Assis dans l’avion à côté d’une brave dame française. Par Michael Grynszpan

Je n’ai pas l’habitude de raconter ma vie privée en public. Mais cette rencontre faite dans un avion me semble révélatrice d’un certain état de l’opinion publique française et donc digne d’intérêt.

J’étais récemment en transit à l’aéroport d’Istanbul et embarquais sur un vol vers la France. Il est toujours intéressant de découvrir à côté de qui l’on va être assis pendant quelques heures – parfois une bonne surprise, parfois un calvaire.

J’ai donc trouvé ma place à côté d’une dame originaire de Marseille, 71 ans, qui avait l’air plutôt sympathique.

Appelons-là Christine pour préserver son anonymat. En recevant notre repas nous avons commencé à échanger quelques mots.

Christine revenait d’un voyage en Iran. Enchantée.

D’emblée je lui ai révélé que j’étais israélien. Après un petit temps de silence, nous avons poursuivi la conversation.

Dynamique, ouverte aux autres cultures, Christine profite de sa retraite pour voyager dans le monde. Elle m’a raconté en détail certaines de ses aventures en Afrique. Elle a surtout insisté sur cette dernière visite magique en Iran : la gentillesse de la population locale, la diversité de ses paysages, la riche culture antique perse… C’était d’ailleurs la deuxième fois qu’elle se rendait dans ce beau pays. Certes, elle m’a dit regretter le régime islamiste du pays qui fait souffrir sa population, mais rappelait toujours que le peuple perse ne se laissait pas faire ni ne partageait le fanatisme de ses dirigeants.

Et puis, au détour de notre dialogue sur les pays dans le monde, je lui ai demandé si elle était déjà allée en Israël.

Elle m’a rétorqué alors : – Ah ça non ! Jamais je n’irai dans ce pays.

Je lui ai demandé, interloqué : – Ah bon, et pourquoi donc Madame ? Pourquoi pas Israël ?

– Parce que je ne vais pas dans un pays avec lequel je ne suis pas d’accord, dit-elle, un pays qui occupe son voisin… Hors de question !

Voilà, c’est à ce moment précis que la « romance » avec la brave dame s’est brusquement arrêtée. Quel dommage, elle m’était pourtant sympathique, Christine.

Je suis resté poli mais je lui ai dit sans ménagement ce que je pensais :

– Je crois Madame que vous avez un système de valeur tordu, complètement perverti. Vous venez de voyager dans une dictature tenue par une secte islamiste qui – vous l’avez dit vous-même – opprime son propre peuple, pend les homosexuels, lapide les femmes adultères, mate les manifestations dans le sang, finance le terrorisme dans le monde et surtout menace officiellement de détruire ses voisins tout en se dotant de l’arme nucléaire. Et pourtant, c’est Israël qui est une démocratie – critiquable certes, mais une démocratie tout de même – que vous boycottez et diabolisez.

Il faut préciser que Christine ne possédait pas une grande culture, de son aveu elle ne lisait pas de livres ni de journaux, elle s’informait principalement en regardant la télévision.

Elle m’a répondu – Oui mais quand même, j’ai vu ce que « l’Israël » a fait ! Ils ont même tiré sur des pauvres gens qui voulaient rentrer chez eux.

J’ai passé du temps à tenter de lui expliquer le contexte historique et géopolitique. Je lui ai rappelé ce qu’était le Hamas. Je lui ai parlé des différents courants politiques en Israël, du refus arabe d’accepter toute entité juive dans la région depuis un siècle et du plan de partage préconisé par l’ONU en 1947 accepté par les juifs et refusé par les arabes, la guerre d’Indépendance qui en a suivi, le drame des réfugiés juifs des pays arabes et palestiniens, l’exploitation de ce drame par les dictatures arabes, etc.

Mais comment convaincre quelqu’un qui croit avoir « vu » la réalité du terrain – dans un pays où il (ou elle) n’a jamais mis les pieds ?

On avait l’impression de revivre les guerres israélo-arabes à travers notre discussion dans l’avion. Certains passagers d’origine maghrébine se retournaient pour m’envoyer des regards inamicaux…

Elle n’avait jamais entendu parler des faits que je lui présentais : il y a eu plus de palestiniens tués par des arabes que par des israéliens, oui Madame, principalement dans les guerres inter-arabes en Syrie, au Liban, en Jordanie, ou entre le Fatah, le Jihad islamique et le Hamas.

