Tout prendre sans rien donner Par Schlomo Avineri

Pas de compromis, pas de concessions, gelez toutes les implantations, Jérusalem est à nous, Nous ne reconnaîtrons jamais Israël comme l’État nation des juifs, Le droit du retour pour tous les réfugiés “, déclare Mahmoud Abbas à Netanyahu qui écoute Tzipi Livni lui préciser: ” Et bien sûr, si les négociations échouent ,ce sera de ta faute “

Palestinian authority President Mahmoud Abbas
Mahmoud Abbas

Jusqu’à ce jour la tactique adoptée par les Palestiniens consistait à arracher des concessions et ensuite suspendre les négociations pour les reprendre là où elles avaient été interrompues.
Lors de son mandat de Premier ministre (2006-2009), Ehud Olmert avait rencontré à 36 reprises (peut-être même 37) le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas sans jamais parvenir à aucun accord. Mais cela n’a pas empêché Olmert lors d’une récente interview sur la 2ème chaine (de Télévision israélienne) de se déclarer convaincu qu’Abbas était le bon partenaire pour parvenir à un accord.
Olmert était prêt à aller plus loin qu’aucun autre dirigeant israélien avant lui, pour satisfaire les exigences des Palestiniens y compris sur les questions de Jérusalem, de la Vallée du Jourdain et des échanges de territoires. Il avait notamment proposé l’évacuation de 70,000 habitants d’implantations et concédé à titre de geste de bonne volonté humanitaire, au retour de 5000 réfugiés palestiniens (ou de leurs descendants). Cela en dit long sur la conviction d’Olmert quant à la nécessité pour Israël de faire des concessions douloureuses, et pour qui connait son parcours et ses opinions politiques, ce courage et cette détermination à faire la paix ne peuvent que forcer l’admiration.
Mais à quoi tout cela a-t-il finalement abouti ? Lorsque Olmert a proposé à des dizaines de reprises, lors de ses rencontres avec son homologue palestinien, de signer un document portant sur les concessions qu’Israël était prêt à faire, Abbas s’y est toujours obstinément refusé. Olmert a pourtant interprété cela comme une réponse ne signifiant ni oui ni non, de la part de Abbas. Mais cette façon de voir les choses semble tout compte fait absurde car en refusant de signer un tel document, Abbas se prononçait clairement contre la conclusion d’un accord (de paix avec Israël).
Evidemment Abbas n’était pas disposé, à l’époque, à prendre d’engagement quel qu’il soit, mais il était prêt par contre, à exiger d’Olmert d’incommensurables concessions. Et voilà que les Palestiniens décident alors d’interrompre les négociations. Résultat : lors de la reprise des pourparlers, les Palestiniens insistèrent pour que ceux-ci reprennent là où ils les avaient interrompus et aient comme point de départ, les généreuses offres concédées par Olmert, et ce sans qu’aucune contrepartie ni concession n’ait jamais été accordée par eux.
Est-ce que j’interprète mal les choses ? Je ne pense pas puisqu’il s’était déjà produit exactement la même chose avec Yossi Beilin en 1995 alors qu’il menait des négociations avec Abbas (Beilin étant alors vice-ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Shimon Pérès et chargé des pourparlers avec les Palestiniens). Les négociations avaient alors débouché sur d’énormes concessions de la part des Israéliens, lesquels avaient demandé la mise sur papier de ce protocole d’accord qui, pensaient-ils, pourrait servir à l’élaboration d’un accord final. Mais à ce moment-là aussi, rebelote : Abbas avait refusé de signer. L’accord Beilin-Abbas ne vit donc jamais le jour et resta lettre morte, bien que contenant toutes les concessions accordées par Israël aux Palestiniens.
A Camp David le président américain Bill Clinton excédé par les esquives palestiniennes avait, à bout de patience, fait remarquer à Yasser Arafat qu’il torpillait tout effort de paix en rejetant systématiquement toutes les offres qu’on lui proposait. Il suggéra donc au dirigeant palestinien de soumettre sa propre proposition, mais cette dernière n’arriva jamais sur la table des négociations.
Le refus systématique d’Abbas de signer quelque document que ce soit, que ce soit avec Olmert ou avec Beilin, prend donc toute sa signification , à savoir ; nous n’avons pas de partenaire pour les négociations mais en revanche eux (les Palestiniens) sont un excellent partenaire pour mener des discussions visant à extorquer d’Israël davantage et plus encore de concessions et bien s’assurer à les coucher sur papier . Puis, sous un prétexte ou un autre, voilà qu’ils recourent à leur vieux bon stratagème qui consiste à refuser de signer quelconque accord et mettre fin aux négociations pour mieux les reprendre là où elles s’étaient arrêtées, à savoir, là où les palestiniens avaient réussi à engranger des concessions arrachées à Israël et ce, sans avoir cédé, de leur côté, le moindre iota de concession.

TROUVER DES SOLUTIONS ALTERNATIVES

Si le même phénomène venait à se reproduire durant ce nouveau round de négociations, Israël devrait alors préparer une alternative à un accord global, accord qui s’avère être actuellement quasiment inaccessible. Israël devrait donc être en mesure de soumettre une proposition sérieuse visant à parvenir à des accords provisoires ou partiels et par ailleurs se préparer à prendre des mesures unilatérales et notamment mettre un point final aux projets de construction dans les territoires controversés.
En conclusion il faudra qu’il Israël montre qu’à défaut d’un accord final qui aurait eu le mérite de mettre officiellement fin au conflit l’opposant aux Palestiniens, il lui est possible de trouver des solutions alternatives destinées pour le moins à réduire les antagonismes et apporter des changements positifs significatifs entre les deux peuples, à l’instar de ce qui se passe actuellement à Chypre, au Kosovo et en Bosnie.
Pour l’heure il faudra donc se contenter d’une cautérisation de la plaie….

Quelques mots

sur

Schlomo AVINERI

shlomo1
Shlomo Avineri est né en Pologne en 1933 – politologue et historien israélien, idéologue social-démocrate, professeur de sciences politiques à l’Université Hébraïque de Jérusalem. Entre 1975 et 1977 il fut directeur général du ministère des Affaires étrangères d’Israël, où officiait alors Yigal Alon (dans le gouvernement dirigé par le Premier Ministre, Itzhak Rabin).
Il fut membre du National Democratic Institute, lauréat du Prix Israël (1996) et membre de l’Académie israélienne des sciences et lettres depuis 2012.
Spécialiste de Karl Marx et Hegel.
Schlomo Avineri – Haaretz – Février 2014 ( extrait)
Traduction: Betty HAREL
 

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