La guerre des tunnels à Gaza, un semi-échec ? Par Maxime Perez

La première mission de l’opération « Bordure protectrice » a été remplie, mais aurait pu mal tourner. Un rapport épingle la mauvaise préparation des forces israéliennes, en dépit d’informations précises sur cette menace. Au plus haut niveau de l’échelon politique et militaire.
tunnel
Une enquête du quotidien Haaretz remet en cause la capacité de Tsahal à neutraliser, cet été, la menace posée par les tunnels du Hamas. Au plus fort de son opération terrestre dans la bande de Gaza, l’armée israélienne occupait une zone-tampon large de 2 km, du nord au sud de l’enclave palestinienne, et ce pour détruire les 32 tunnels d’infiltration identifiés par le renseignement israélien.
Néanmoins, un certain nombre de lacunes, ainsi que des plans opérationnels improvisés sur le tas, ont conduit à un prolongement de l’opération bien au-delà des estimations initiales. Ces retards provenaient aussi des atermoiements du cabinet de sécurité, longtemps hésitant sur la marche à suivre, alors que l’échelon militaire n’était pas farouchement en faveur d’une action au sol pour détruire les tunnels.
Précisément, les premières frappes aériennes qui ont visé les tunnels à Gaza ont compliqué la tâche du génie militaire israélien, quand ses unités ont entamé leur travail de déminage. Certaines entrées ou ramifications avaient été obstruées ou affaiblies, d’autres menaçaient de s’écrouler à tout moment sur les soldats. Bien qu’entrainées pour faire face à ce genre de situations, les forces terrestres ne disposaient pas des moyens appropriés pour faire sauter ces infrastructures souterraines.
L’enquête du Haaretz s’appuie sur des entretiens avec les vingt principaux acteurs impliqués dans la conduite de l’opération terrestre à Gaza : membres du cabinet de sécurité, officiers supérieurs de Tsahal, ainsi que les militaires ayant participé à la destruction des tunnels. Elle révèle que la menace des nouveaux tunnels du Hamas était connue du gouvernement depuis le début de l’année 2013. Chaque mois même, un rapport détaillé était fourni par les renseignements militaires au premier ministre Benyamin Netanyahou, à son ministre de la défense, Moshé Yahalon, et bien sur au chef d’état-major de Tsahal, Benny Gantz.

Politique de retenue

Chaque document spécifiait le nombre de tunnels existant, leur localisation et leur trajectoire, parfois multiple à la faveur de nouvelles ramifications construites par le Hamas. Le commandement sud de l’armée israélienne disposait alors de tous les moyens nécessaires pour traquer cette menace et suivre son évolution, au cas par cas. A la décharge de l’échelon militaire, aucune technologie ne permettait d’affirmer que ces tunnels débouchaient en territoire israélien.
Privilégiant une politique de retenue, le gouvernement et l’état-major de Tsahal exclurent tout projet d’attaque préventive du côté palestinien de la frontière. Alors qu’il disposait d’informations suffisamment précises, l’Etat hébreu a délibérément choisi de ne pas agir, par souci de ne pas provoquer d’escalade avec le Hamas qui viendrait interrompre le fragile cessez-le-feu qui régnait encore l’an passé.
Le problème, c’est que l’armée n’en a pas profité pour se préparer comme il se doit à cette mission qui fatalement, tôt ou tard, allait lui incomber. Si, depuis la guerre contre le Hezbollah en 2006, de nombreuses unités d’infanterie, régulières et réservistes confondues, avaient appris à donner l’assaut contre des tunnels reconstitués à des fins d’entrainement, aucune de ces structures ne reproduisait réellement la complexité des nouveaux tunnels d’infiltration de Gaza. D’autre part, les soldats ne s’y exerçaient que deux fois par an, tout au plus. Sans surprise, quand l’opération « Bordure protectrice » fut déclenchée en juillet, l’état-major de Tsahal savait que les troupes rencontreraient des difficultés, d’où sa réticence à engager une opération terrestre contre les tunnels.

Un signal en avril

Le gouvernement israélien n’est pas moins fautif. De 2013 à l’été 2014, en dépit des rapports en possession de Netanyahou et Yaalon, toutes les réunions du cabinet restreint se concentraient sur la question du nucléaire iranien et sur la situation en Syrie. Seul Yaakov Amidror, conseiller à la sécurité national, avait été mis dans la confidence. Mais il affirmait manquer d’informations pour provoquer une prise de conscience au sein de l’échelon politique et militaire. Comment croire alors que des tunnels pouvaient constituer une menace stratégique ?
En avril dernier, pourtant, un premier signal a été détecté. Les renseignements militaires israéliens avaient acquis la certitude que le Hamas se préparait à une attaque d’envergure au moyen d’un tunnel, près du Kibboutz de Kerem Shalom, en lisière sud de la bande de Gaza. Là même où Gilad Shalit fut capturé en juin 2006. Le Shin Bet a immédiatement averti le gouvernement, spécifiant dans sa note que l’objectif du Hamas étaient de kidnapper des soldats et des civils pour obtenir la levée du israélien et égyptien sur Gaza.
Le 30 juin, alors que les corps mutilés et sans vie des trois adolescents israéliens sont retrouvés dans le secteur de Hébron, le ministre de l’Economie, Naftali Bennett, propose de punir le Hamas en détruisant tous les tunnels identifiés ces derniers mois par le renseignement militaire. Sa proposition n’a pas été retenue par le cabinet, davantage préoccupé par les scènes d’affrontements à Jérusalem-Est et la perspective d’un embrasement des territoires sous contrôle palestinien, en Cisjordanie. Moshé Yahalon propose une modeste alternative : tirer des fusées éclairantes autour de Gaza pour faire comprendre au Hamas qu’Israël n’ignore rien de ses plans.
Le 6 juillet, alors que des tirs de roquettes sporadiques mais de plus en plus intenses visent le sud d’Israël, le commandement sud de Tsahal mobilise une trentaine de bulldozers pour localiser ce tunnel d’infiltration du Hamas. Les travaux de terrassement ne donneront rien. L’état-major ordonne alors à l’aviation de bombarder lourdement la zone palestinienne faisant face au kibboutz de Kerem Shalom. 30 bombes à guidage GPS sont larguées par des appareils israéliens. L’attaque provoque la mort de 7 combattants du Hamas, pris dans leur propre piège. Le mouvement islamiste réagira en déclenchant un déluge de feu contre le territoire israélien. La guerre durera 50 jours.
Maxime Perez
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