Je lui rappelais que lorsqu’il s’agissait de l’Iran, elle savait très bien faire la distinction entre le peuple et ses gouvernants, alors pourquoi pas dès que cela concernait Israël ?

En fait elle pardonnait tout au régime des Mollah. Elle pensait qu’ils n’étaient pas sérieux lorsqu’ils menaçaient Israël de destruction. Des paroles enfantines, me dit-elle, il ne faut pas en faire tout un plat. Elle pensait que la faute était plutôt du côté de Trump qui jetait de l’huile sur le feu alors qu’Obama avait obtenu un « accord de paix ».

Las, que faut-il penser d’un tel aveuglement ? La logique même glissait sur elle sans la toucher. Elle était pourtant bien gentille Christine, pleine de bons sentiments. On arrive donc à de telles conclusions biaisées lorsqu’on s’informe par les médias français ?

Je lui ai dit qu’elle ne pensait pas juste, ou plutôt à l’envers, qu’elle était en pleine confusion.

Si elle avait fait le choix de ne pas voyager dans un pays dont la politique lui semblait injuste et dangereuse – alors pourquoi voyager en Iran ?

Ou bien si, d’un autre côté, elle se montrait capable de faire un distinguo entre les peuples et la politique suivie par leur gouvernement – alors pourquoi ne pas voyager en Israël ?

Des amis israéliens qui lisent ce texte vont peut-être me demander le numéro de Christine pour l’inviter à un pot à Tel-Aviv et une visite de Jérusalem. Peine perdue, elle ne viendra pas, car elle sait, elle a vu que nous sommes des monstres.

Christine est un pseudo mais on aurait pu en trouver d’autres… Emmanuel Macron ou Edouard Philippe, par exemple, deux pseudos qui rappellent (de façon tout à fait fortuite) un président et un Premier ministre qui ont annulé leurs voyages en Israël…

Michael Grynszpan

Avec Elie Wiesel

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13 Comments

  1. Vrai et archi-vrai.
    Meme si elle avait ete inventee, cette conversation refleterait comme un miroir l’ignorance et la betise de bon nombre de ” braves gens”, tres eloignes du probleme, mais se piquant d’humanisme.
    Pour cette ,enorme, categorie de gens la musique venant des sources habituelles et familieres reflete la verite, au moins a 90%.
    Alors pour certains ,un engagement plus concret se manifestera par un appui aux org. anti-israeliennes car ils croient honnetement servir la paix et la justice.
    Au temps de Vichy, combien de “bons Francais” se sont laisses abuser par la propagande et le mensonge ? Combien jusqu’a la fin ignoraient ou prnaient pour propagande ennemie le sort reserve aux Juifs deportes ?
    Le fond du probleme reste l’information.
    Au 21eme siecle , et malgres tous les moyens, nous restons tributaires des on-dit et de la manipulation de nos emotions.

  2. c est pour cela que je ne possede pas de tv: tout est faux
    radio idem
    je lis
    je ne suis pas juif
    j etais catholique et suis devenu athe
    et j aime Israel et son peuple

    • Pareil : TV et radio sont à boycotter. La TV est un trou noir dans l’espace public, d’où la lumière ne s’échappe pas et qui spaghettifie le cerveau.

  3. Vous dites : “On arrive donc à de telles conclusions biaisées lorsqu’on s’informe par les médias français ?”
    Si effectivement les médias français sont responsables en grande partie de cet état d’esprit, on n’est quand même pas obligés de tout gober de ce qu’ils disent. Christine devait déjà avoir des a priori, des préjugés bien à elle sur Israël et les Juifs en général pour que les médias achèvent d’enfoncer le clou. Mais je crois que votre conversation peut aussi avoir porté ses fruits, quelques fruits débouchant sur une autre réflexion. Pourquoi pas ? Il ne faut pas penser que c’est forcément mort…

  4. Juste une précision : il n’y a pas qu’en France que cette désinformation antiisraélienne et cette désinformation tout court prolifèrent à tous les niveaux. Cette touriste inculte aurait tout aussi bien pu être anglaise ou américaine, par exemple. Ou islandaise.

