Procès Merah , la justice française ne pouvait pas faire mieux, par Raphaël Nisand

Beaucoup s’agacent ou s’indignent du verdict de la Cour d’Assises spéciale qui a jugé Abdelkader Merah.
 Il faut rappeler ici que la justice française s’est montrée particulièrement précautionneuse pour juger cette affaire.

Le frère du terroriste a été mis en détention provisoire dès 2012 et il purge donc sa 6ème année de détention provisoire, ce qui est juste énorme.
Pendant ce temps la justice n’a pas chômé et une instruction très approfondie s’est déroulée, une instruction comme il se doit, c’est à dire à charge et à décharge, une instruction qui recherche la vérité judiciaire par la constitution d’un dossier qui ne laisse aucun élément dans l’ombre.

Autant la réaction du pouvoir politique et des plus hautes autorités de police a été critiquable au moment des faits en 2012 en inventant cette thèse folle du « loup solitaire », autant la justice s’est montrée irréprochable en étant d’emblée d’une sévérité implacable avec le groupe terroriste, par exemple avec cette détention provisoire hors norme dans l’attente du procès.
Bien sûr on peut comprendre la déception des familles des victimes, bien sûr qu’Abdelkader Merah porte une responsabilité écrasante dans la tragédie des victimes et bien sûr que ce Merah là reste d’une dangerosité absolue.
Mais la Cour d’Assises composée exceptionnellement  uniquement  par des magistrats en matière de terrorisme  doit aussi juger en droit.
Il n’existe pas de crime de complicité intellectuelle et le crime de complicité nécessite pour être constitué que le complice ait commis des actes de complicité. 
Si l’accusé avait par exemple piloté le scooter c’était un acte de complicité, s’il avait donné des instructions orales ou écrites pour la commission de l’un des 3 crimes terroristes ç’aurait été un acte de complicité mais, sans que j’aie eu accès au dossier de la procédure, il est apparu au travers des comptes rendus d’audiences qu’il n’y avait pas d’acte de complicité proprement dit mais plutôt une complicité intellectuelle et une influence criminelle du grand frère sur le petit .
C’est la raison pour laquelle les magistrats ont retenu le crime d’association de malfaiteurs en lien avec un projet terroriste et non la complicité.
La lourdeur de la condamnation 20 ans de réclusion criminelle est à ma connaissance sans précédent pour un tel chef d’accusation.
C’est le maximum encouru,  ce qui n’arrive jamais
En condamnant Abdelkader Merah les magistrats de la Cour d’Assises ont montré qu’ils avaient tout compris, qu’ils prenaient en compte l’horreur des faits, la souffrance des victimes et la dangerosité de l’accusé.
Mais les magistrats n’étaient pas fautifs de ne pas avoir l’assassin lui même dans le box.
Ils n’ont pas pu paraphraser La Fontaine en disant à Abdelkader Merah par leur verdict, « si ce n’est toi c’est donc ton frère », parce que le dossier et le droit français tel qu’il est à ce jour ne le leur permettaient simplement pas.

Raphaël NISAND
Président d’honneur de la LICRA
Chroniqueur sur Radio Judaïca Strasbourg

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3 Comments

  1. Désolante cette analyse, nous sommes dans une situation de guerre, les crimes de guerres doivent être jugés par une justice d’exception…c’est totalement indécent d’utiliser des arguments d’une justice qui concerne les manquements dans le cadre démocratique…ce décalage entre crime contre l’humanité et notre institution judiciaire ordinaire est indécent….tout propos tel que le votre Mr NISAND est totalement inadapté à la situation de guerre totale que nous allons vivre…..

    • L’analyse de Me Nisand est celle d’un juriste . Il explique pourquoi un tribunal composé de magistrats ne pouvait juger qu’en droit et que devant l’absence de preuve la complicité d’assassinat punie de 30 ans de prison ne pouvait être retenue.Abdelkader Merah n’a pas tué mais il a fait tuer . Il va y avoir un autre procès et on verra si le verdict tiendra compte de l’etat De guerre où nous sommes et de la dangerosité du personnage . Enfin il faudrait un signal fort adressé à tous ceux qui veulent fracasser notre façon de vivre et l’avenir de notre pays.

  2. Massacre,défense et éthique

    La cour d’assise spéciale de Paris traite du massacre filmé et perpétré par l’assassin à Toulouse en 2012,sur les personnes de civils -dont des enfants tués à bout touchant- et de militaires.

    A l’intervention de maître Berger-Stegner -partie civile- accusant la mère de l’assassin, de «mentir comme une arracheuse de dents», maître Dupont-Moretti -défense- s’est emporté contre sa consœur en criant la menace: «Interrogez ma mère dans ces conditions-là, vous allez voir!(…)C’est la mère d’un accusé et la mère d’un mort!»

    Ce genre d’échanges est usuel dans les prétoires. Cependant, compte tenu du caractère exceptionnellement sanguinaire et haineux des circonstances, des charges et de la nature du dossier, la riposte de Dupont-Moretti a de quoi choquer.

    En France, deux écoles de conseils de Droit pénal se font face. L’une, héritière des avocats promoteurs des Droits de l’Homme et de la Défense (maîtres Torrès, Badinter, etc)repose sur le respect des règles de l’éthique. L’autre, héritière des méthodes de l’avocat Vergès, estime que la fin justifie les moyens et outrepasse les règles les plus élémentaires de la déontologie attachée au Barreau.

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