Christian Rayet a lu « Civilisation » de Régis Débray

Je viens de lire « Civilisation » de Régis Debray.

Bon, le livre m’a été offert, je n’étais pas attiré par l’auteur qui m’a semblé partisan dans de précédentes lectures. Mais ici j’ai été surpris. Je vous laisse un aperçu dans la lignée de cet article:

… L’UE est une machine antipolitique, dont certains rêvent qu’elle devienne un acteur politique et attendent même qu’elle se constitue, un jour, en puissance, quand sa raison d’être est de fuir toute idée de puissance.
Résumons l’intrigue. Sociaux-démocrates et démo-chrétiens, les deux premiers acteurs de la pièce, avaient eu, au lendemain de la guerre, pour prévenir tout retour de flamme, l’excellent projet de faire prévaloir l’intérêt commun sur le particulier. Contre le péché national, la rédemption fédérale. Soit. Pourquoi pas ?

Après quoi l’on vit les socialistes du cru démanteler les protections sociales, déconstruire l’Etat, le seul et dernier bien de ceux qui n’en ont pas, démonter les services publics et introniser en loi suprême celle du profit, tandis que les maîtres d’œuvre spiritualistes mettaient sur pied une entité sans âme ni cœur, la plus grossièrement matérialiste des agrégations humaines…
Ce que l’on appelle abusivement l’« Europe »… a accéléré le mouvement dit de mondialisation au point de le faire aboutir.

Comment ? En travaillant à l’économie, dans la conviction qu’une fédération politique suivrait, sans solution de continuité, la production de charbon et d’acier. Et qu’une expression géographique deviendrait une source d’énergie historique rien qu’en assurant la circulation des hommes, des marchandises et des capitaux dans le cadre d’une « concurrence libre et non faussée ». Sans passer, donc, par les vicissitudes que connaissent tous les joueurs stratégiques dans l’arène des puissances. Le raccourci s’est avéré impasse…

Quant au Parlement européen, qui ne représente pas un peuple et n’a pas l’initiative des lois, c’est une parodie… Que de bons esprits puissent disserter sur ces comédies indécentes avec gravité, aligner de loin en loin plan de sauvetage et programmes réparateurs, offre un nouveau témoignage de l’emprise qu’ont et gardent sur nous tous les illusions réconfortantes.

On aurait pu souhaiter plus de panache de la part des protagonistes. Vouloir goûter aux « dividendes de la paix » sans consentir le moindre effort de guerre (économique, culturelle, juridique, militaire) et implorer son tuteur de bien vouloir maintenir son protectorat, c’est manquer quelque peu de dignité. Il n’est pas anormal que le parrain de Washington rechigne à éponger les frais de cette démission collective.

IL FAUT ÊTRE ÉCONOME DE SON MÉPRIS

Certains espèrent — l’espoir fait vivre — que les réticences du patron poussent le client à se conduire enfin en adulte, et à prendre son destin en main. Pour l’heure, que la porte-tambour bruxelloise où l’on voit s’engouffrer tel président du Conseil européen pour ressortir en employé de Lehman Brothers, telle autre commissaire en administratrice de société aux Bahamas ou celui-là en expert patenté de l’optimisation fiscale constitue un spectacle dont il n’y a pas trop lieu de s’étonner: la fusion ouverte du monde des affaires et du monde politique, des lobbies et des commissions, fait partie du modèle. Il n’a certes rien pour inspirer le respect et « il y a des temps, comme dit Chateaubriand, où il faut être économe de son mépris étant donné le grand nombre de nécessiteux ». N’écoutons pas le vicomte. Un stoïcien ne méprise rien ni personne.

On n’écarte pas l’idée, cela dit, qu’un jour l’« Union européenne » apparaisse à nos successeurs comme la deuxième phase d’autodestruction de l’Europe, après la guerre 1939-1945. La première s’est attaquée au corps, la seconde à l’esprit (les deux opérations se voulant de sauvegarde par une cruelle ironie). Paul Valéry, oeil d’aigle, a respecté l’ordre chronologique. La démence d’abord, le ramollissement ensuite.

Christian Rayet

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2 Comments

  1. Analyse très pertinente, et qui montre bien le ridicule de la posture adoptée par Macron et ses alliés politiques en France et en Europe. Depuis plusieurs années le sectarisme de certains europhiles est effrayant. Allant parfois jusqu’au révisionnisme (par rapport à l’Allemagne et son lourd passé). Se singularisant par le deni et la méthode Coué, dans presque tous les cas.

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