A.B Yehoshua : un génie littéraire qui veut sauvegarder l’identité juive

Le dernier roman de A.B Yehoshua, La Figurante, est sa première œuvre dont le personnage central est un femme.la-figurante

Noga a 42 ans, et elle vit aux Pays-Bas, où elle exerce son métier de harpiste. Elle a quitté Israël car son instrument, trop particulier, ne lui a pas permis de trouver en Israël de travail à la hauteur de son talent.

Elle revient en Israël à la demande de son frère Honi pour l’aider à résoudre un problème familial qu’il ne peut ni ne veut assumer seul.

Leur père est mort il y neuf mois, lui vit à Tel-Aviv, et leur mère vit, seule maintenant à Jérusalem, dans le quartier autrefois coloré de Mekor Baroukh, non loin du Mahane Yehouda, qui est devenu un quartier religieux. Il a obtenu de leur mère qu’elle fasse pendant 3 mois l’essai d’une maison de retraite près de chez lui, et il espère qu’elle acceptera d’y rester. Noga vient donc garder son appartement pendant cette période.

Pour l’aider à passer le temps, et pour lui procurer un petit revenu de remplacement, Honi trouve à Noga un emploi original : elle sera figurante.

Très vite on comprend que Noga a été mariée, et surtout qu’elle ne veut pas avoir d’enfants et le livre est une quête de la raison réelle et profonde qui l’a poussée à faire ce choix.

Il ne faut pas en dire plus, il faut lire ce livre magnifique. On a envie de dire qu’avec cet ouvrage, de A.B Yehoshua est au sommet de son art, mais en fait s’il diffère des précédents, il ne les fait pas oublier.

Des livres différents et magiques

A.B Yehoshua est un immense écrivain et ses livres sont à chaque fois différents, à chaque fois magiques.

Il est fêté par les média français, mais sans doute pas sans arrière-pensée. En effet tout le monde sait que c’est un homme de gauche, qu’il milite pour la paix, et qu’il est fervent partisan de la création d’un état palestinien.

Mais c’est aussi un homme de convictions, et sa conviction la plus profonde est sans doute l’importance et la valeur absolue de son identité juive.

Aussi, lors de ses passages sur France Inter et sur France Culture, sa maîtrise parfaite du français et la cohésion de sa pensée lui font éviter le piège qui lui est tendu à chaque fois, et ses réactions sont absolument admirables.

Tout d’abord, il met les points sur les i : la décision de Noga de ne pas avoir d’enfants n’a rien à voir avec un pessimisme profond quant à la situation d’Israël et à son avenir. Il balaie cette explication, simpliste, qu’il met au même plan que le banal désir de faire carrière, et explique que son roman est une recherche psychologique sur cette femme, et que les explications comme celles-ci sont ineptes.

Il rajoute dans la foulée que ce n’est pas non plus pour des raisons politiques qu’elle a quitté Israël, mais bien pour pouvoir s’accomplir pleinement dans son métier, sa vocation de harpiste.

Quand on aborde le problème du poids croissant des religieux dans le quartier de sa mère, en Israël en général par rebond, il explique que cette question n’est pas au cœur de son livre, et rappelle que justement les religieux mis en scène sont décrits avec beaucoup de tendresse.

Et cet homme qui est profondément de gauche, enfonce le clou : il faut être réaliste, il faut mettre fin à l’occupation qui est un poison pour l’avenir d’Israël, mais la solution de deux états est de plus en plus en plus irréaliste. C’est la raison pour laquelle, se basant sur l’intégration des arabes israéliens qui participent à toutes les institutions jusqu’à leur plus hauts niveaux, il préconise aujourd’hui un état binational.

Et A.B Yehoshua ne mâche pas ses mots. L’Europe a une responsabilité énorme : l’occupation du Moyen Orient, la Shoah. Et jusqu’à présent, les européens se sont montrés lâches et paresseux, se contentant de prôner des solutions impossibles et de ne faire pression que sur Israël, sans jamais user de leur poids pour presser les palestiniens de s’asseoir à une table de négociations face aux israéliens, alors que Netanyahu a fait cette proposition plusieurs fois, et s’est toujours heurté à des dérobades d’Abu Mazen.

Il n’y a pas d’apartheid en Israël

Quand on se permet de l’interroger sur le bien-fondé du boycott en faisant le parallèle avec l’Afrique du Sud, il réagit vivement : il n’y a pas d’apartheid en Israël. Le boycott est inutile et vain, il ne changera rien. Comment s’en remettre à la communauté internationale quand on voit le chaos qui règne partout? Certes il est contre la prolifération des colonies, mais il est également contre la propagande anti israélienne qui se déverse partout dans le monde arabe.

Et A.B Yehoshua est splendide quand il répond à la question stupide qui lui est posée : “Deux anciens dirigeants sont en prison. Etes-vous fiers qu’ils aient pu être jugés ou horrifiés par leurs crimes délits?”. C’est dans un éclat de rire qu’il répond comme une évidence qu’il est fier de la justice qui a mis un ancien président en prison, et fier que ce soit un juge arabe qui l’ait fait et que personne n’y ait rien trouvé à redire.

Et il rappelle encore et encore qu’il est venu présenter un roman sur une femme qui ne veut pas avoir d’enfants, et non pour parler politiques, que ses livres tout comme ceux de Grossmann, sont lus et appréciés pour leurs qualités de romans, et qu’il faut bien être européen pour vouloir absolument trouver une dimension politique et une ligne critique envers Israël dans “La Figurante”, tout comme dans “Un cheval entre dans un bar”.

A.B Yehoshua est un grand auteur, et il ne se laisse pas manipuler : oui il est de gauche, non il n’adhère pas à la politique de Netanyahu, mais il ne veut ni donner un blanc-seing à un Abu Mazen frileux ni cautionner le BDS. Son principal intérêt est la recherche de la continuité de l’identité juive, dans un climat qui ne soit pas empoisonné par une occupation qu’il ne veut plus. Et on ne lui fera pas dire autre chose sur le plan politique.

Pour son talent, pour sa magistrale tenue face à qui veut le manipuler, il faut lire A.B Yehoshua.

Line Tubiana

Interviews donnés à France-Inter (à 1:22:18) et France-Culture.

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3 Comments

  1. excellente présentation de ce livre magnifique que je viens de lire: merci!
    oui Avraham B Yehoshua sait magistralement mettre les points sur les I lorsqu’il fait face à des journalistes peu enclins à parler pure littérature. Et c’est souvent le cas, aujourd’hui en France, lorsque l’auteur est Juif.

  2. Mais que peut bien être concrètement un état binational ? Et si les arabes devenaient simplement citoyens israéliens au sein d’un seul Etat, ça ne serait pas plus simple et réaliste ? Il y en a déjà plus d’un million, pourquoi les autres arabes de Judée refusent ? C’est là la seule et vraie question.

    C’est parce qu’ils veulent un Etat arabe régit par la charia (article 4 de la constitution de l’AP) ? Et bien dans ce cas qu’Israël définisse enfin ses frontières de façon unilatéral et leur laisse un réduit en Judée-Samarie pour y faire régner leur charia…

  3. André tu as raison, ils veulent un état arabe, car là au moins avec la charia, tu marches droit ou on te coupe le cou !La réalité serait plus simple s’ils reconnaissaient l’état hébreux et obtenir la citoyenneté israélienne, mais ils sont habitués à vivre dans des états dictatoriaux, d’ailleurs aucun état arabes sont des républiques car c’est contraire à leur philosophie-politico musulmane qui est le contraire de la laïcité ‘seulement eux en particulier’- à ma connaissance !

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