Marc Rameaux. La Marche pour Sarah Halimi, un autre point de vue

Faut-il arborer le drapeau israélien lors de la manifestation demandant justice pour Sarah Halimi ? Question difficile. Des personnes estimables se déchirent dessus, sans doute parce qu’elle pose un problème bien plus difficile qu’il n’y paraît.

En sortant le drapeau israélien, on manifeste que l’on n’accorde plus un pouce de confiance à la France pour rétablir la justice. Les contradicteurs de David Duquesne ont ainsi mis en avant un antisémitisme atavique de la France, irrémédiable, qui justifie que l’on en appelle uniquement à l’état juif pour assurer la défense d’une communauté que la France n’est plus capable de protéger.

Le danger de cette position est qu’elle capitule devant les assauts des islamistes pour faire de la France une terre conquise. Elle considère que la partie est entièrement perdue et que la France a déjà rallié irrémédiablement le mauvais camp.

Je crois qu’il faut continuer de se battre pour la France avant une telle abdication. Faute de quoi, reconnaître ainsi que la partie est perdue, c’est céder au désir des islamistes et faire exactement ce qu’ils souhaitent.

Je comprends cependant la position de ceux qui veulent déployer des drapeaux israéliens, même si ce n’est pas la mienne, et je crois qu’il faut s’attacher à la comprendre.

S’il faut lutter de toutes nos forces pour que la France demeure capable de rendre justice et défendre une communauté menacée, il faut reconnaître qu’elle n’est pas loin de prouver son incapacité totale à défendre la communauté juive.

Plus grave, de nombreux faits viennent étayer que les juifs français sont sacrifiés sur l’autel d’intérêts électoralistes : non seulement on ne les défend plus, mais on les livre à leurs prédateurs. L’aplaventrisme de la Macronie vis-à-vis des influenceurs islamistes, son absence totale de réaction face à des provocations de plus en plus poussées, justifient le sentiment d’une faillite totale de l’état français et de surcroît d’une faillite volontaire.

Israël n’est pas seulement un état juif. Israël est le symbole du fait que les juifs ne se laisseront plus faire, que nul ne peut opprimer une communauté juive dans le monde sans devoir rendre des comptes.

Ceux qui veulent en appeler au drapeau israélien exigent ce rappel, très compréhensible. La position estimant que la France est indécrottablement antisémite est cependant contradictoire : pourquoi, dans ce cas, manifester ? On proteste lorsque l’on réclame quelque chose, que l’on attend encore de quelqu’un une chose dont on le croit capable.

Lorsque l’on crie sur quelqu’un, qu’on l’insulte, qu’on le secoue, cela signifie que l’on garde encore une petite portion d’estime pour lui, en pensant qu’il peut encore réagir. Lorsqu’on le pense atteint de façon irrémédiable, la position cohérente et de se détourner totalement, de ne plus même lui adresser la parole.

Il faut mesurer la part d’affectivité de cette situation. Je ne suis pas juif, mais j’ai moi aussi souvent envie de crier sur la France, de lui hurler dessus, de la secouer en tous sens pour qu’elle réagisse et sorte de son apathie complice. Ceux qui estiment la France aujourd’hui irrémédiablement antisémite sont souvent des juifs français qui ont passionnément aimé la France, adhéré à sa société et dont la désillusion est à la hauteur de la trahison. Une trahison de plus pourrait-on dire. Il faut comprendre ce sentiment.

Il s’agit finalement d’une question d’appréciation. Je crois que nous avons encore les moyens de nous battre pour la France, pour qu’elle ne soit pas le jouet des islamistes et que nous devons le faire. Mais je suis peut-être trop optimiste. Le scénario noir est que nous ayons déjà basculé dans la situation de l’Algérie noyautée par le FIS. Lorsque l’on voit l’état d’un grand nombre de quartiers français et la lâcheté munichoise de nombre de nos politiques, je comprends que l’on puisse tenir l’autre discours.

Lorsque l’on est dans une manifestation en France, le drapeau israélien doit être sorti à mon sens dans une situation grave, de survie immédiate, lorsque l’on considère que la partie est définitivement perdue par la nation française. Le drapeau Israélien est le Chema Israël, l’appel ultime : le sortir trop souvent serait le dévaluer. Est-il trop tôt pour le déployer ou bien le meurtre de Sarah Halimi et son déni de justice montrent-il que justement, il est temps ?

Je pense qu’il faut encore tenir, que c’est à la république française qu’il faut encore demander de faire respecter la justice sur son territoire et qu’elle doit prouver qu’elle ne tolère pas de meurtre antisémite. Mais la situation est si tangente que je peux me tromper. Je respecte l’autre opinion.

Pour cette raison, je ne serai pas choqué de voir, le 5 janvier, des drapeaux français comme des drapeaux israéliens flotter au vent.

Nous ne pouvons nous permettre la désunion. La loyauté d’un David Duquesne à l’égard d’Israël ne peut être remise en cause, au vu du travail considérable qu’il apporte depuis des années. L’absence d’une Sarah Cattan le 5 janvier ne me paraît pas concevable. L’on dit souvent que le déni de jugement est une deuxième mort pour Sarah Halimi. Notre désunion serait sa troisième.

Si un jour la France venait à basculer, à plier pour être soumise aux islamistes, que ceux qui estiment la France irrémédiablement antisémite sachent qu’un chrétien dira “Ecoute Israël” et qu’il se battra à leurs côtés, jusqu’au bout.

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