Le droit de ne pas savoir. Sarah Cattan

Il a le droit, tweetait à raison Francis Szpiner à propos de T. Ramadan, de se défendre comme il peut.

Que cesse le grand déballage. Tout  ce ramassis indécent et qui n’apporte rien au débat. Moi je revendique le droit de ne pas savoir.

Demain mardi au Tribunal de Paris une audience se tiendra. Le livre de l’islamologue sera je l’espère interdit en l’état : Une des femmes qui l’accuse de viol a déposé un référé afin d’en faire interdire la parution prévue mercredi 11 septembre. L’auteur y cite 84 fois l’identité de la plaignante.

Alors qu’il est mis en examen pour viol, et qu’il devient difficile d’échapper aux détails de la vie sexuelle du prédicateur et aux SMS que lui et ses maitresses échangèrent, moi en tout cas je dis : pause.

Pause.

J’invoque avec Soljenitsyne le droit de ne pas savoir.

Que tout ça soit déballé dans l’enceinte d’un Tribunal.

Stop aux invitations sur les plateaux.

On a eu Yann Moix et son grand déballage d’un tout autre ordre.

Qui a pu y échapper : personne.

Pour le prédicateur, l’article 39 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui interdit de diffuser des renseignements concernant l’identité d’une victime d’une agression ou d’une atteinte sexuelles devrait nous sauver la mise. Nous épargner.

Pour les autres, qu’ils passent leur chemin.

Qui veut savoir comment l’islamologue a vécu l’affaire ?

Qui veut savoir comment se passèrent ses dix mois de détention ?

Qui, pour finir, a envie de comprendre comment le personnage a osé établir un parallèle entre son cas et celui du Capitaine Dreyfus ?

Soljenitsyne, ou Le droit de ne pas savoir

Invoquons, avec Soljénitsyne,  le droit de ne pas savoir. Ce droit de pas savoir qu’il revendiqua à Harvard le 8 juin 1978 dans le Déclin du courage, interrogeant : Une presse pour dire quoi ? Fustigeant ces infos qui embrument le cerveau des auditeurs — et s’y fixent. Dénonçant cette presse qui a le pouvoir de contrefaire l’opinion publique, et aussi celui de la pervertir.

Au slogan Tout le monde a le droit de tout savoir, l’écrivain oppose le droit qu’a l’homme de ne pas savoir, de ne pas encombrer son âme créée par Dieu avec des ragots, des bavardages, des futilités : Les gens qui travaillent vraiment et dont la vie est bien remplie n’ont aucun besoin de ce flot pléthorique d’informations abrutissantes.

Opposant, dans Le déclin du courage, l’écœurement matérialiste et le vide spirituel de la société occidentale à la violence du système soviétique, Soljénitsyne disait son désarroi : Faut-il rappeler que le déclin du courage a toujours été considéré comme le signe avant-coureur de la fin…

Bourdieu, au secours

Avec Bourdieu[1] encore, refusons cette télévision qui menace à la fois la production culturelle, la vie politique, et la démocratie d’un nivellement vers le bas. Qui aboutit à dédouaner les individus, autant manipulés que manipulateurs.

Ainsi, s’Il a le droit de se défendre comme il peut, Prônons notre droit à ne pas en savoir davantage. Et si par malheur nous tombons sur les confessions de l’un ou l’autre, reprenons, comme l’a excellemment fait Elisabeth Lévy sur Sud Radio, l’expression d’Alain Finkielkraut: nous voilà là devant la souffrance de la liberté, préférable, il va sans dire, à la censure.

Appuyons sur Pause.


[1] Sur la télévision. Pierre Bourdieu. 1996. Raisons d’agir éditions

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