups qui pleuvaient sur elle et supplié ses bourreaux de bien vouloir lui pardonner les souffrances, les blessures qui lui étaient infligées. Maintenant qu’elle a redressé la tête, au moins en Israël, elle est toujours aussi honnie, peut être même plus encore. A la fin, son grand tort aura été d’avoir survécu à tout. Quand quelqu’un vous a trahi une fois , dites vous bien qu’il vous trahira sans cesse, jusqu’à votre mort, pour se prouver à lui-même qu’il avait raison »

André Simon Mamou

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5 Comments

  1. Je sais qu’André Mamou est le rédacteur en chef de “Tribune Juive Info”.
    Question : est-ce le même qu’André Simon Mamou, celui qui a signé l’article que je viens de lire ?
    Quoi qu’il en soit, la présentation du livre intitulé “Le Scmock”, écrit par Franz-Olivier Giesbert, est très intéressante.

  2. Bonjour du Japon,
    C est le prochain livre que je me procurerai. Mon ami juif m a conseillé aussi de lire “ Night” par Elie Wiesel que j ai pu commander sur Amazon.
    Je n ai jamais compris comment la communauté juive d Allemagne d après guerre a pu continuer à vivre dans ce pays sachant
    que leurs ancêtres avaient été exterminés

    • C’est la preuve que les juifs sont les personnes les plus tolérantes du monde, tolérantes même vis à vis des fous et des assassins.
      Preuve qu’il s’agit de l’extrême sagesse d’un peuple d’élus.

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