C’était … la Fête des grands mères. Par Stéphanie Melloul

A cette occasion, j’avais pour habitude, avant tout, d’aller voir ma grand mère pour lui souhaiter et puis…

Et puis il y avait le présent. Le petit cadeau qui ne coûte pas cher mais qui lui faisait tant plaisir et lui donnait l’occasion encore de sourire mais aussi de nous prendre dans ses bras.

On ne va pas se mentir c’est surtout pour ça qu’on voulait lui offrir quelque chose ; sentir la chaleur de ses bras, ses baisers, tout son amour pour ses petits enfants, que le cadeau lui plaise… Ou pas.

Durant l’enfance, le cadeau était un simple petit mot d’amour sur un bout de papier arraché rapidement d’un cahier d’école, elle les a tous gardés, les miens, ceux de mes cousines et cousins.

Vers 10 ans, le petit cadeau était acheté sur un étal, dans un quelconque marché, payé avec les pièces données par nos parents. Je me souviens de la joie de mon frère tellement heureux de lui offrir un cactus dans un petit pot. Mamie le replantait et il grandissait à n’en plus finir

Notre grand-mère, quelque soit l’occasion de lui offrir un présent, quand tu lui posais la question : “Mamie que veux-tu comme cadeau ?” Elle répondait toujours : “Je ne veux rien les enfants, je veux juste que vous soyez en bonne santé, vous et vos parents.

Ce dimanche de fête, on arrivait alors à tour de rôle « Chez Papi et Mamie » comme on dit encore.

Telle « The place to be », ce lieu incontournable pour ceux qui cherchent le bonheur et la joie de vivre.

Je me souviens de l’arrivée de chacun « Chez Papi et Mamie », on s’attendait tous.
On mange, on joue, on parle fort, oui c’est comme ça chez nous et on aime ça, parler fort entre nous et puis surtout, on rit !

On se chamaillait parfois mais en réalité le premier arrivé attendait à l’étage, le visage collé à la fenêtre, quelle serait la prochaine voiture qui ferait son entrée dans cette impasse où les piliers de la famille habitaient.
Ça y est tous leurs enfants, leurs petits enfants sont là.


A ce sujet, Mamie n’était pas la dernière dans ce domaine, bien au contraire, elle nous aura tous supplantés !

Un simple « m’chikobara » – mot en javanais disait-elle- la faisait encore sourire les derniers temps.

Les cadeaux simples mais qui relataient tout notre amour pour notre grand-mère : cartes, papier, plantes et autres babioles qui la rendaient tant heureuse étaient offerts dans un brouhaha incroyablement festif qui manque déjà à chacun de nous.

La joie qu’elle ressentait elle nous la transmettait à tous, contente d’un rien tant que cela venait de nous, ses enfants, beaux enfants et petits enfants.

Plus tard, fière d’être journaliste pour une radio juive -ce qui me permettait d’être écoutée en permanence par mes grand parents-, c’est la carte bleue en main, que j’entrais dans le Temple de la mode pour personnes âgées : Damart

Mamie ne voulait pas de vêtements ou autre produits de grande valeur marchande ; en somme, une femme singulière, aimant la simplicité et l’authenticité, ce qu’elle était et qui n’enlevait en rien l’intérêt qu’elle portait à tout et à tous.

Chez Damart, un tee shirt lui suffisait. « Un tricot de corps » comme elle aimait dire et plus précisément, un “Thermolactyl”. Pour une juive tunisienne arrivée en France après avoir passé la moitié de sa vie dans la chaleur, il fallait au moins cela !

Certes, un Tee-shirt Damart n’a jamais fait rêver personne, pourtant, quand mamie le portait, il prenait une autre dimension.

En réalité, à son contact, on se rendait compte que ce qui était futile pour nous était essentiel pour elle.

Elle aimait les fleurs oui, aussi, mais je n’ai pas le souvenir qu’elle les aimait coupées, mises en scène dans un vase.

Mamie elle aimait la nature.

Elle aimait la vie, la liberté et la joie de les voir pousser à son balcon n’avait pas de prix

Elle parlait aux plantes et… les plantes l’écoutaient.

Si bien que, dans le jardin de mes parents, il y a aujourd’hui les fruits qu’elle a portés hier avec la complicité de mon père qui continue dans cette voie.

Ah ça le jardinage, c’était son truc !


Pas moins d’un figuier, d’un citronnier, d’un Olivier trônent dans son aire de jeu chez mes parents.


Elle avait la patience de les voir grandir ; les premiers bourgeons étaient vécus comme l’annonce d’une naissance, d’une nouvelle saison, du temps qui passe mais auquel elle avait su donner du sens.

Nous, les plus jeunes, angoissés à dire en continu que « nous n’avons pas le temps ». En fait, nous ne le prenons pas ce temps.

Mamie, elle, nous comprenait toujours, sans jamais nous faire la morale mais si vous la regardiez naturellement, patiemment communiquer avec les plantes, vous compreniez qu’elle était ailleurs : dans ce monde immatériel qui nous échappe à tous ou presque.

Il est vrai que notre grand-mère n’a jamais travaillé. En tous cas, pas pour gagner de l’argent. Ça lui passait au dessus : le matériel n’avait aucun sens pour elle : elle demandait peu et se suffisait du nécessaire.

Notre grand mère, c’est comme un chef d’orchestre en plein désert : elle te faisait un concert polyphonique avec deux boîtes de conserve… et ça marchait !

Non, je n’irai pas à Damart cette année acheter le énième “tricot de corps” pour notre mamie.

En fait, je n’irai plus.

Je touche une fois encore le “Thermolactyl” que mamie a porté, rangé dans son armoire et qu’elle m’a offert avant de faire son long voyage et je me rends compte qu’elle avait raison une fois de plus dans ses préférences ; il est tel qu’elle était : distingué, chaud, doux, rassurant.

Bonne fête mamie d’amour, tu nous manques cruellement et tu manqueras aussi à Damart mais ça, ils ne le savent pas encore.

Je t’aime.

PS : Bonne fête à nos mamans qui sont maintenant aussi devenues des mamies en or.

Ta grande petite fille chérie.

Stéphanie Melloul

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