Deux personnages féminins sur la scène politique israélienne

L’hebdomadaire « le Point », par un article du 11 juillet de la plume de Danièle Kriegel, s’appuie sur deux personnages féminins pour éclairer la scène intérieure israélienne à sa manière. Vu par l’hebdomadaire les deux représentent un glissement des plaques tectoniques politiques du pays vers ce qu’il est tenté d’appeler un «nationalisme décomplexé et populisme décoiffant». Vision agrémenté par un biais quelque peu, oserions-nous dire, féministe des choses…
Les deux sont à la fois ministres et parlementaires : Ayelet Shaked, ministre de la justice, et Miri (Myriam) Reguev, celle de la culture et des sports.
Ayelet Shaked, Ingénieur électronique de formation, spécialisée en informatique, n’a pas encore 40 ans et un visage à la Elizabeth Taylor : grands yeux verts, longs cheveux noirs et lèvres pulpeuses ; une jeune beauté à la tête du ministère de la Justice. Les commentaires (machistes, dit « Le Point »…) n’ont donc pas manqué et ont fait oublier le fond du problème, résumé en une phrase (assassine ?) par un député du parti travailliste dit « de gauche », aujourd’hui nommé « L’Union sioniste »: « Donner la Justice à Ayelet Shaked, c’est comme nommer un pyromane à la tête des services des pompiers… »

Ayelet Shaked en 2011.
Ayelet Shaked en 2011.

Mais il n’y a pas que la gauche qui s’inquiète. Récemment, le conseiller juridique du gouvernement, Me Yehouda Weinstein, n’a pas mâché ses mots à l’encontre de ceux qui « pensent que la séparation des pouvoirs est devenue peu claire et doit être redéfinie », dénonçant « des positions simplistes et sans fondement ». Personne n’a été dupe. La cible de l’éminent juriste n’était autre que la nouvelle ministre de la Justice.
Ayelet Shaked s’oppose aux « bien-pensants, ennemis d’Israël », (dit elle).
Numéro deux du « Foyer Juif », parti religieux nationaliste (« d’extrême droite », dit « Le Point ») dirigé par Naftali Bennett, elle en est députée depuis 2013. Elle s’est fait une spécialité dans les déclarations fracassantes pro-« colons » (dit « Le Point ») et anti-palestiniennes. Cela, tout en étant le chantre de ceux qui, en Israël, veulent mettre au pas la Cour suprême accusée d’être « le suppôt du libéralisme de gauche et des tenants des droits de l’homme ». Tout en caressant dans le sens du poil le sentiment anti-élite de l’opinion publique, elle s’en est toujours pris à ce qu’elle exècre tout particulièrement : cette gauche qui, à ses yeux, ne cesse d’apporter de l’eau au moulin des « ennemis d’Israël ». Tout était donc prêt pour que cette épouse d’un pilote de chasse (de réserve), mère de deux enfants, pas pratiquante mais très à cheval sur le patriotisme juif, soit la star du 4e cabinet Netanyahu, et devienne garde des Sceaux.
Mais, voilà, depuis son entrée en fonction, on ne l’entend presque pas. Sa première grande apparition médiatique date du 20 juin dernier. Plus d’un mois après sa nomination. Une longue interview au journal du soir de la principale chaîne de télévision au cours de laquelle Ayelet Shaked a surtout manié l’art de l’esquive et de la retenue. Au chapitre des révélations, le plus intéressant fut en réponse à la question : « Quel est le meilleur conseil reçu depuis votre entrée en fonction ? » Réponse : « Réfléchir avant de parler ! »
On n’en saura pas plus. Même à la question pressante : « Peut-on savoir qui vous a donné ce conseil ? Un communicant ? Un proche ? » elle opposera un non catégorique ! Bref, si la jeune ministre, se conformant au slogan de campagne de son parti, ne s’excuse de rien, à commencer par ses positions « extrêmes » (dit « Le Point ») ou, comme on dit dans l’Israël d’aujourd’hui, ses vues très conservatrices, le message actuel est clair : je suis une femme qui entend travailler sérieusement et loin des fureurs médiatiques.
Nouvelle stratégie politique ou volonté de se démarquer de la manière de faire de son ancien parti, le Likoud, et de son patron, Benjamin Netanyahu, dont elle fut directrice de cabinet durant sa traversée du désert, entre 2006 et 2008 ? L’avenir le dira.

 Miri Reguev, pour une culture patriotique.

Reste qu’en matière d’agitation et de scandales, c’est aujourd’hui Miri Reguev, née (de parents originaires du Maroc) Myriam Siboni, diplômée d’école de commerce et épouse de Dror Reguev, ingénieur aéronautique, la collègue de Shaked à la Culture et aux Sports, qui triomphe. Avec son « populisme » (dit « Le Point ») extraverti, son amour de l’emblème national, dont elle aime s’envelopper en toutes circonstances, ses coups de colère brut de décoffrage et ses rires à la bonne franquette, cette femme à la cinquantaine épanouie met un large public dans sa poche, et pas seulement ses électeurs. Depuis son entrée à la Knesset, elle est passée de la 27e à la 5e place sur la liste de son parti, le Likoud, celui du premier ministre Netanyahou.

Miri Reguev
Miri Reguev

Gonflée à bloc par cette ascension ultrarapide, cette générale de brigade – elle fut chef de la censure militaire puis porte-parole de Tsahal – passée à la politique n’a pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin. Et ce n’est pas une « clique d’artistes de gauche » (dit-elle) qui va la faire renoncer à son agenda : récompenser les « patriotes » et punir ceux qui fournissent des munitions aux ennemis du peuple juif.
« Censure inacceptable ! » clame le monde des arts, en utilisant parfois l’insulte. Pas de quoi perturber la générale Reguev ! Lors d’une interview à un grand journal féminin, elle n’hésite pas. Voilà les artistes qualifiés de « culs serrés, hypocrites et ingrats » ! Par la même occasion, elle leur précise sa prochaine action : l’annonce des critères qui ouvriront ou fermeront la porte aux subventions de son ministère. « D’ici un mois, lâche-t-elle, le chef du syndicat des acteurs saura exactement ce qu’il peut ou ne peut pas [écrire]… » Ambiance !
Ayelet et Miri. Des enfances, quoique de souche sépharade, à l’opposé l’une de l’autre : la première dans les beaux quartiers de Tel-Aviv, la seconde à Kyriat Gat, une petite ville modeste du sud du pays. Mais à l’arrivée, et en dépit de styles très différents, une même vision politique pour un Israël, État 100 % juif de la Méditerranée au Jourdain.
Source : « Le Point » par Danièle Kriegel.   Commenté par Kalman Schnur.
 

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