  5. Je pense q’il ne faut pas paniquer et voir la situation de manière objective plutôt que de sombrer dans le défaitisme et l’amertume…

    Vous n’avez parlé à cette femme (Christine) que quelques heures et vous lui avez donné énormément d’informations qui remettent en question tout ce qu’elle croyait jusque-là, il y a une différence entre sa réaction affichée sur l’instant et ce qu’il se passe en elle. Il faut laisser le temps à vos propos de faire leur chemin et de permettre à Christine de remettre en question le bien-fondé de ses certitudes… Ça ne se fait pas en quelques heures… Surtout pas à 71 ans…

    Michaël, vous avez planté les graines de la réflexion et vous vous énervez de ne pas apercevoir les pétales de la fleur… Patience… Savlanout, comme on dit en Israël…

    Comme Christine restait apparemment droite dans ses bottes, vous avez pensé que tout ce que vous lui avez dit n’a servi absolument à rien alors que c’était plein de bon sens… mais vous n’avez pas compris qu’il faut du temps pour se développer, pour une fleur, que le comportement affiché pour ne pas perdre la face en public ne révèle rien de ce qu’il se passe à l’intérieur de la personne. Gentille et pleine de bons sentiments, elle y réfléchira forcément et il est même possible qu’au lieu de la rencontrer à Constantinople, vous la rencontriez peut-être bientôt à Tel Aviv ou à Jérusalem… Laissez lui juste le temps, et laissez le temps à votre message de produire ses effets.

    Il y a, toutefois, deux choses que je regrette dans votre répartie, qu’il vaudrait tout de même mieux éviter à l’avenir :

    lorsque vous évoquez la distinction qui doit être faite entre les dirigeants d’un pays dont la politique est contestable et lorsque que vous mettez le gouvernement israélien sur un pied d’égalité avec le régime en place en Iran (en les comparant).

    Ça part d’une bonne intention, vous l’avez fait pour afficher une position d’ouverture à la critique, de tolérance de la différence, mais il faut comprendre que pour ceux qui sont manipulés et habitués à voir Israël d’un mauvais œil, cela sera plutôt considéré comme un aveu de culpabilité.

    Je voulais aussi réagir au commentaire de Nelson Melody qui dit qu’il n’y a pas qu’en France cette désinformation est diffusée et que Christine aurait tout aussi bien pu être anglaise ou américaine, voire islandaise…

    Dans l’absolu, peut-être, mais concrètement la France a une des couvertures anti-israéliennes les plus virulentes et permanente au monde, beaucoup plus que les États-Unis (globalement plus favorables à Israël), l’Angleterre et même l’Islande. C’est un point important à ne jamais négliger.

    • Le Washington Post (qui fait d’ailleurs actuellement la promotion de la Turquie sur les réseaux sociaux) et le New York times sont des organes de désinformation islamo-fascistes.

  6. Je croyais que tu faisais des documentaires… Je vois que tu sais aussi écrire. Et même, très bien.
    Je partage ton indignation, (et ton article sur mon mur) mais de mon côté je me dis qu’il faut lâcher prise…
    La connerie existe, ce n’est pas une vue de l’esprit. Cette dame m’a l’air d’un sacré spécimen… Être crédule, aller en Iran mais pas en Israël, croire la propagande anti-juive déversée par la presse et la télé, comment ça s’appelle ??
    Avec les cons, c’est peine perdue. Un con ne change pas d’avis, c’est bien connu. Autant essayer de réveiller un mort.

  7. Le Droit pénal français admet l’irresponsabilité; dans une même logique, alors pervertie, les dictatures ne sont pas responsables par leur nature même de dictature. Israël est plus victime d’un faux “bon sens”, paresseux et vertueux, que victime des media: le gouvernement Israëlien est responsable parce qu’il est démocratique, les Israëliens sont responsables parce qu’ils contrôlent démocratiquement le gouvernement.

    Israël est devenu un Goliath qui a fatalement tort pour sa puissance supérieure. C’est le principe, tragiquement détourné, de THE MOUSE THAT ROARED: la vaincu a le droit du plus faible.
    La guerre d’agression criminelle de l’autorité de fait de Gaza contre Israël devient une défaite vertueuse du plus faible contre l’agresseur islamiste qui devient agressé par sa seule défaite.
    Le sionisme n’est pas sans voix mais il préfère trop souvent l’anathème à la propagande et pratique la chasse aux media plus que la chasse aux politiciens responsables de l’antisionisme d’Etat qui frappe un tampon d’autorité sur les lâchetés morales déguisées en vanité rationnelle.

