Quand l’Argentine se moque d’Israël, par Maxime Perez

Depuis près de vingt ans, les autorités argentines ne jouent pas franc-jeu dans lenquête portant sur lattentat de lAMIA à Buenos Aires, pas plus quelles ne prennent leurs distances avec ses commanditaires. Et voilà quelles sindignent du dérapage, voulu ou pas, dun ancien diplomate israélien.

Attentat AMIA Argentine - 1994
Attentat AMIA Argentine – 1994

« La grande majorité des coupables n’est plus de ce monde, et nous l’avons fait nous-mêmes ». Sortie de son contexte, la phrase pourrait être aisément attribuée à Golda Meir, celle qui, au lendemain de la prise d’otages de Munich par un commando palestinien, ordonna la traque de tous ses membres. Mais cette apparente revendication, aussi surprenante qu’inattendue, porte la signature d’Itzhak Aviran, ancien ambassadeur d’Israël en Argentine, à propos des attentats sanglants de Buenos Aires, dans les années 1990, contre le siège de la mutuelle juive  AMIA et celui visant son ambassade, auquel il avait lui-même échappé de peu.
Peut-être, s’agit-il d’une joute verbale sans fondement venu d’un homme « déconnecté des réalités » – dixit le communiqué du ministère des affaires étrangère israélien -, d’un embarrassant dérapage ou, en dernier lieu, d’une provocation réfléchie. Mais au fond qu’importe, les propos d’Itzhak Aviran ont un mérite : démasquer l’hypocrisie des responsables argentins qui perdure depuis deux décennies. Car l’’entretien qu’il a accordé à l’Agence juive d’information (Agencia Judia de Noticias, AJN) a déclenché l’ire de Buenos Aires, et une mini crise diplomatique avec Jérusalem.
Sur son compte Twitter, le chef de la diplomatie argentine, Hector Timerman – qui par ailleurs est juif -, a ouvertement accusé Israël de dissimuler des informations, s’offusquant même qu’un Etat puisse condamner et assassiner une personne sans qu’un procès ne démontre sa culpabilité. « Comme tous les pays civilisés, l’Argentine veut la justice et rejette la vengeance », écrit-il, sans toutefois incriminer les services secrets israéliens du Mossad. Cette levée de boucliers a de quoi surprendre venant d’un pays incapable de réagir avec dignité après les attentats les plus meurtriers de son histoire – 114 morts -, et qui n’a jamais coopéré comme il se doit avec la Justice sur une affaire de terrorisme international aux ramifications complexes mais dont les instigateurs sont connus et recherchés.
Car les preuves rassemblées par le juge en charge de l’enquête à Buenos Aires désignent sans détour le Hezbollah libanais, lequel aurait agi sur ordre de son parrain iranien. C’est sur la base de ces conclusions que plusieurs responsables de la République islamique, dont l’actuel ministre de la Défense Ahmad Vahidi, sont entrés dans le viseur d’Interpol.
Itzhak Aviran
Itzhak Aviran

Le 9 novembre 2006, un mandat d’arrêt international pour « crimes contre l’humanité » avait même été délivré par le juge fédéral Rodolfo Canicoba Corral à l’encontre de l’ancien président Hachemi Rafsandjani et de sept autres fonctionnaires et diplomates iraniens dont l’ancien ministre de l’Information et de la Sécurité, Ali Fallahian, l’ancien ministre des Affaires étrangères Ali Akbar Velayati, deux autres anciens diplomates et un ancien responsable de la sécurité du Hezbollah. Téhéran, qui a toujours nié son implication dans ses deux attentats, affirme que le juge argentin a suivi une fausse piste.
Reste qu’au cours des vingt années écoulées, Buenos Aires n’a jamais soutenu outrageusement le mécanisme judiciaire. « Ni Carlos Menem [président argentin de 1989 à 1999], ni Fernando de la Rua [1999-2001], ni les suivants n’ont fait quoi que ce soit pour élucider ce drame », rappelle, à juste titre, Itzhak Aviran, en poste à Buenos Aires de 1993 à 2000. « Nous avons toujours besoin d’une réponse [de l’Etat argentin] sur tout ce qui s’est passé », dit-il. « Nous savions qui étaient les auteurs de l’attentat de l’ambassade et ils ont même agi  une seconde fois. » L’attitude des autorités a de quoi décourager la communauté juive argentine, la plus nombreuse de toute l’Amérique latine – 300.000 membres.
En octobre 2012, l’Iran et l’Argentine ont rouvert un canal de discussions sur l’attentat de l’AMIA, à Genève, puis New York. Mais en dépit des demandes répétées de Jérusalem, le gouvernement argentin a sans cesse refusé à Israël le moindre renseignement sur l’avancée des pourparlers. Seules les réunions qui se tenaient entre le ministre des affaires étrangères de l’Argentine, Hector Timerman, et les représentants de la communauté juive du pays, avaient permis l’obtention d’informations générales sur les négociations en cours, largement insuffisantes aux yeux d’Israël.
L’Etat hébreu avait pourtant pris ses précautions. Avant les premières rencontres des pourparlers entre responsables iraniens et argentins, des émissaires du ministère israélien des Affaires Etrangères s’étaient rendus à Buenos Aires et avaient transmis un message sévèrement formulé spécifiant qu’Israël n’accepterait pas la signature de tout accord qui serait au détriment des victimes. En outre, les diplomates israéliens ont été inflexibles dans leur demande que l’Argentine doit insister sur l’extradition des suspects iraniens.
Dans les faits, l’enjeu financier et stratégique que représentent les relations entre Téhéran et Buenos Aires – dont on sait aujourd’hui que ces dernières ont comporté un volet nucléaire – a eu raison de la justice. Alors que les coupables avaient déjà été désignés, la présidente Cristina Kirchner annonçait triomphalement, en janvier 2013, la mise en place d’une « Commission Vérité » conjointe avec le régime des Mollahs, laquelle engagerait des enquêteurs indépendants, à savoir ni argentins, ni iraniens. Un pas en arrière qu’avait condamné le gouvernement israélien, ainsi que le procureur argentin en charge de l’enquête, Alberto Nisman, qui l’avait jugé anticonstitutionnel et à même de valoir à son pays des sanctions.
Maxime Perez 

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