Ne t’inquiète pas, maman. Par Michèle Chabelski

Bon
Vendredi

Chabbat
Chabes

Maman est partie il y a un an.

Elle avait 98 ans, presque toute sa tête et s’en est paisiblement allée rejoindre papa qui lui manquait si cruellement.

Elle était venue à Paris bébé et les effluves de culture russe qui avaient grisé son enfance avaient fait place à une floraison française qui la laissèrent, elle et ma grand-mère, en état de sidération quand un milicien français vint tenter de les cueillir le 16 juillet 1942 lors de la Rafle du Vel d’Hiv.

Mais la gardienne monta bruyamment les escaliers en invectivant le milicien qui tambourinait à la porte.

Arrêtez de faire ce raffut !
Elles sont parties très tôt ce matin, inutile de réveiller les voisins !

Elles vont revenir ?

J’en sais rien.

Bon. Je repasserai ce soir.

Cette femme, dont j’ai oublié le nom, n’a pas été proposée au titre de Juste parmi les Nations.

Elle l’aurait mérité, comme bien d’autres, bouquet d’humains fleurant la grâce au milieu d’un cloaque de témoins passifs, quand ce n’était pas des collabos ..

Mur des Justes, Mémorial de la Shoah à Paris. Wikipédia

Il lui en est resté une gratitude éternelle pour cette femme et les autres Français sauveurs de juifs, tressée à une trouille jamais guérie qui l’avait rendue anorexique.

Et son désir d’assimilation à ce pays qu’elle aimait avec passion, cette nouvelle patrie que lui avait genereusement offert Lenine par ses sanglants agissements sur les Russes blancs, elle me l’avait transmis, petite fée française aux yeux bleus qui parlait avec les intonations faubouriennes d’Arletty.
Même si elle avait inconsidérément aimé et épousé un griner qui considérait la France comme un espace de transit, en partance pour Israël.

En Israël ?
Jamais!

Elle qui s’était dessiné des bas au brou de noix pendant les hivers glacés de la guerre,y ajoutant par coquetterie une couture chic, ne comprenait pas ce qu’elle irait faire dans ce pays encore un peu sauvage.
Le sionisme ne hantait pas ses nuits et arc boutée sur le macadam de sa ville chérie, elle le convainquit de rester à Paris.

Elle s’en est allée l’année dernière, avait connu le martyre de Ilan Halimi, de Sarah Halimi et de Mireille Knoll.

Mais la recrudescence d’actes antisémites de cette dernière année ponctuée de l’abject terrifiant Juden sur la vitrine d’une boulangerie parisienne me rendent son absence moins douloureuse. Je remercie le ciel qu’elle n’ait pas eu à vivre ça, elle qui avait gardé comme des acouphènes le fracas du poing milicien s’abattant contre la porte derrière laquelle elle était recroquevillée de terreur.

Elle a vécu sur une terre amie, accueillante, bienveillante et ma prière qui monte au ciel aujourd’hui ne demande rien d’autre que ce hâvre de paix qu’elle souhaitait avec ferveur transmettre à ses enfants, petits enfants et arrières petits enfants..

Ne t’inquiète pas, Maman, les turbulences de l’Histoire vont cette fois se cogner à la raison des hommes..

Je lui mens, pour qu’elle ait moins peur..

Que cette journée signe une respiration paisible et gaie, pleine des rires et des embrassades bruyantes d’un heureux Chabbat..

Chabbat Chalom
A git chabes

Je vous embrasse

Michèle Chabelski

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1 Comment

  1. Pensez vous que bientôt ,vous participerez a nouveau aux commémorations ,a la mémoire de …et de…et autres cérémonies officielles ou non.?
    Dans cette terre de France ,( ce qui l en reste…

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