    Quand le féminisme est devenu plus présent, cette femme ne semble pas gênée par les épreuves des Iraniennes sous la dictature religieuse. J’ai raté un voyage en Iran, voilà vingt ans, parce que ma femme refusait l’obligation de se déguiser en esclave; elle n’avait pas tort. Je boycotte toujours l’Autriche pour sa bonne conscience sans repentir.

  8. Lire:”la guerre d’agression…devient une défaite vertueuse du plus faible, l’agresseur islamiste, qui devient agressé par sa seule défaite”;
    Désolé, j’ai remonté trop d’escaliers de toilettes de café parce que les sanisettes parisiennes étaient confisquées par des touristes étrangers.

    M.G. ne pouvait être entendu parce qu’il défendait son pays, action désormais inhabituelle pour les Français; contre les actions des pays arabes, il a justement parlé de la vie politique Israëlienne qui détermine les actions Israëliennes.
    En France, la bataille pour Israël est perdue par ce qu’on ne veut pas livrer bataille; on prétend écraser l’adversaire par la foudre, les anathèmes et les insultes. Cette action de rétribution morale n’a jamais convaincu et il s’agit de convaincre. De plus, elle tend à exploiter des accusations politiciennes pour défaire l’ennemi politique du moment, malheureusement la gauche. La cause sioniste devient le bouclier et le glaive contre tout ce qui ne convient pas en politique intérieure, triste résultat.

    On lit ailleurs dans TJ une juste séparation de l’Islam et de l’Islamisme. Cependant, pour cette vieille lutte contre la volonté de domination politique par l’instrument et la volonté religieuse, on nous parle de totalitarisme et de fascisme, utilisant des instruments politiques qui semblent sûrs, car éprouvés. A nouveau, ce contresens affaiblit la lutte, par un détournement partiel politicien et la dénaturation du problème.

    La volonté de domination religieuse, et par la religion, a précédé tous les systèmes totalitaires et menaçait de détruire l’Eglise catholique. Le pape François a dénoncé le cléricalisme comme hérésie, cette hérésie fut toujours une subversion de la foi catholique mais elle servait des buts politiques. L’islamisme est une hérésie de même nature qui doit être combattue par tous, dans l’intérêt de tous, musulmans, chrétiens, juifs, sans religion.
    La République avait pu surmonter le cléricalisme qui rongeait l’Eglise, elle triomphera de l’islamisme; ce sera le triomphe de tous, non une défaite des musulmans.

  9. Vouloir persuader une personne âgée,- inculte et déjà formatée par les médias en faveur des Néo-palestiniens -, de réfléchir sur une situation qui la dépasse, c’est peine perdue.
    En l’occurrence, il aurait suffit à l’auteur de l’article de dire tout simplement, à son interlocutrice, qu’il n’était pas d’accord avec ses points de vue fallacieux diffusés ici et là par la radio, la télé et les réseaux sociaux.
    L’auteur aurait pu ainsi ménager ses forces vitales, quitte à les diriger ultérieurement, vers les dits médias falsificateurs.

  10. 3 mois après la mésaventure que nous raconte Michaël Grynszpan, les néo-palestiniens et la cause néo-palestinienne continuent à faire des ravages dans les esprits spaghettisés par le gloubi-boulga de la télé, mais aussi des morts en Israël, principalement en Judée, région que des journalistes-autoproclamés continuent à appeler Cis-jordanie conformément au code en vigueur qui sert à cirer les tongues des dictateurs arabo-musulmans et celles de ces messieurs du Quai d’Orsay…
    Avoir comme but de ménager son énergie est un point de vue louable et qui se défend, mais qui n’est pas tenable dans les situations de la vie ordinaire, comme celle que décrit l’auteur de l’article, d’abord parce qu’on a toujours l’espoir d’amener l’autre à reconnaitre qu’il se trompe, et à le persuader de changer d’avis, ensuite parce qu’il n’y a rien de tel qu’une bonne empoignade avec une voisine de fauteuil antisémite (la voisine, pas le fauteuil) pour vous refiler la patate après les fatigues du voyage : parfois une bonne prise de bec avec vol dans les plumes ne vide pas mais vous recharge… Je l’ai maintes fois constaté.

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