Humeur du jour. Des paradoxes de l’identité. Khaled Slougui

Encore une et je vais, encore une et je va… Ce matin, j’ai vraiment traîné des pieds pour aller défier mon ordi et toutes les nouvelles qui n’ont rien de nouveau et que, à l’instar d’autres victimes, je vais me farcir. J’ai même failli renoncer à cet exercice auquel je me suis habitué, c’est tout (dixit mon pote Brel). Finalement, c’est l’envie irrépressible de faire chier avec mon HUMEUR qui l’a emporté, à trois jours d’une nouvelle année qui s’annonce avec beaucoup d’incertitudes. Reste le thème? Et là, j’avoue que je n’ai pas hésité, j’ai convoqué une notion que j’ai déjà effleurée par le passé : l’identité. Rappelez-vous, “Lumineux et ténébreux”, “Eloge de la diversité”, “Sur le racisme”, “Fils de…”, “Je ne fais pourtant de tort à personne”…etc.
Aujourd’hui, il est question de m’y frotter, aussi épineuse soit-elle.

Je me propose de l’aborder à partir d’expériences vécues, les miennes, le long de mes périgrinations et de mon errance, de plus d’un demi-siècle. Voici donc :

1- Si l’on reprend les oppositions, les altercations, les affrontements, parfois même avec beaucoup de violence, qui ont cours sur les réseaux sociaux, ou par médias interposés, force est de constater qu’ils renvoient tous, peu ou prou à la thématique de l’identité; même si on ne peut la percevoir qu’indirectement, à travers les aspects politiques, idéologiques, culturels…
Les êtres humains ont toujours répugné à la différence de l’autre, ils se sont toujours rassurés par la proximité de celui qui est comme eux, sur tous les plans (il prie, il pense, il mange, il baise, il s’amuse, il s’habille…Comme eux).

En vérité, il s’agit d’une éclipse du “je” au profit du “nous”; même si le vrai “nous” ne peut émerger que si le “je” s’affirme comme conscience de soi indépassable.

Partant de là, il ne saurait y avoir d’identité que collective; c’est ce qu’on appelle le communautarisme, un fléau qui menace la république.

Secundo : je vais être plus concret en rapportant des historiettes vécues :

– Il y a deux semaines, j’ai assisté à une matinale organisée par le département sur le thème : “Prévention de la délinquance et radicalisation”. A l’entrée de la salle, il y avait un grand responsable qui faisait un peu l’accueil des invités. On se connaissait, pour avoir participé à des réunions communes, et il est intervenu à deux colloques organisés par notre association. On s’est salué, mais il s’est attardé avec moi pour me parler de la pose de la première pierre d’une mosquée, croyant que j’allais sauter de joie à l’annonce. En fait, il m’a gâché la journée, et avec l’ami qui m’accompagnait, on s’est dit “c’est mal parti”. Le croyant transcende le citoyen, joli programme!

– Il y a quelques jours, quelqu’un que je ne connaissais pas a répondu à un petit post que j’ai publié sur les gilets jaunes : “On n’a pas vu vos compatriotes à la manifestation”. De sang chaud bouillant, j’ai pensé un instant que je devais l’écrabouiller, intellectuellement s’entend. Après, je me suis ravisé, j’ai juste répondu : mes compatriotes, ce sont les gilets jaunes. A partir de mon prénom, il m’a attribué une appartenance qui en réalité n’existe que dans son fantasme, et dont certainement il ne connaît pas grand chose.

– Il y a quinze ans, je dispensais en cité des associations un cours de langue et civilisation arabe, pour contrer l’arabe enseigné dans les mosquées, bénévolement. Le cours était étai suivi par des gens de différents âges qui se régalaient.

Comme toujours, je me présentais comme musulman à ma façon. Un jour, une charmante dame, a posé sa main sur mon épaule pour me chuchoter à l’oreille : ” Khaled, je m’éclate avec ton cours, mais au fond de toi-même, est-ce que tu te sens vraiment musulman?”. Incroyable!………

3- Tertio : Que faire? disait Lénine.
Même si l’intention de l’autre n’est pas toujours mauvaise; ce type de comportements et de remarques renvoie à une essence commune, celle qui consiste à “perpétuer les préjugés qui se sont avérés tout au au long de l’histoire comme pervers et meurtriers”, pour parler comme Amin Maalouf.

Il faut s’élever, prendre de la hauteur, et ne pas s’abaisser à leur niveau.

En ces cas-là, j’essaie de les amener à s’interroger sur le fait que le problème est en eux et donc la solution aussi : il faut qu’ils se débarrassent des schémas préétablis et des chaînes qui les lient indissolublement, irrémédiablement, fatalement à leurs communautés.

Ils doivent en finir avec l’assignation, à priori, d’une identité à l’autre.

Il ne faut rien céder à la préséance de la communauté factice sur l’individu.

Conclusion : L’objectif de cette HUMEUR n’est pas de donner des leçons à qui que ce soit, il est d’abord d’affirmer des convictions. Si ce faisant , elle pouvait susciter du doute, des questions, des interrogations, cela me rassurerait quelque part.

Enfin, je termine en racontant à la “va vite” une soirée avec une amie à Paris, elle se reconnaîtra certainement.

L’amie en question, je ne la connais que depuis trois mois. Elle m’a intéressé par l’ampleur de l’engagement sur la laïcité, sa vision très libérée des choses et surtout sa détermination à toute épreuve. Bref, nous sommes sur la bière (la 1664 et la Chouffe, avant d’aller manger), lorsque je démarre sans crier gare sur la question de l’identité”, et je m’exprimais à peu près ainsi :
” L’identité n’est jamais acquise une fois pour toutes, elle est le résultat d’un processus fait d’acquisisition et de dépérissement; elle est en perpétuelle construction et varie sensiblement d’un individu à un autre; elle est ce qui fait que je ne suis identique à aucune autre personne; elle est la richesse de chacun, sa valeur propre, qui signifient que tout être est singulier et potentiellement irremplaçable”.

– Mon amie : “c’est très beau ce que tu dis”.
Rien que pour ça : encore une et je vais, encore une et je va…

Une bonne journée.

A la prochaine ? Sans doute.

Khaled Slougui

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