Avi Gabbay, le Macron israélien

« Gabbay est le nouveau Macron. Sa victoire aux primaires du parti travailliste est un indicateur de l’exaspération des électeurs. » Nahum Barnea, éditorialiste respecté du Yediot Aharonot, le populaire quotidien de centre droit, ne fait que retranscrire l’étonnement suscité par le blitz électoral de l’étoile montante de la politique israélienne. En six mois, Avi Gabbay est passé du statut de quasi-inconnu du grand public à celui de candidat au poste de premier ministre.

Avi Gabbay

Macron israélien, vraiment ? C’est le monde de l’entreprise qui a propulsé Avi Gabbay vers les hautes sphères de la politique. Gabbay incarne en Israël l’ascension de la classe moyenne séfarade. Né en 1967 dans un camp de transit, ces installations fabriquées en urgence pour répondre à l’afflux d’immigrants juifs issus des pays musulmans, il suit des études d’économie à l’université de Jérusalem, avant de rejoindre le ministère du Budget. Cinq ans plus tard, on le retrouve dans le privé: il se hisse au sommet de la plus grande entreprise de télécoms du pays (Bezek), où il est nommé directeur général en 2007. Avec Gabbay à sa tête, l’entreprise met en œuvre une stratégie agressive, et les actionnaires réalisent de juteux profits. Celui que ses collègues décrivent comme un homme intègre, direct et chaleureux n’est pas en reste: durant ses années Bezek, il empoche plus de 50 millions de shekels (plus de 10 millions d’euros).

Ce passage dans le privé forge une méthode: lors de la campagne pour les primaires du parti travailliste, il gère ses équipes comme un chef d’entreprise ; il délègue, responsabilise, pousse au dépassement, mais se réserve le dernier mot. L’utilisation des médias lui permet de se faire un nom en politique. Consensuel numéro deux d’une petite formation de centre droit, anonyme ministre de l’Environnement du gouvernement Nétanyahou entre 2015 et 2016, il claque la porte en dénonçant les manœuvres politiciennes du premier ministre ; quelques mois plus tard, il annonce son ralliement au parti travailliste dans une interview coup-de-poing accordée à la chaîne la plus regardée du pays. L’information se répand vite, bien relayée par des milliers de militants très actifs sur les réseaux sociaux! Depuis l’instauration des primaires travaillistes en 1991, jamais une personnalité extérieure au parti n’avait eu la prétention d’en prendre les rênes.

C’est que les temps ont changé. Naguère point d’orgue de la politique israélienne, les élections internes de ce vieux mouvement politique (qu’on appelle en Israël Haavodah) ont, ces vingt dernières années, été reléguées aux marges de l’actualité nationale. Crise de leadership, flou idéologique, rétraction de ses réseaux dans la société civile: comme la plupart des partis sociaux-démocrates du monde, le parti travailliste traverse une crise existentielle. Dans les dîners en ville, il est de bon ton d’annoncer la mort du parti qui a fondé l’État d’Israël. Le premier tour du scrutin, réservé aux militants, a eu lieu le 4 juillet. Malgré une chaleur estivale assommante, 60 % des 52.000 adhérents du parti se rendent aux urnes. Surprise: la finale opposera Gabbay, le novice, au syndicaliste et ancien ministre de la Défense Amir Peretz. Lundi 10 juillet, coup de tonnerre! Avec 52 % des suffrages, c’est Gabbay qui prend la tête de la principale formation d’opposition. L’outsider n’a pas gagné du fait de son programme économique, moins audacieux que celui de son concurrent, Amir Peretz, ni pour l’originalité de ses positions sur le conflit israélo-palestinien, au sujet duquel il n’a rien proposé de bouleversant. Il a gagné pour ce qu’il incarne ou, plus vraisemblablement, pour ce qu’il n’incarne pas.

Le social-libéralisme porté par Avi Gabbay est celui d’une génération

Après les États-Unis et la France, c’est au tour des  élites  politiques israéliennes de se faire sortir. Gabbay promet de «mettre fin aux nominations politiques» et de rassembler «les meilleurs dans chaque domaine de compétence» ; il jure de relancer la croissance afin de «résoudre les problèmes sociaux», en augmentant légèrement les dépenses publiques mais, surtout, en supprimant les «régulations et la bureaucratie inutiles». Le social-libéralisme porté par Avi Gabbay est celui d’une génération. De dix ans l’aîné du président français, Gabbay a, comme lui, fait ses premiers pas dans un monde post-guerre froide, dans lequel la religion du politique avait perdu son pouvoir sur les hommes ;  dans un pays où le socialisme, l’un des plus offensifs du monde jusque dans les années 1950, cédait le pas à un libéralisme tempéré. Trop jeune pour avoir goûté à la fièvre sociale des années 1960-1970, le combat pour les droits de l’homme n’est pas le sien. Son horizon politique est celui du centre ; celui qui surgit, en France et en Israël, au tournant des années 1980 pour combler le vide laissé par les grandes idéologies séculaires.

Pour Emmanuel Macron comme pour Avi Gabbay, la machine sociale se règle à la marge, et chaque dysfonctionnement se résout indépendamment des autres, par le spécialiste du domaine. La politique est un métier comme un autre ; elle s’exerce à petits pas, sans trompettes. Le Rastignac de la politique israélienne parviendra-t-il à déloger Benyamin Nétanyahou ? Chaque chose en son temps. À ce jour, les prochaines élections législatives sont prévues en novembre 2019.

Steve Alexandre Jourdin * Doctorant à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Source : premium.lefigaro.fr

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2 Comments

  1. Du n importe quoi ! Macron est un courant d air , et gabbay est une bulle qui fait pchitt !
    Mais , aucune comparaison ,a moins que gabbay soit antisioniste , comme le francais ?

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